Les ressources en eau marocaines ne sont pas à l’abri.
« Plus d’une dizaine d’aquifères marocains sont touchés par une contamination aux nitrates ; parmi 28 nappes phréatiques marocaines, 16 sont jugées impropres à la consommation d’eau. L’analyse isotopique de δ¹ ⁵N–NO₃ et δ¹ ⁸O–NO₃ dans les aquifères de BouAreg (MA) et de Massa (AnA) suggère que les principales sources de pollution par les nitrates sont le fumier, les eaux usées et l’application d’engrais agricoles dans les régions irriguées. »
« Plus d’une dizaine d’aquifères marocains sont affectés par une contamination aux nitrates ; les pratiques agricoles et les eaux usées constituent les principales origines de cette contamination. Sur 28 nappes phréatiques marocaines, 16 sont jugées impropres à la consommation d’eau ; la majorité des eaux souterraines marocaines peuvent être utilisées pour l’irrigation sous des conditions spécifiques ». C’est ce que révèle une étude scientifique récente, intitulée « Les ressources en eau marocaines sous pression : défis de la qualité des eaux souterraines et de la contamination par les nitrates », réalisée par plusieurs chercheurs marocains et publiée dans le Journal d’hydrologie : études régionales.
Contamination
Cette étude vise à évaluer la qualité globale des eaux de surface et des nappes phréatiques, à identifier les aquifères touchés par les nitrates, à déterminer les sources de cette pollution et à apprécier l’aptitude de ces eaux souterraines pour la consommation et l’irrigation. Lors de l’analyse des rivières marocaines, il a été constaté que « la plupart des stations analysées montrent une qualité de l’eau bonne à modérée, à l’exception de zones spécifiques situées en aval des points de rejets domestiques et industriels. Concernant les barrages, la qualité de l’eau est généralement excellente à modérée, seuls 5 % des barrages affichent une mauvaise qualité, liée au rejet d’eaux usées domestiques et industrielles contribuant à la dégradation des eaux de surface. En revanche, une dégradation marquée de la qualité des eaux souterraines a été observée, principalement à cause de niveaux élevés de salinité et de concentrations élevées de nitrates.
L’étude précise que « la contamination par les nitrates est répandue dans de nombreux aquifères à travers le Maroc, notamment – les aquifères atlantiques : Souss côtier, Berrechid, Chaouia, Doukkala, R’mel, Mnasra, Gharb ; – les aquifères atlasiques : Sais ; – les aquifères du Nord-Est : Triffa ». Parmi eux, les aquifères de Chaouia, Mnasra, Triffa, Gharb et R’mel se distinguent comme les plus fortement contaminés par les nitrates, avec des concentrations élevées dépassant 100 mg/l et des taux significatifs de 92,31 %, 90 %, 75,76 %, 72,22 % et 70 % des échantillons, respectivement, indiquant une qualité de l’eau de mauvaise à très mauvaise. Cette dégradation est essentiellement imputée à l’utilisation excessive d’engrais dans les zones irriguées ainsi qu’au rejet d’eaux usées domestiques et industrielles.
« De plus, ajoutent les auteurs de l’étude, l’intrusion d’eau de mer pourrait avoir exacerbé la contamination des eaux souterraines par les nitrates, comme observé dans de nombreux aquifères atlantiques tels que ceux de Chaouia, Doukkala et Akermoud, qui révèlent des niveaux de nitrates exceptionnellement élevés à moins de 2 000 m de la mer, où l’intrusion d’eau de mer est courante. Par ailleurs, l’analyse isotopique de δ¹ ⁵N–NO₃ et δ¹ ⁸O–NO₃ dans les aquifères de BouAreg (MA) et de Massa (AnA) indique que les principales sources de pollution par les nitrates sont le fumier, les eaux usées et l’application d’engrais agricoles dans les régions irriguées. De plus, l’eau de la majorité des aquifères étudiés, tels que BouAreg (MA), Foum El Oued et Chaouia (AnA), est jugée impropre à la consommation et à l’irrigation, principalement en raison de concentrations élevées de nitrates et d’une salinité élevée. D’autres aquifères atlantiques, tels que ceux de Bahira, Souss et Essaouira, ne sont pas potables et nécessitent des conditions spécifiques pour leur utilisation en irrigation, comme un sol plus grossier, une bonne perméabilité, une forte tolérance à la salinité et un suivi régulier. En revanche, les eaux souterraines de la Crête Calcaire du Rif (MA) et de la Moulouya (NEA) présentent une très bonne qualité.
Sources de contamination
L’étude indique que « les sources de contamination sont variées : eaux usées domestiques et industrielles, fumier, fosses septiques, déchets animaux, mais le principal facteur reste l’utilisation excessive d’engrais dans les zones irriguées, comme l’ont souligné plusieurs études. D’autres paramètres, comme la texture sableuse des sols, l’irrigation par inondation et les débits élevés des eaux de retour, contribuent à renforcer cette pollution ».
« Globalement, poursuit l’étude, la contamination par les nitrates touche de nombreux aquifères au Maroc, résultant d’une synergie d’apports agricoles, d’élevage, de gestion des effluents et de pratiques culturales, avec l’agriculture intensive et l’utilisation massive d’engrais comme principales causes. Bien que moins répandues, les eaux usées domestiques jouent également un rôle significatif dans certains secteurs. Ces deux sources – engrais agricoles et eaux usées domestiques – exercent une influence majeure sur la qualité des eaux souterraines par rapport aux autres sources de pollution identifiées ».
Hassan Bentaleb

