Affaire Jubillar : Cagnac-les-Mines ne veut pas oublier le procès
Cagnac-les-Mines, village de 2.600 âmes, est devenu le théâtre d’une affaire criminelle médiatisée depuis la disparition de Delphine Jubillar dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Le procès de Cédric Jubillar, accusé du meurtre de sa femme dont le corps reste introuvable, s’ouvre ce lundi à Albi.

À cinq minutes d’Albi et de sa majestueuse cathédrale, la commune de Cagnac-les-Mines, perchée au-dessus de la vallée, s’étire le long d’une route départementale animée, entourée de lotissements soignés et de pavillons modernes. À première vue, rien ne laisse présager le tumulte médiatique qui a entouré Cagnac-les-Mines depuis la disparition de Delphine Jubillar, survenue dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Cependant, avec l’ouverture du procès de son mari, Cédric Jubillar, ce lundi à Albi, une ambiance tendue se fait sentir, comme un secret que personne n’ose chuchoter.
Le calme s’installe à Cagnac-les-Mines à la fin de l’été. Peut-être trop calme. Les rues sont presque désertes, perturbées uniquement par le passage de voitures filant vers Albi ou Carmaux, fuyant le souvenir d’une ancienne place dédiée à l’exploitation minière. Les murs des maisons brillent sous le soleil, alignés comme des sentinelles. Ici, la vie s’écoule discrètement. Rien n’indique que ce village de 2.600 habitants est devenu, malgré lui, le lieu d’une des affaires criminelles les plus médiatisées de ces dernières années en France. À l’exception peut-être de cette maison inachevée au bout de la rue Yves-Montand. Celle du couple Jubillar et de leurs deux enfants. Celle d’un homme accusé du meurtre de sa femme, dont le corps reste introuvable.
« Les gens en ont marre qu’on leur parle de ça »
Dans un lotissement flambant neuf, la maison des Jubillar attire l’attention. Inachevée, elle présente des murs bruts et des fenêtres dépourvues de rideaux, contrastant avec les villas modernes voisines. Pour y accéder, il faut contourner des parpaings empilés de manière désordonnée, comme pour décourager les curieux. À l’arrière, un chemin envahi par les ronces semble ne mener nulle part, négligé depuis la nuit de décembre 2020 où Delphine, infirmière de 33 ans, a disparu. Devant la maison, une Clio blanche est garée, immobile, tel un vestige. À ses côtés, un mémorial improvisé attire l’attention : des fleurs fanées ou en plastique, des photos de Delphine souriante, des mots d’amour. Au centre, une pancarte proclame : « Justice et vérité pour Delphine, Louis et Elyah ». Les proches espèrent que ce procès apportera enfin des réponses.
Les voisins, quant à eux, restent discrets. « Si c’est pour les journaux, passez votre chemin, je ne parlerai pas », déclare une voisine à 20 Minutes. Une attitude sans doute habituelle. Depuis cinq ans, Cagnac-les-Mines est entourée de micros et de caméras. Lassés, les habitants se sont renfermés sur eux-mêmes. « C’est une petite communauté, explique un commerçant du centre-ville derrière son comptoir. Les gens en ont marre qu’on leur parle de ça. C’est du passé, maintenant. Mais avec le procès, ça va revenir, c’est certain. »
« Je veux savoir »
Au centre de Cagnac, l’atmosphère est celle de la normalité. Les commerces commencent à s’animer: la boulangerie, la supérette, la pharmacie. À la terrasse d’un restaurant, les discussions portent sur le travail, le retour de vacances, mais aussi sur les grèves et les manifestations. Concernant l’affaire Jubillar ? Impossible d’en parler ouvertement. Les regards se détournent lorsque le sujet est évoqué. « Ras-le-bol », murmure un client en dégustant son café, avant de se replonger dans son téléphone. Cagnac semble désireux de tourner la page.
Seule une voix juge la situation. Celle d’une femme de 79 ans profitant du soleil, qui se délecte de discuter. Passionnée par les faits divers, elle ne cache pas sa curiosité. « Je ne connaissais pas les Jubillar, pourtant je vais souvent à l’hôpital où elle travaillait », confie-t-elle avec un sourire malicieux. « Je veux savoir ce qui s’est passé. En tant que femme, en tant que mère, et grande curieuse aussi ! » Elle rit, puis son expression s’assombrit. « C’est incroyable, cette histoire. Ici, on est si calme d’habitude. Je n’arrive pas à croire que cela soit arrivé chez nous. On nous bombarde de questions parfois, mais je comprends. C’est une histoire qui marque. »
Notre dossier sur l’affaire Jubillar
Malgré ce calme apparent, le procès rouvre les blessures et Cagnac-les-Mines retient son souffle. Le procès de Cédric Jubillar, soupçonné du meurtre de sa femme en l’absence de corps, s’annonce comme un événement qui ravivera les passions. Le village attend, en silence, que la justice se prononce enfin. « Mais chacun restera dans son coin de toute manière, quoi qu’il arrive », confie un habitant.

