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Trois questions pour savoir si la Chine prépare une invasion de Taïwan.

Taïwan incarne un système différent de celui de la Chine communiste, ce qui constitue un problème pour le gouvernement chinois selon le chercheur Thierry Kellner. Le Parti communiste chinois exerce déjà une influence à Taïwan à travers des moyens culturels, économiques, ou politiques.


Sur le papier, quelles motivations pourraient pousser la Chine à prendre Taïwan ?

Tout d’abord, selon Thierry Kellner, chercheur à l’ULB, Taïwan représente un problème pour le gouvernement chinois car, politiquement, l’île incarne un système totalement différent de celui de la Chine communiste. « L’exemple taïwanais démontre que la démocratie est tout à fait viable dans un environnement culturel chinois. Donc ça va totalement à l’encontre de l’idée d’exceptionnalisme que la propagande de Pékin essaie de diffuser un peu partout en jouant sur l’Histoire, en exposant que la Chine n’a jamais connu de démocratie, que le système n’est culturellement pas adapté… C’est un contre-exemple pour toute la population chinoise, ça lui montre qu’on pourrait vivre dans un autre système que le système autoritaire qui s’est renforcé sous Xi Jinping », explique le chercheur.

Il existe également des motivations économiques. Taïwan est l’un des pays les plus riches du monde et commerce énormément avec les États-Unis. Pour la Chine, cela représenterait une opportunité de rompre cette relation commerciale et d’accroître son « presque monopole » dans le secteur technologique.

De plus, l’île offre des avantages militaires pour le régime de Xi Jinping. Accéder aux profondeurs du Pacifique permettrait à l’armée chinoise de déployer ses sous-marins et d’avoir un accès direct aux côtes américaines.

Enfin, il y a des raisons historiques, liées à la volonté du Parti communiste de réunifier le territoire chinois et de « récupérer » l’île de Taïwan depuis 1949.

Les Chinois préparent-ils des armes spécifiques pour envahir Taïwan ?

Xavier Bara, capitaine et responsable de la section Indo-Pacifique au Centre d’études de sécurité et défense, affirme qu’il existe des éléments pouvant laisser penser à une invasion de Taïwan, mais cela ne signifie pas qu’elle se produira nécessairement. « On voit en effet qu’il y a un certain profilage de ce qui a été mis en avant dans les nouveaux systèmes qui pourrait éventuellement convenir pour une opération sur Taïwan ». Les armes présentées lors de la parade militaire du 3 septembre semblent adaptées à une utilisation sur le terrain taïwanais.

Lors de cette parade, Xavier Bara a remarqué de nouvelles plateformes conçues pour évoluer dans un environnement urbanisé et montagneux, incluant des systèmes robotisés pour évoluer en milieu urbain et des munitions de haute précision. « Cela peut être très utile dans le contexte de Taïwan car s’il y a attaque militaire, la Chine ne souhaite pas exterminer la population ni même détruire toute une série d’infrastructures », souligne-t-il.

Cependant, il avertit que si un conflit impliquant les États-Unis devait se déclencher à la suite d’une opération de ce type, cela mènerait à une guerre d’attrition, nécessitant un matériel différent et moins adapté que celui prévu pour une opération militaire sur Taïwan.

La Chine prépare-t-elle pour autant une invasion imminente sur Taïwan ?

Les États-Unis adoptent une position ambiguë entre Taïwan et la Chine. L’Amérique maintient des relations commerciales et militaires avec Taïwan, ce qui l’incite à ne pas laisser la Chine s’emparer de l’île. Selon Thierry Kellner, « toute la stratégie de l’administration Trump consiste à envoyer le message à la Chine que ce serait une très mauvaise idée de lancer des opérations militaires à l’égard de Taïwan ».

Eric Florence, chargé de cours en études chinoises à l’ULiège, estime peu probable que la Chine intervienne à Taïwan « étant donné tout ce que la Chine a investi en matière de construction d’une image de responsabilité, de stabilité et de respectabilité sur le plan international ».

Une intervention militaire serait non seulement extrêmement coûteuse sur le plan du crédit politique, mais aussi risquée économiquement et socialement. Cela nuirait au Parti communiste chinois, ajoute Florence.

Il convient de noter que le Parti communiste chinois exerce déjà une influence à Taïwan par le biais de moyens culturels, économiques et politiques. L’influence sur la société taïwanaise est donc déjà en cours aujourd’hui.

► Écoutez ci-dessus l’intégralité de cette interview dans le podcast Les Clés ou directement sur Auvio.