Hadja Lahbib (MR) : « Israël ne bloque pas l’aide à Gaza »
La commissaire a déclaré que « cela fait à peu près deux ans que nous demandons un accès humanitaire sans entrave » et a mentionné qu’aujourd’hui, près de 600.000 Palestiniens sont en situation de famine. Elle a aussi affirmé que « la voie d’accès de Sikkim a été fermée le 12 septembre » et a rappelé qu’il n’y a « aucun endroit sûr à Gaza ».

« La réponse est oui« , a affirmé la commissaire lorsqu’on lui a demandé si l’aide humanitaire européenne vers Gaza est actuellement bloquée par Israël. « Cela fait à peu près deux ans que nous demandons un accès humanitaire sans entrave. Il y a eu une déclaration de famine au mois de juillet. Aujourd’hui, près de 600.000 Palestiniens sont en situation de famine, sans parler de tous ceux qui subissent des pénuries« , a-t-elle souligné.
Hadja Lahbib a rappelé qu’en l’absence d’accès terrestre, des pays comme la Belgique ont participé à des opérations de largages aériens d’aide. Une méthode qu’elle estime inadaptée et inefficace. « Cela veut dire des ballots qui explosent au sol, des Palestiniens réduits à se disputer, un chaos complet parce qu’il n’y a aucune distribution« , a-t-elle rapporté, en citant le témoignage d’une humanitaire belge récemment rentrée de Gaza après dix mois.
Elle a précisé que des centaines de camions chargés d’aide humanitaire, de produits essentiels et de matériel médical financés par l’Union européenne sont bloqués aux portes du territoire.
Une famine provoquée par l’homme
Pour la commissaire, le constat est sans appel : « La voie d’accès de Sikkim a été fermée le 12 septembre. Il y a quelques camions qui rentrent, mais la réalité, c’est qu’il y a une famine. » Elle a ajouté : « C’est la première fois qu’une famine est déclarée au Moyen-Orient. Les quatre autres fois dans le monde, c’était en Afrique. Ce qui est extrêmement frustrant, c’est que cette famine est provoquée par le manque d’accès. Elle aurait pu être évitée si nous avions pu distribuer l’aide.«
Alors que la France et l’Arabie saoudite organisent un sommet la semaine prochaine pour rechercher une solution politique durable, Hadja Lahbib rappelle que le respect du droit humanitaire international est en jeu : « C’est une question de respect des conventions de Genève.«
Génocide à Gaza : Lahbib s’appuie sur le rapport de l’ONU
Interrogée sur l’utilisation du terme « génocide« , Hadja Lahbib a rappelé que la question ne relève pas seulement de l’opinion mais repose sur des constatations officielles. « Il y a deux jours, un rapport de la commission d’enquête mandatée par les Nations unies a clairement conclu qu’il y avait un génocide à Gaza. Ce qui est important dans un génocide, c’est l’intention génocidaire« , a-t-elle souligné. Elle a insisté sur l’ampleur de la catastrophe : « Gaza City, soit plus d’un million de personnes, est sous ordre d’évacuation militaire. Une population affamée, blessée, obligée de fuir vers le sud sans garantie de sécurité. Le rapport des Nations unies est clair : il n’y a aucun endroit sûr à Gaza.«
Crimes et violation du droit international
La commissaire européenne ne s’en tient pas à un vocabulaire diplomatique : « Il ne faut pas attendre qu’il y ait une décision de justice : il y a des crimes qui sont commis, un non-respect du droit international humanitaire et il faut absolument agir. » Elle a rappelé que ses équipes diplomatiques ont travaillé sur le terrain, obtenant en juillet un accord sur l’accès humanitaire, la sécurité des travailleurs, et la fourniture de carburant pour relancer l’usine de désalinisation, en coordination avec l’UNICEF. « Malheureusement, tout cela n’a pas été respecté en suffisance. La conséquence, c’est une famine et, selon l’ONU, la déclaration d’un génocide en cours« , a-t-elle martelé.
Vers des mesures et des sanctions contre Israël
Face à la gravité de la situation, la Commission européenne veut agir : « Il y a un accord d’association qui donne accès privilégié aux marchandises israéliennes sur notre marché unique. Nous allons lever ces privilèges et taxer. Ce sera moins intéressant pour les entreprises israéliennes d’exporter vers notre marché.«
Hadja Lahbib a précisé que d’autres mesures sont en discussion : la suspension partielle du programme Horizon (qui concerne la recherche scientifique) avait été refusée par les États membres, mais la Commission propose aujourd’hui de nouvelles actions qui devront être validées à la majorité qualifiée des États membres – c’est-à-dire quinze pays représentant 75% de la population de l’UE.
« Ce n’est pas la Commission seule qui dicte les sanctions. Il faut attendre que les États membres se prononcent« , a-t-elle insisté, tout en rappelant que le débat est actuellement brûlant parmi les grands pays de l’Union, notamment l’Allemagne et l’Italie.
Reconnaissance de la Palestine : aller au-delà du symbole
Face à la question de la reconnaissance de l’État palestinien, Hadja Lahbib insiste sur la nécessité d’agir rapidement : « L’urgence doit nous amener à reconnaître« , précise-t-elle, tout en soulignant que cette reconnaissance doit aller « plus loin qu’un geste symbolique« .
La commissaire rappelle les limites des reconnaissances antérieures : « Aujourd’hui, 148 pays ont déjà reconnu l’État palestinien. Est-ce que ça a empêché la situation actuelle ? Pas du tout. Il faut, bien au-delà, mettre en place une solution à deux États permettant l’existence d’un territoire viable, reconnu, et d’un gouvernement renforcé — l’Union européenne consacre 1,6 milliard à l’Autorité palestinienne pour soutenir sa réforme« , a-t-elle détaillé.
Elle dénonce la fragmentation du territoire palestinien par plus de 800 points de contrôle, l’insécurité croissante, et le blocage financier qui entrave l’Autorité palestinienne. « Il ne faut pas une reconnaissance post-mortem. Il est urgent de faire avancer cette solution à deux États« , a-t-elle martelé, en écho au débat sur la scène européenne et belge.
Consensus belge sur la solution à deux États ?
Hadja Lahbib précise que malgré les divergences internes au sein des partis belges, y compris au sein du MR, son propre parti, « il n’y a pas de décalage » quant à l’objectif : « On doit s’élever au-delà des divisions. Au final, toute la communauté internationale et l’Union européenne s’accordent sur la nécessité de deux États, israélien et palestinien.«
La conférence de New York, organisée par la France et l’Arabie saoudite, devrait rassembler les États membres autour de cette reconnaissance et porter un plan de paix « complet« .
Hadja Lahbib conclut : « Il faut que la solution à deux États cesse d’être un slogan et devienne une réalité : indépendance territoriale, autonomie économique, accès à l’énergie, et une vraie sécurité pour le peuple palestinien.«

