Procès Jubillar : Cédric Jubillar affirme « Je vais l’enterrer, personne ne la trouvera »
Ce 16 décembre 2020, à un peu plus de 4 heures du matin, Cédric Jubillar compose le 17 pour signaler la disparition de sa femme Delphine, dont il a constaté l’absence vers 3h30 du matin. Malgré d’intenses recherches, l’infirmière de 33 ans, qui a exprimé le souhait de divorcer, n’a jamais été retrouvée.
Ce 16 décembre 2020, un peu après 4 heures du matin, Cédric Jubillar compose le 17. Delphine, sa femme et mère de leurs deux enfants, a disparu de leur domicile à Cagnac-les-Mines, près d’Albi. Les gendarmes l’interrogent par téléphone : quand l’a-t-il vue pour la dernière fois ? S’agit-il de la première fois qu’elle disparaît ainsi ? Y a-t-il eu une dispute ce soir-là ? Cédric explique avoir constaté son absence vers 3h30, après avoir été réveillé par les pleurs de leur plus jeune enfant, âgée de 18 mois. La voiture de Delphine est toujours stationnée devant la maison, mais son téléphone reste silencieux. Ses déclarations manquent de clarté. Il craint pour sa sécurité, mais émet l’hypothèse qu’elle a pu sortir les chiens, notant qu’elle avait déjà quitté le domicile par le passé.
Depuis cette nuit-là, personne n’a revu Delphine Jubillar. Malgré d’importantes recherches, l’infirmière de 33 ans demeure introuvable. L’idée d’un départ volontaire ou d’un suicide a rapidement été jugée peu crédible en raison de sa proximité avec ses enfants et de ses nombreux projets. Pourtant, Cédric Jubillar est mis en examen pour le meurtre de son épouse. Malgré ses dénégations constantes et les zones d’ombre entourant ce crime, la justice considère que plusieurs éléments indiquent sa culpabilité. « Il est évident que Cédric Jubillar a menti durant l’instruction, éludé des questions délicates, parfois en prétextant une perte de mémoire, adapté ses versions aux éléments d’investigation et rejeté la faute sur autrui », affirment les magistrats instructeurs.
Rapidement, le comportement de Cédric Jubillar suscite des soupçons. D’abord, son attitude désinvolte. L’artisan-plaquiste semble peu engagé dans les recherches. La nuit de la disparition, son podomètre a comptabilisé 146 pas, juste le tour de la maison. Il n’a participé qu’à une seule battue les jours suivants. Ses proches rapportent avoir été surpris par son retour rapide à une vie « normale ». D’après eux, il ne mentionne jamais Delphine, ne montre pas d’affliction, et la rabaisse, l’appelant fréquemment « l’autre ». Lorsqu’il est placé sur écoute, il plaisante même sur la situation. « Je suis le meurtrier parfait pour l’instant, n’oublie pas, j’ai commis le crime parfait », a-t-il lancé à sa sœur. « Cédric Jubillar montre un sentiment de toute-puissance, souligne Me Pauline Rongier, avocate de deux amies de la victime. Même en détention, ses co-détenus rapportent qu’il se comportait comme une star. »
En examinant son histoire familiale, les enquêteurs découvrent que Delphine Jubillar avait annoncé, dès la fin de l’été, son intention de divorcer. Les travaux interminables dans leur maison – plus proche d’un chantier perpétuel que d’un chaleureux foyer – étaient source de disputes fréquentes. Auprès de ses proches, elle se plaignait de devoir subvenir seule aux besoins de la famille, alors que Cédric peinait à garder un emploi stable et passait son temps à jouer aux jeux vidéo. Elle lui reprochait de prendre de l’argent pour financer sa consommation de cannabis. Au cours de l’été 2020, son projet de départ s’est intensifié après qu’elle a rencontré un homme sur un site de rencontres. En décembre, elle cherchait activement un appartement.
La tension entre le couple atteignait son paroxysme. En novembre 2020, Delphine Jubillar s’est rapprochée d’un avocat, a changé le code de son téléphone pour se protéger d’un possible espionnage, et a demandé à sa banque de retirer la procuration à son mari. « Je me sens persécutée et harcelée », lui a-t-elle écrit une dizaine de jours avant sa disparition. Ses proches rapportent que Cédric Jubillar refusait de considérer le divorce. Sa mère le décrit comme « obsessionnel » quant à la possibilité que sa compagne ait un amant.
Ses propos devenaient de plus en plus violents. « J’en ai marre, je vais la tuer, je vais l’enterrer, personne ne la retrouvera », a-t-il laissé échapper devant sa mère. Il reconnaît avoir prononcé ces mots, mais les qualifie de simples paroles en l’air. À ce moment-là, sa mère avait pensé que ces mots étaient le fruit de la colère. Toutefois, son placement sur écoute et les témoignages révèlent qu’après la disparition de Delphine, elle s’est inquiétée d’une éventuelle « bêtise » de la part de son fils. « Au fil de l’enquête, on s’est rendu compte que Cédric Jubillar inspirait la peur chez ceux qui l’entouraient, constate Me Philippe Pressecq, avocat de la cousine de la victime. Sa famille le décrit comme quelqu’un d’insultant, humiliant et violent. » Les avocats de l’accusé n’ont pas répondu aux sollicitations.
Pour éclairer la soirée du 15 décembre 2020, l’accusation s’appuie sur plusieurs éléments. Le fils aîné du couple, alors âgé de 6 ans, a rapporté aux enquêteurs avoir assisté à une dispute violente entre ses parents cette nuit-là. Bien que Cédric Jubillar nie ces faits, les lunettes de la victime ont été retrouvées cassées, et deux voisines affirment avoir entendu des cris stridents peu après 23 heures. D’autres éléments laissent perplexes. Pourquoi Cédric Jubillar lavait-il une couette lorsque les gendarmes sont arrivés peu après son appel ? Il soutient que ses chiens s’étaient souillés dessus. Quant au téléphone de Delphine, il n’a jamais été retrouvé, mais il est prouvé qu’il a été utilisé une dernière fois le 16 au matin, quelques heures après qu’elle ait été déclarée portée disparue.
Tous ces éléments suffiront-ils à convaincre les jurés de la cour d’assises ? L’absence de corps et de confessions n’empêche pas une condamnation, mais cela nourrit indéniablement le doute. Or, dans un tribunal, ce doute profite toujours à l’accusé. « Nous ne sommes pas seulement face à un faisceau d’éléments, il existe des preuves solides, un mobile, un contexte », insiste Me Mourad Battikh, représentant plusieurs membres de la famille. « Bien sûr, chaque élément sera discuté, mais nous sommes confiants. » Cédric Jubillar risque la réclusion criminelle à perpétuité.

