Tribune – Existe-t-il vraiment un débat contradictoire sur la vérification fiscale ?
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP, art. 14), ratifié par la Tunisie, consacre le droit de toute personne à un procès équitable, incluant le droit d’être entendue et de voir ses arguments examinés. Le Code des droits et des procédures fiscales (CDPF) consacre l’obligation, pour l’administration fiscale, de répondre aux contestations formulées par le contribuable.
Le débat contradictoire en matière de vérification fiscale s’inscrivant dans le cadre plus large des garanties procédurales reconnues par le droit international et constitutionnel. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP, art. 14), ratifié par la Tunisie, établit le droit de toute personne à un procès équitable, incluant le droit d’être entendue et de voir ses arguments examinés. De même, la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH, art. 10) réaffirme le droit à un recours équitable et au respect des droits de la défense. Elle précise que « le droit d’ester en justice et le droit à la défense sont garantis ». Cette disposition impose à l’administration fiscale le respect et la mise en œuvre du principe du contradictoire, en fournissant des réponses motivées et contextualisées aux observations du contribuable.
Cependant, dans la pratique, les réponses de l’administration se limitent souvent à reformuler les motifs initiaux de redressement, sans réaliser une véritable analyse des arguments présentés. Une telle pratique réduit la portée du débat contradictoire et fragilise l’effectivité des droits de la défense prévus par la Constitution et les textes du droit international.
La justice fiscale exerce-t-elle un contrôle sur le respect du débat contradictoire ? Le Code des droits et des procédures fiscales (CDPF) impose à l’administration fiscale l’obligation de répondre aux contestations soulevées par le contribuable. Par ailleurs, l’article 50 stipule que la taxation d’office est établie « sur la base des résultats de la vérification fiscale et de la réponse y afférente du contribuable si elle existe ». Néanmoins, dans la réalité, l’administration se contente souvent de mentionner la date de la réponse du contribuable, sans aborder le contenu de ses arguments.
Cette pratique prive de facto le juge de la possibilité de vérifier si l’administration a réellement pris en compte la défense du contribuable. Dans de nombreux cas, les réponses de l’administration ne relèvent pas d’une discussion contradictoire authentique, mais se limitent à une reformulation des griefs initiaux. Le manque de contrôle juridictionnel effectif a encouragé l’administration à persister dans cette pratique, au détriment du droit de la défense, ce qui affaiblit le rôle de la justice comme garantie dans le contentieux fiscal.
Les agents de l’administration fiscale sont-ils en mesure de consacrer le temps nécessaire aux réponses ? Le respect du débat contradictoire est également entravé par des contraintes organisationnelles. Les agents de l’administration fiscale sont soumis à des objectifs quantitatifs : un nombre minimum de vérifications fiscales doit être réalisé chaque année, avec une proportion importante de vérifications ponctuelles.
Cependant, ce type de contrôle, effectué dans des délais très courts, laisse peu de temps au contribuable pour organiser sa défense et ne permet pas au vérificateur d’examiner en profondeur les arguments soulevés. De surcroît, le manque de formation qualitative et d’encadrement limite la capacité des agents à fournir des réponses contextualisées et juridiquement solides.
Cette pression quantitatives, combinée à des ressources humaines et techniques insuffisantes, réduit le débat contradictoire à une simple formalité, au lieu d’en faire un véritable espace de dialogue entre l’administration et le contribuable. Le contradictoire en matière de vérification fiscale ne devrait pas être une simple formalité, mais un droit effectif. Or, en Tunisie, il demeure fragilisé par une pratique administrative routinière, un contrôle juridictionnel limité et des contraintes organisationnelles qui entravent les agents.
La modernisation du contrôle fiscal doit passer par un rééquilibrage en profondeur : doter les vérificateurs d’outils technologiques performants, renforcer leur formation juridique et technique, et réduire la pression quantitatives qui mène à des vérifications à la hâte. C’est à cette condition que le débat contradictoire pourra être rétabli dans son sens, non pas comme un rituel procédural, mais comme la pierre angulaire d’une justice fiscale crédible et moderne.
(Conseiller Fiscal – Membre actif de la société civile tunisienne)
N.B. : L’opinion émise dans cette tribune n’engage que son auteur. Elle est l’expression d’un point de vue personnel.

