Chimay et Cantillon, deux bières belges face aux surtaxes de Trump
Jean Van Roy a déclaré que 6300 bouteilles partiront demain vers les Etats-Unis, où Chimay envoie 6% de sa production. Pierre-Louis Dhaeyer a mentionné qu’un pack de quatre bouteilles de Chimay est vendu aux Etats-Unis aussi cher qu’une bonne bouteille de vin.
« Là, il y a dix palettes qui partent demain vers les États-Unis. Ce sont des fûts et des bouteilles. Si on transforme tout ça en bouteilles, ça fait 6300 bouteilles qui sortent. C’est assez conséquent. Alors bon, elles s’en vont, mais est-ce qu’elles seront vendues ? » Jean Van Roy, fondateur de la brasserie à Anderlecht il y a plus d’un siècle, s’interroge sur les effets des surtaxes américaines de 15 % sur les bières européennes, notamment belges.
Pierre-Louis Dhaeyer, directeur général de la brasserie et fromagerie de Chimay, partage cette préoccupation. Il éprouve à la fois de la déception et de la vigilance. Il se dit déçu par l’Union européenne qui s’était engagée à protéger les producteurs européens d’alcool, de vins et de bières. « Déçu, oui. J’aurais préféré que ce soit zéro. Mais je n’étais pas dans les négociations et je ne connais pas les rapports de force et tout ce qui a été discuté. […] Mais d’un autre côté, il y avait une menace à 30 %. Donc, il y a au moins un point positif, c’est qu’il y a une sécurité juridique. Et tous les hommes d’affaires vous le diront : parfois, un mauvais accord vaut mieux qu’une incertitude. »
Chimay exporte 6 % de ses bières vers les États-Unis, son premier marché à l’export après la France.
La vigilance de Pierre-Louis Dhaeyer s’articule autour des prix futurs des bières belges aux États-Unis. Vont-ils augmenter ? Et si oui, dans quelle mesure ? « Nous n’avons pas modifié notre tarif, » déclare-t-il. « Nous n’avons pas décidé de baisser notre tarif pour réduire l’impact du prix pour notre importateur. » La situation dépendra de la réaction du marché américain, très différent du marché belge. Aux États-Unis, il explique que l’importateur passe par des distributeurs ayant un droit de distribution exclusif, ce qui ajoute plusieurs intermédiaires.
Jean Van Roy, de Cantillon, révèle que « nos bières se retrouvent là-bas à des prix variant de 100 à 150 dollars la bouteille. » Les marges des intermédiaires américains pourraient fluctuer, et il est à craindre que les surtaxes soient répercutées sur les consommateurs américains, rendant les bières Chimay et Cantillon presque des produits de luxe.
Pour Jean Van Roy, un carton de six bouteilles de gueuze de 75 cl coûte 42 euros à la brasserie, alors que le prix à l’export est un peu en dessous de 5 euros. Cependant, avec les coûts de transport, les nouvelles taxes et l’évolution de l’euro, les prix peuvent rapidement grimper. « On retrouve parfois des bières de Cantillon à des prix qui peuvent piquer. »
Pierre-Louis Dhaeyer reste plus discret sur les prix en Amérique. « Nous sommes déjà dans les produits de luxe. Un pack de quatre bouteilles de Chimay est vendu aussi cher qu’une bonne bouteille de vin aux États-Unis. » Il s’inquiète, sans en avoir des éléments concrets, de la façon dont les consommateurs américains réagiront à une éventuelle hausse des prix.
Il souligne néanmoins qu’après des années de diversification, l’impact des surtaxes devrait être limité pour Chimay et Cantillon, ces derniers ayant mené une stratégie d’exportation réfléchie. « On fait à peu près du 50-50, peut-être même 55 % à l’export, 45 % en Belgique, » indique Jean Van Roy.
Concernant d’autres brasseurs belges, l’impact des surtaxes dépendra de leur profil. Ceux qui brassent aux États-Unis, comme Duvel Moortgat, pourraient s’appuyer davantage sur leurs produits locaux. D’autres brasseurs, orientés vers l’export, ressentiront un impact plus lourd, tels que la brasserie Huyghe.
L’avenir des bières belges aux États-Unis demeure incertain. Bien que Pierre-Louis Dhaeyer apprécie la stabilité que procure l’accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis, il comprend que cette stabilité « n’est pas nécessairement acquise sur le long terme. » Jean Van Roy exprime un optimisme prudent, considérant qu’une baisse de ventes ne serait « pas trop grave » tant que le reste du marché reste stable.
En conclusion, alors que des défis se profilent à l’horizon en raison des surtaxes, l’industrie brassicole belge aspire à maintenir son équilibre sur le marché international.

