Tunisie

« La Guêpe et l’Orchidée » lance le mois du documentaire sur l’exil.

Le Mois du cinéma documentaire (MCD) s’est ouvert, jeudi 18 septembre, au Cinémadart de Carthage, avec la projection en avant-première de « La Guêpe et l’Orchidée », une coproduction tuniso-française signée Saber Zammouri. Le film se distingue par sa richesse symbolique et traite des thèmes de la marginalisation sociale, de l’absence des conditions élémentaires d’une vie digne, et de l’impact de l’image d’une France idéalisée sur les jeunes du Sud tunisien.


Le Mois du cinéma documentaire (MCD) a débuté le jeudi 18 septembre au Cinémadart de Carthage avec la projection en avant-première de « La Guêpe et l’Orchidée », une coproduction tuniso-française réalisée par Saber Zammouri.

Ce film examine la tension entre rêve et réalité, la nostalgie des racines et l’illusion de l’ailleurs. Il questionne l’utilisation des images, qui agissent à la fois comme un langage de liberté et un outil d’hégémonie culturelle, alimentant l’aspiration des jeunes du Sud tunisien à rejoindre la France, perçue comme un « paradis » inaccessible.

Zammouri ancre son récit dans son village natal de Zammour, situé au sud de la Tunisie. Il y dépeint la marginalisation sociale et économique, ainsi que l’absence des conditions élémentaires d’une vie digne, jusqu’à l’arrivée tardive de l’électricité puis de la télévision en 1989.

Cette dernière a cristallisé le rêve d’exil dans l’imaginaire des jeunes, façonné par des images idéalisées de la France.

Le documentaire, construit en deux volets — Zammour et Paris —, suit le parcours d’un jeune homme qui, bercé par une photographie de son père posant devant la Tour Eiffel, a grandi en rêvant d’émigration. Cependant, arrivé en France, il se heurte à une réalité bien différente : un quotidien précaire en tant que livreur et ouvrier.

En toile de fond, l’histoire de ce personnage se mêle à celle du réalisateur lui-même, qui se met en scène à travers sa famille, sa mère, et les paysages de son enfance, comme une tentative de revisiter les raisons profondes de son propre départ.

Lors du débat qui a suivi la projection, Zammouri a affirmé que « l’immigration n’est pas un choix individuel, mais le résultat d’un agenda global », amorcé par l’introduction de la télévision et l’image récurrente d’une France idéalisée.

Le film se distingue également par sa richesse symbolique. Il s’ouvre sur une scène où une mère place du coton dans l’œil de son fils – geste ancestral destiné à soigner – et se termine lorsqu’elle retire le coton souillé, métaphore du regard saturé par la poussière, la pollution… et les illusions. L’œil, mis en avant sur l’affiche du film, devient le fil conducteur du récit : ce que l’on croit voir, ce que l’on nous montre, et ce que l’on finit par comprendre.

Le titre original, Fable/Photographie, traduit en arabe, accentue ce jeu de contrastes. La « fable » renvoie à l’histoire du village et à l’exil de ses jeunes, tandis que la « photographie » évoque la puissance des images télévisuelles qui ont bouleversé l’imaginaire collectif.