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Gaza : « Des enfants ne souhaitent plus vivre », selon une ONG

La Commission d’enquête internationale de l’ONU a conclu que « Israël est en train de commettre un génocide sur le territoire palestinien ». Depuis le 7 octobre 2023, environ 65.000 Palestiniens ont été tués, dont plus de 20.000 enfants.


« Il est clair qu’il existe une intention de détruire les Palestiniens de Gaza par des actes qui répondent aux critères énoncés dans la Convention sur le génocide. » Telles sont les conclusions sans appel de la Commission d’enquête internationale de l’ONU, publiées mardi, affirmant qu’Israël est en train de commettre un génocide sur le territoire palestinien.

Depuis la riposte israélienne à l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, environ 65 000 Palestiniens ont été tués, dont plus de 20 000 enfants. Ce bilan pourrait encore s’alourdir en raison des conditions de survie sur place. Vingt-deux agences humanitaires opérant à Gaza ont sollicité une intervention urgente des États mercredi, parmi lesquelles l’association CARE, active en Palestine depuis 1948. Adéa Guillot, porte-parole de CARE France, fait le point sur la situation pour *20 Minutes*.

Nous avons actuellement une quarantaine de personnes sur le terrain, des Palestiniens qui souffrent eux-mêmes depuis des mois. Notre clinique à Deir al Balah a enregistré une augmentation de 50 % de sa fréquentation ces dernières semaines. Nous traitons quotidiennement plus de 300 personnes, un chiffre en forte hausse par rapport aux 150 habituels. Il devient de plus en plus difficile de maintenir nos services, le stock de fournitures est presque épuisé, aucune nouvelle aide n’arrive. Nous tentons de soutenir cette clinique tant bien que mal. Nous disposons d’un camion permettant de filtrer l’eau, ce qui nous permet de distribuer de l’eau potable ainsi que des fruits frais que nous essayons de collecter dans la bande de Gaza. Nos équipes font preuve d’un courage héroïque.

Deux millions de personnes sont poussées vers une zone qualifiée de « humanitaire », qui en réalité est indigne. Il n’y a ni eau ni nourriture dans cette zone sujette à une surpopulation extrême et à une insécurité croissante. Les humanitaires y ont un accès très limité. Les conditions sont totalement inhumaines, un constat que nous faisons aujourd’hui comme depuis un an. Nous avons crié notre désespoir, mais nous ne sommes pas entendus.

Les gens meurent en nombre, 500 000 personnes sont dans une situation de famine, tandis que l’aide n’arrive qu’en gouttes à gouttes, militarisée par Israël grâce à un dispositif illégal. Tous nos camions et nos entrepôts sont pleins. Ce que nous demandons, c’est qu’Israël laisse les ONG faire leur travail.

Des informations diffusées mercredi rapportent que certaines personnes sont contraintes de consommer de la nourriture pour animaux ou des feuilles. Vos équipes en sont témoins ?

Elles ont constaté des parents qui arrêtent de manger pour nourrir leurs enfants ; des familles font bouillir des épluchures de légumes à plusieurs reprises pour tenter d’obtenir un semblant de jus. De plus, des bébés ne reçoivent plus de lait maternel, car les femmes sont trop amaigries… Israël empêche l’entrée du lait, ciblant spécifiquement les nourrissons.

C’est la réalité que nous observons quotidiennement. De nombreuses personnes n’ont plus de chaussures et s’habillent avec les mêmes vêtements, été comme hiver. Nos équipes arrivent parfois au travail l’estomac vide. Il y a quelques jours, je prenais des nouvelles et l’une d’elles m’a dit : « Non, nous n’avons pas encore mangé. Nous mangerons peut-être un peu ce soir… »

Nous avons vu des enfants si traumatisés qu’ils ne peuvent plus parler. Des enfants nous disent : « Je n’ai pas envie de vivre. » Une pulsion suicidaire est très rare chez les jeunes enfants, mais nous l’observons ici. C’est cela que nous infligeons à Gaza et à l’humanité : nous considérons comme normal qu’un enfant de 6 ans veuille mourir.

Les bombardements incessants ont largement détruit les infrastructures, y compris les hôpitaux, les écoles et les habitations. De nombreuses personnes vivent dans des logements endommagés. La majorité des 2,1 millions de Palestiniens déplacés vivent dans une surpopulation inhumaine, dans des tentes ou des abris de fortune, ce qui expose chacun aux risques bien connus : propagation de maladies, insécurité croissante, notamment pour les femmes et les filles. Nous concentrons les gens dans une zone de taille dérisoire comparée à la bande de Gaza, ce qui ne fait qu’aggraver cette situation indigne.

Comment recevez-vous la qualification de génocide, employée par la Commission d’enquête de l’ONU ?

C’est une réalité que nous constatons sur le terrain depuis des mois. Nous ne sommes pas surpris, mais espérons que cela fera réagir la communauté internationale. L’ONU a été fondée pour remplir un mandat crucial, notamment la prévention des génocides. Lorsqu’une commission de l’ONU déclare qu’un génocide est en cours, que font les États ?

Avez-vous des attentes concernant l’Assemblée générale de l’ONU, qui se réunit jusqu’au 23 septembre à New York ?

Nous exigeons une ouverture sans restriction de l’espace humanitaire. Que l’État d’Israël mette fin à cette folie historique. Qu’ils nous laissent faire notre travail et permettre une entrée immédiate de l’aide, afin que nous puissions encore sauver et soutenir les Palestiniens. Bientôt, il sera trop tard.

La première urgence demeure l’accès à de l’eau, de la nourriture et des médicaments. C’est une question de décence humaine. Ce qui se joue à Gaza constitue un danger extrême pour l’avenir de l’humanité. Nous atteignons un niveau de déshumanisation inacceptable. Un rapport souligne clairement que la communauté internationale ne pourra pas prétendre ne pas savoir. Les gouvernements doivent prendre leurs responsabilités et protéger les civils palestiniens.