Belgique

François Gemenne : Trump apparaîtra comme un président nuancé en 2026-2027.

Sor les voûtes du château de Windsor, Donald Trump célébrait ce qu’il considérait comme un privilège historique, tandis que 5000 manifestants arpentaient les rues de Londres, refusant de « dérouler le tapis rouge » à un président jugé dangereux. Au Royaume-Uni, la montée de Reform UK, le parti de Nigel Farage, place pour la première fois l’extrême droite en tête des sondages.


Sous les voûtes du château de Windsor, Donald Trump célébrait ce qu’il considérait comme un privilège historique. Pendant ce temps, 5000 manifestants sillonnaient les rues de Londres, refusant de « dérouler le tapis rouge » à un président jugé dangereux. Ce contraste met en lumière la position délicate du Premier ministre britannique Keir Starmer. En difficulté dans les sondages, il voit dans cette visite et l’annonce de contrats économiques massifs une opportunité politique. « Cela permet à Starmer d’avoir au moins quelque chose à offrir aux Britanniques, même à ceux qui n’aiment pas Trump », analyse Pauline Simonet.

Cependant, derrière l’apparat, François Gemenne met en garde contre une évolution plus profonde :

« Soyons certains que d’ici trois ou quatre ans, Donald Trump nous apparaîtra comme un président nuancé, policé et respectueux. »

Pour le politologue, « ce qui arrive après avec JD Vance va encore un cran plus loin ». Ce constat démontre que le basculement est déjà engagé : ce qui semblait excessif hier commence à s’imposer comme la nouvelle norme, en raison d’un glissement continu vers la droite radicale.

Au Royaume-Uni, la montée de Reform UK, le parti de Nigel Farage, place pour la première fois l’extrême droite en tête des sondages. « La Grande-Bretagne doit à son tour composer avec une vraie force d’extrême droite », constate François Gemenne, soulignant la fin d’un bipartisme longtemps structurant.

Le phénomène dépasse les frontières britanniques. Aux États-Unis, en France et ailleurs en Europe, l’extrême droite progresse dans les urnes, mais aussi dans l’espace public. Une radicalité désormais revendiquée et banalisée. Donald Trump fédère sans complexe des groupes allant jusqu’aux franges néonazies. Pauline Simonet observe qu’ « aux États-Unis, il n’y a même plus de différence entre l’extrême droite classique et l’ultra-droite radicale. Pour Trump, c’est pareil, du moment qu’on le soutient. »

Dans la rue, les mobilisations massives du samedi 13 septembre, menées par le militant identitaire Tommy Robinson, ont rassemblé jusqu’à 150.000 manifestants à Londres. À ses côtés, des figures inattendues comme Elon Musk s’inscrivent dans cette dynamique. Le milliardaire a tenu une conférence dans la capitale, en soutien aux manifestations anti-immigration. « Il s’agit d’une incitation à la haine et à la violence, il faut dire les termes, » tranche François Gemenne.

Aux États-Unis, la pression monte également sur la parole publique. Jimmy Kimmel, star des late shows, a été écarté de l’antenne après avoir critiqué la droite radicale. Pour François Gemenne, cela constitue le symptôme d’ « une véritable culture de la cancellation, qui installe une culture de la terreur et vise à annihiler toute critique ».

L’assassinat de l’influenceur d’extrême droite Charlie Kirk a accentué ce climat. Pauline Simonet rapporte les mots glaçants du vice-président américain JD Vance, reprenant son micro : « Maintenant, vous êtes nos ennemis, nous irons vous chercher partout où vous êtes ».

« C’est terrifiant de voir cette rhétorique trouver une telle légitimité, dans un pays où l’accès aux armes est omniprésent, » s’inquiète la journaliste.

Face à cette radicalisation, la comparaison faite par François Gemenne prend tout son sens. Comme George W. Bush, autrefois perçu comme l’archétype du président radical avant d’apparaître presque modéré, Trump pourrait à son tour être relativisé par l’histoire récente.

La question demeure : si Trump devient la norme, à quoi ressemblera l’exception ?