Belgique

Les gouvernements de droite ne creusent-ils pas systématiquement le déficit ?

En Belgique, la dette s’élève à environ 550 milliards d’euros, soit 107% de l’ensemble des richesses produites en Belgique en un an. En 2025, il est prévu que le déficit budgétaire de la Belgique soit de 5,4% du PIB, mais que son déficit structurel soit de 4,8%.


L’heure est à l’économie. En Belgique, tous les niveaux de pouvoir mettent en œuvre des politiques de réduction des dépenses afin de maîtriser une dette qui s’élève à environ 550 milliards d’euros, soit 107 % de la totalité des richesses produites dans le pays sur une année.

Cette dette ne survient pas par hasard ; elle augmente avec les déficits cumulés de chaque année.

Par exemple, en 2024, la Belgique a dépensé 28 milliards d’euros de plus que ses revenus. En conséquence, le déficit a atteint 4,5 % du PIB l’année dernière.

Une question se pose alors : à qui incombe la responsabilité ?

Pour Paul Magnette, cette question trouve sa réponse dans un graphique publié par le quotidien flamand De Tijd. Dans un tweet daté du 10 septembre, le président du Parti socialiste (PS) a partagé l’évolution du déficit budgétaire depuis les années 1970. Il a ajouté que chaque déficit enregistré depuis 45 ans trouve une explication simple : « tous les gouvernements qui ont creusé le déficit étaient de droite, tous les gouvernements qui ont rétabli l’équilibre étaient avec les socialistes ».

En réponse, le député libéral flamand Vincent Van Quickenborne a rétorqué sur « X » que « le gouvernement Michel, avec l’Open Vld et sans le PS, a réduit le déficit de -2,1 % à -1 % entre 2014 et 2018 ».

Paul Magnette soutenait déjà cette perspective en 2024 sur son compte Facebook, et son prédécesseur, Elio di Rupo, avait affirmé seize ans auparavant que « la droite a une obsession : faire des réformes très coûteuses ».

Du côté du Mouvement Réformateur (MR), son président, Georges-Louis Bouchez, a déclaré dans un article de L’Écho publié l’an dernier que « pendant 70 ans, le PS a vidé les caisses ».

Alors, qui a raison : est-ce la gauche ou la droite qui creuse les déficits ?

Avant d’analyser l’impact des tendances politiques sur l’équilibre budgétaire, Jean Faniel, directeur général du Centre de recherche et d’information sociopolitiques (CRISP), souligne que classer un gouvernement comme « de droite » ou « de gauche » est « problématique ». Il explique que « la Belgique a toujours eu des gouvernements de coalition depuis 1954 ». De plus, « de 1999 à 2014 puis sous Vivaldi de 2022 à 2024, nous avons eu des gouvernements non seulement de coalition, mais qui associaient toujours les socialistes et les libéraux, ou les socialistes et les libéraux avec d’autres partis », ajoute le politologue.

Il remarque également qu’après les élections fédérales de 2024, le PS de Paul Magnette est absent de la coalition, mais que les socialistes flamands de Vooruit en font partie. Dès lors, « où place-t-on le curseur pour qualifier qu’un gouvernement est de gauche ou de droite ? », s’interroge Jean Faniel.

Contacté par la RTBF, le service communication du PS a précisé que « par ‘gouvernements de droite’, Paul Magnette désigne les coalitions où les partis de gauche sont absents ou minoritaires et où la majorité est dominée par des formations libérales, chrétiennes-démocrates ou nationalistes. C’est le cas au fédéral, en Wallonie et à la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est une lecture politique de l’équilibre des coalitions, et non l’idée de gouvernements monopartites ».

Leur réponse complète, reçue après la publication, a été ajoutée dans la note éditoriale à la fin de l’article.

Le déficit structurel permet de neutraliser les effets temporaires de la conjoncture : « c’est le seul moyen d’évaluer réellement les efforts en matière de politique économique ». Il se définit par le solde budgétaire qu’un État aurait si l’économie fonctionnait à son niveau normal de production, c’est-à-dire à son PIB potentiel, calculé par la Banque nationale de Belgique.

Cette mesure permet de dissocier l’origine du déficit de la réponse apportée : savoir si le déficit est dû à des choix de politique économique (dépenses, impôts) ou simplement aux conditions économiques du moment. En d’autres termes, il cherche à distinguer « l’orientation et l’impulsion », comme l’indique un rapport récent de la BNB.

C’est également un indicateur utile pour les gouvernements afin d’ajuster durablement leurs dépenses et recettes, sans être influencés par des fluctuations temporaires.

La Belgique a dépensé 160,9 milliards d’euros pour la protection sociale, soit une hausse de 5,6 % en un an (généralement entre 1 % et 4 %). En 2025, le déficit budgétaire de la Belgique devrait atteindre 5,4 % du PIB, tandis que le déficit structurel sera de 4,8 %, ce qui signifie que 0,6 % du déficit est dû à une conjoncture défavorable.

En fin de compte, les déclarations de Paul Magnette selon lesquelles « tous les gouvernements qui ont creusé le déficit étaient de droite » sont inexactes. En effet, qualifier un gouvernement fédéral belge de « droite » ou de « gauche » ne reflète pas la réalité politique, marquée par des coalitions constantes depuis 1954, lesquelles ont souvent inclus les partis socialistes, le PS et Vooruit, y compris lors des périodes de creusement du déficit budgétaire.

Les principaux déterminants du déficit sont souvent déconnectés de la couleur politique du gouvernement. Ce sont largement les circonstances économiques et la pression budgétaire qui influencent l’évolution de cet indicateur.

Ainsi, selon Xavier Debrun de la BNB, « la tendance idéologique d’un gouvernement n’a, en général, pas d’effet sur le déficit ».

Note éditoriale (19/09/2025 à 14h52) : ci-dessous, la réponse du service communication du PS reçue après la publication de l’article.

« Par ‘gouvernements de droite’, Paul Magnette désigne les coalitions où les partis de gauche sont absents ou minoritaires et où la majorité est dominée par des formations libérales, chrétiennes-démocrates ou nationalistes. C’est le cas au fédéral, en Wallonie et à la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est une lecture politique de l’équilibre des coalitions et non l’idée de gouvernements monopartites.

Quant aux déficits, ils s’expliquent largement par les crises successives (chocs pétroliers, pandémie de Covid-19, crise énergétique) qui nécessitent des dépenses exceptionnelles pour soutenir l’économie, les soins de santé et le pouvoir d’achat. À l’inverse, leur réduction dans les années 1980 découle surtout d’un virage austéritaire axé sur la compétitivité et la modération salariale : une stratégie qui a eu des coûts économiques et sociaux durables. »