Manifestation à l’ULiège contre le MR : explications sur la violence.
Aujourd’hui, seul un citoyen sur cinq en Wallonie a confiance dans les hommes et femmes politiques. « Actuellement, quand il y a plus de polarisation, il est difficile de trouver des lieux dans lesquels la discussion peut se faire relativement posément. »
Au lendemain de cette soirée agitée, plusieurs questions se posent : comment en est-on arrivé là ? Le dialogue entre les politiques et la société civile est-il rompu ? Prépare-t-on une montée de la violence dans les manifestations ? Actuellement, une polarisation accrue se manifeste, non seulement à Liège ou en Belgique, mais également à l’international, comme l’explique Benjamin Biard, politologue au Centre de Recherche et d’Information Socio-Politique (CRISP).
D’après le chercheur, cela concerne des représentants politiques, qu’ils soient partisans ou ancrés dans la société civile, qui adoptent parfois des tonalités plus disruptives dans leur communication. « On n’assiste pas simplement à des camps qui s’opposent sur les idées tout en dialoguant les uns avec les autres, ce sont aujourd’hui véritablement des camps qui se haïssent de plus en plus », constate-t-il.
### Des modes de manifestation en évolution
Cette polarisation croissante s’inscrit dans une tendance historique actuelle, affirme Benoît Rihoux, professeur au Centre de science politique et de politique comparée (CESPOL) de l’UCLouvain. On constate un changement partiel – ou du moins une diversification – des modes de manifestations en Belgique.
« Jusqu’il y a quelques années, et à part quelques épisodes plus violents lors de grandes grèves, on avait en Belgique un répertoire de protestation plutôt ritualisé : des grandes processions dans le cadre de manifestations autorisées », explique-t-il.
Cependant, les manières de manifester ont évolué ces dernières années, précise le chercheur. Trois évolutions sont à noter :
1. « Dans les rangs des mouvements plutôt ouvriers, de plus en plus de militants se sentent frustrés par cette manifestation trop sage et vont alors agir à la marge en tenant des rhétoriques révolutionnaires plutôt que de demander des négociations. »
2. « Ensuite, il y a eu une série de thématiques – entre autres environnementales ou lors du Covid – qui ont pu laisser s’exprimer des mouvements sociaux plus radicaux qui, en marge des rassemblements plus pacifiques, se ruent contre les forces de l’ordre ou essayent d’occuper l’espace comme le font les activistes radicaux environnementaux. »
3. « Enfin, on a aussi une repolarisation plus forte autour des acteurs politiques traditionnels en Belgique francophone. Une série de militants antifascistes utilise alors une rhétorique et des modes d’action plus durs », détaille-t-il.
### Vers une hausse généralisée de la violence ?
Ces modes d’action seraient-ils le signe d’une montée de la violence ? Pas nécessairement, pour Benjamin Biard, qui rappelle que la violence politique est un phénomène ancien. Toutefois, il souligne qu’une certaine confiance politique diminue au sein de la population.
« Aujourd’hui, seul un citoyen sur cinq en Wallonie a confiance dans les hommes et femmes politiques », déclare le politologue. « Tout ceci crée un terreau fertile pour le développement potentiel de formes de violence sur le plan physique ou symbolique, du moins politique, en tout cas. »
« Sur le principe, les manifestations sont toujours une forme de confrontation, qui est canalisée, l’expression d’un conflit », rappelle Benoît Rihoux. « Il peut y avoir une violence symbolique dans les slogans, et les milliers de participants sont contenus par des forces de l’ordre, mais il y a toujours un potentiel de violence physique. Mais dans les plus petites manifestations comme celle-ci, pas mal de petits groupes ou d’individus sont moins cadrés par des plus grandes organisations. »
### Est-ce la fin des débats d’idées ?
Dans des échanges régis par la violence – quelle qu’elle soit – peut-on encore envisager un débat d’idées ? La réponse est affirmative, selon Benjamin Biard. « Mais hier, on a véritablement assisté à une séquence assez imprévue, avec les uns qui qualifient Georges-Louis Bouchez et le MR de parti d’extrême droite ; et les autres qui qualifient les opposants d’extrême gauche. Cela participe à une forme de polarisation et ces phénomènes ajoutent de la complexité à notre système politique qui l’est déjà particulièrement », constate-t-il.
« Il y a aussi un problème de disqualification de l’autre, qui se joue dans les deux sens », ajoute Benoît Rihoux. « Du point de vue antifasciste, on dit que monsieur Bouchez est assimilé à une personne fasciste, donc ce n’est plus un acteur démocratique légitime et il faut le combattre par toutes les voies. Inversement, Georges-Louis Bouchez pourrait dire que ces mouvements soi-disant progressistes sont en fait des extrémistes et qu’ils sont potentiellement antisémites. »
« Actuellement, quand il y a plus de polarisation, il est difficile de trouver des lieux dans lesquels la discussion peut se faire relativement posément, comme cela a par exemple été fait récemment autour de l’ULB et du choix du nom de Rima Hassan pour la promotion de droit », conclut-il.

