La marionnette : un art poétique et contestataire en réinvention constante
En Fédération Wallonie-Bruxelles, la marionnette s’invite de plus en plus dans les spectacles pour adultes car elle permet d’exprimer des choses parfois très trash. L’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette, créée en 1987, recrute 16 étudiants sur concours tous les trois ans.
En Fédération Wallonie-Bruxelles, la marionnette prend une place croissante dans les spectacles destinés aux adultes, car elle permet d’aborder des thématiques parfois très violentes.
## Des marionnettes qui parlent à tout le monde
En Wallonie et à Bruxelles, certains personnages de théâtre existent depuis le 19ème siècle, voire plus longtemps. À Liège, le personnage de Tchantchès, figure emblématique du bon sens liégeois, est présenté dans les théâtres de marionnettes depuis 1860. Actuellement, cinq théâtres fixes à Liège, dont le Théâtre de la couverture chauffante du comédien Bouli Lanners, ainsi que des théâtres itinérants, mettent en scène ce personnage.
À Bruxelles, les marionnettes les plus connues sont celles du Théâtre Royal de Toone, situé dans l’Impasse Sainte Pétronille, au cœur de la ville. Fondé en 1830, ce théâtre rencontre un tel succès que ses spectacles sont maintenant proposés en anglais, espagnol, italien et allemand.
## Les multiples possibilités qu’offre la marionnette
Au-delà des marionnettes traditionnelles, de plus en plus de marionnettes contemporaines apparaissent dans les spectacles. Qu’elles soient grandes, petites ou fabriquées dans divers matériaux, les techniques de manipulation sont variées : marionnette à gaine, marionnette à main (comme Guignol), marionnette à fils, théâtre d’ombres, théâtre d’objets… Les méthodes pour animer des marionnettes sur scène offrent une multitude de possibilités.
Si les théâtres de marionnettes subsistent, la technique se mélange aujourd’hui à d’autres genres. Les marionnettes peuvent désormais être intégrées dans des pièces de théâtre aux côtés de comédiens, dans le cirque ou la danse. Par exemple, cette année, au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, la Compagnie belge Mossoux Bonté, à la croisée de la danse et du théâtre, présentera * »Les nouvelles hallucinations de Lucas Cranach l’Ancien »*.
En plus de leurs formes variées, les marionnettes sont également un excellent moyen d’enrichir la narration. * »La marionnette amène énormément de poésie et permet de parler à plusieurs niveaux en même temps »,* déclare Jean-Michel D’Hoop, comédien et metteur en scène belge, fondateur de la Compagnie Point Zéro, qui a intégré la marionnette dans ses spectacles il y a quinze ans. * »Il y a l’histoire que le comédien raconte et en même temps, il y a l’histoire racontée par cette espèce d’excroissance de corps. »* La Compagnie Point Zéro a abordé des sujets aussi complexes que le nucléaire ou le commerce d’armes dans ses spectacles, qui ont tourné à l’international. Dans deux ans, elle présentera un spectacle sur le thème de l’inceste au festival de Charleville-Mézières.
* « Il faut dire que l’on accepte beaucoup plus de la bouche d’une marionnette que de celle d’un comédien »,* ajoute Jean-Michel D’Hoop. * »Parfois, elle peut même être vulgaire, ou plus politique ou plus poétique. Et puis il y a des actions que la marionnette peut accomplir et que les humains ne peuvent pas, comme mourir ou avoir sa tête qui se détache ou s’envole. Avec la marionnette, on est dans un autre champ de liberté. C’est tellement riche. »*
## Un « master marionnettes » en un an à Mons et Tournai
Charleville-Mézières est devenue la capitale mondiale de la marionnette en grande partie grâce à son école reconnue dans toute la France. *L’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette* est une institution unique en France, fondée en 1987, entièrement dédiée à la formation de marionnettistes. Tous les trois ans, 16 étudiants sont recrutés sur concours.
En Fédération Wallonie-Bruxelles, existe également une formation professionnelle autour de la marionnette. Bien qu’elle soit moins complète (étalée sur une seule année), elle permet aux artistes de rencontrer des maîtres qui viennent partager leur expertise.
## Animer ses propres créations plastiques
Parmi les diplômés de cette formation l’année dernière, Jeanne Guillou, 24 ans, présente cette année dans le OFF de Charleville un court spectacle sans paroles intitulé * »Coeur de patate. »* * »J’avais envie de mettre mes créations plastiques en vie sur scène, en communication avec mon corps à moi, »* confie Jeanne Guillou. Les participants à cette formation ont généralement déjà une vision artistique bien établie. * »Auparavant, j’avais touché au cinéma et à la performance. Grâce à cette formation, j’ai pu côtoyer une douzaine de professeurs, des professionnels de la marionnette, qui ont partagé leur passion. »*
Durant cette formation, Jeanne Guillou a trouvé que le travail avec la marionnette était exigeant. * »Pour moi, la marionnette est un médium de relation entre soi et un autre, mais un autre que l’on a au bout du bras. Lorsque l’on joue avec cet être de matière que l’on a créé, on découvre parfois des choses sur soi-même, car on peut être surpris de ce qu’on lui fait faire; la marionnette nous amène à créer différemment que si l’on était seul sur scène. »*
Dans ses œuvres, Jeanne Guillou inclut d’ailleurs cette connexion entre le manipulateur et sa marionnette, créant une sorte de triangulation visant à captiver le public.

