Belgique

Ahmed Laaouej dénonce un « hold-up démocratique » sur les choix à Bruxelles.

Lors des élections de juin 2024, le Parti socialiste a obtenu 16 sièges, une baisse de 1 par rapport à 2019, tandis que le MR a obtenu 20 sièges, une hausse de 7 par rapport à 2019. La N-VA a obtenu 2 sièges, une baisse de 1 par rapport à 2019, et l’Open VLD a également obtenu 2 sièges, avec une baisse de 1 par rapport à 2019.


Pour le leader du Parti socialiste bruxellois, qui a terminé en seconde position juste derrière le MR lors des élections de juin 2024, la rentrée politique à Bruxelles revêt un caractère optimiste : « La rentrée parlementaire permettra d’abord de se retrouver, de faire revivre cette institution qui est très importante et qui était un peu en congé ces dernières semaines pour, en effet, aller vers la formation d’un gouvernement, parce qu’il est temps aujourd’hui de se mettre autour de la table, de pouvoir négocier un budget. Je crois que c’est vraiment la priorité – avec les gens de bonne volonté – de remettre de l’ordre dans les comptes et puis surtout de tracer ce qui, demain, pourrait être un accord de gouvernement. »

La question du budget, élément central d’un gouvernement, sera le point de départ des négociations… D’autant plus que la situation budgétaire de la région est délicate : « Lors des discussions avec le facilitateur Yvan Verougstraete, chacun a convenu qu’il fallait absolument avancer sur le budget », rappelle Ahmed Laaouej. Pour le président du PS bruxellois, « il est essentiel de remettre de l’ordre dans l’équilibre, de résorber les déficits pour pouvoir faire face aux besoins et aux priorités des Bruxelloises et des Bruxellois en matière de logement, en matière de mobilité, en matière de cohésion sociale, de sécurité, de propreté. »

### Un budget, même sans gouvernement ?

Sans majorité et sans gouvernement, il est difficile, voire impossible, d’avancer. Cependant, pour Ahmed Laaouej, qui est également bourgmestre de Koekelberg, le Parlement pourrait aborder le sujet du budget sans nécessairement décider de la formation d’un gouvernement : « Aujourd’hui, le Parlement doit pouvoir prendre ses responsabilités. L’objectif est de créer une plateforme de partis qui peuvent s’entendre sur des priorités communes. Parce qu’un budget, c’est évidemment tracer des priorités, mais surtout pour lancer un signal de la nécessité de gérer les affaires publiques à Bruxelles. »

Après plus d’un an, pourquoi cette dynamique n’a-t-elle pas été insufflée plus tôt ? Pour Ahmed Laaouej, la responsabilité de cet immobilisme incombe aux autres partis : « Il y a plus d’un an déjà, le Parti socialiste invitait à commencer à faire un budget. On nous répondait ‘Mais non, faire un budget, c’est faire un gouvernement’. Aujourd’hui, nous avons fait des émules. Tant mieux. Le facilitateur lui-même le propose et un certain nombre de partis était pressenti pour former une coalition dans le cadre de la mission du facilitateur. »

> « Il y a une proposition – qui est sur la table – de faire une plateforme pour pouvoir avancer sur le budget. Avec Les Engagés, le MR mais aussi Groen, Vooruit et le CD&V, nous sommes prêts à avancer. »

Dans les discours d’Ahmed Laaouej, il évoque une coalition avec Les Engagés et le MR du côté francophone, à condition que les libéraux « se prononcent sur le sujet. Je ne doute pas qu’ils le feront dans les heures ou jours à venir. Sinon, ce sera une majorité alternative. Il est urgent de le faire. »

Si une coalition avec les libéraux et l’ancien cdH n’est pas réalisable, le président du PS bruxellois n’écarte pas la possibilité d’une majorité alternative : « Si cette solution n’existe pas, il faudra en effet envisager d’autres pistes. Mais nous devons faire une chose à la fois, étape par étape. Il y a une proposition – qui est sur la table – de faire une plateforme pour pouvoir avancer sur le budget. L’Open VLD a manifesté son désintérêt, peut-être qu’il va changer d’avis. Mais en tout cas avec Les Engagés, le MR mais aussi Groen, Vooruit et le CD&V, nous sommes prêts à avancer. »

Il est important de noter qu’en matière de budget, il n’est pas nécessaire pour le parlement bruxellois d’obtenir une majorité politique dans les deux camps linguistiques. Une majorité simple pourrait suffire. Le Parti socialiste pourrait-il néanmoins mettre les partis flamands de côté ? Ce n’est pas l’objectif des socialistes bruxellois : « L’objectif n’est certainement pas de mettre en minorité qui que ce soit. L’objectif, c’est que chacun soit cohérent. On ne peut pas d’un côté dire ‘attention, les finances de la Région bruxelloise sont en déficit et ça ne va pas, il y a un danger’, et de l’autre côté, refuser de se mettre à table et de travailler. »

> « Nous ne voulons pas de politique d’austérité. Nous ne voulons pas faire mal aux Bruxelloises et aux Bruxellois. Ça, c’est clairement quelque chose que nous mettons sur la table. »

Les partis politiques auront du travail devant eux, avec des économies drastiques à prévoir pour la région : « Il faut faire des économies parce qu’on ne s’en sortira pas sans faire des économies. Mais nous ne voulons pas de politique d’austérité. Nous ne voulons pas faire mal aux Bruxelloises et aux Bruxellois. Ça, c’est clairement quelque chose que nous mettons sur la table », insiste Ahmed Laaouej.

« Pour nous, il faut voir comment on peut, sur le plan notamment des investissements, faire certains aménagements qui n’entravent pas non plus le développement de Bruxelles. Avec ça, nous avons les éléments qui permettraient d’avancer rapidement », estime le socialiste.

### Revoir les ambitions à la baisse ?

Néanmoins, pour réaliser des économies, il faudra réévaluer à la baisse – voire renoncer à – des projets d’envergure. La question de la réalisation du métro 3 vient immédiatement à l’esprit, mais d’autres enjeux liés à la mobilité, comme l’électrification de tous les bus en Région bruxelloise d’ici 2035, pourraient également être affectés.

La région pourra-t-elle tenir ses engagements ? Le président du PS bruxellois reste prudent : « Cela fait partie des sujets qu’on devra évoquer. Bien évidemment, chacun viendra avec ses priorités. C’est ça, une négociation. Chacun vient avec ses priorités, ses lignes rouges à ne pas franchir. Il y a en Belgique une culture du compromis, et c’est ce à quoi on doit s’employer. »

### La drogue à Bruxelles ? Un problème d’abord anversois

Au-delà de la question budgétaire, il y a également le sujet de la sécurité à Bruxelles. Les ministres de la Défense (Théo Francken – N-VA) et de l’Intérieur (Bernard Quintin – MR) ont annoncé un accord pour déployer des militaires dans les rues de Bruxelles afin de lutter contre les violences liées au trafic de drogue dans la capitale.

Cette mesure, prise par le gouvernement fédéral, n’est pas du goût du PS : « Je constate surtout que les annonces du gouvernement fédéral deviennent une forme de pantalonnade, puisqu’on a annoncé des milliards dans la rue. Puis, on nous explique que ce sera pour l’année prochaine… »

Pour Ahmed Laaouej, l’attention devrait d’abord se porter sur le port d’Anvers plutôt que sur la capitale : « Le port d’Anvers est une passoire. Le trafic international de la drogue s’y donne rendez-vous », estime-t-il. « Mais tant que nous ne couperons pas le robinet anversois, nous continuerons à Bruxelles, en Wallonie et ailleurs, à être inondés par la drogue. Ce qu’il faut, c’est certainement renforcer les contrôles là-bas, venir en soutien à la douane. »

D’après le président du PS bruxellois, les problèmes de drogues ainsi que la criminalité au sens large révèlent « un aveu d’échec » du gouvernement fédéral : « Ça prouve clairement que le ministre de l’Intérieur, actuellement, n’est pas en capacité de renforcer les zones de police, de renforcer la police judiciaire fédérale. Le procureur du roi Julien Moinil dit la même chose au sujet des moyens qui manquent au niveau de la justice et qui ne sont toujours pas débloqués. »

On sait que les nationalistes flamands ne sont pas tendres envers les socialistes, n’hésitant pas à les attaquer frontalement à Bruxelles. Leur chef de file a même qualifié Ahmed Laaouej de « Donald Trump de Bruxelles ».

Face à ce mépris envers le PS, gouverner avec eux sera-t-il définitivement impossible dans la capitale ? « La N-VA, c’est un problème de valeurs et de principes », réagit immédiatement Ahmed Laaouej. « On a un Premier ministre N-VA qui refuse de dire ‘Vive la Belgique’ le jour de la fête nationale. Idem d’ailleurs pour le ministre de la Défense, N-VA également. Ils expliquent que leur rêve, c’est de se rattacher aux Pays-Bas. Ce sont des partis qui clairement aujourd’hui, mènent des réformes au niveau national qui appauvrissent la Wallonie et Bruxelles. »

Pour le PS, il ne faut donc pas se montrer crédule : « Ces gens ne nous veulent pas du bien. Et il faut être bien naïf pour penser que la N-VA travaillera un jour dans l’intérêt des Bruxellois et des Wallons. C’est clairement le contraire. Ce sont des séparatistes. Ils ne changeront pas leur logiciel. Par contre, ils ont changé de stratégie. Avant, on attaquait la Belgique et l’État fédéral de l’extérieur. Aujourd’hui, on s’infiltre à l’intérieur de l’État fédéral, on prend les leviers de commande et on affaiblit l’État pour affaiblir la Belgique. »

### Communautarisme

Toujours dans le registre des attaques des nationalistes envers les socialistes, la N-VA accuse régulièrement le PS de communautarisme à Bruxelles, brandissant des rapports sur les Frères musulmans au Parlement.

Pour Ahmed Laaouej, « ce sont des anathèmes diffamatoires. Moi, je ne réponds pas aux anathèmes et aux diffamations. Je veux sortir du bac à sable dans lequel on essaye de nous mettre. Donc moi je parle des faits, je parle de politique, je parle des priorités des Belges, des Bruxellois, des Wallons, des Flamands, notamment sur les questions sociales, sur les questions de sécurité, d’économie. C’est ça qui est essentiel. Mais surtout du côté du Parti socialiste, il n’y a jamais des attaques contre les droits humains, il n’y a jamais des attaques contre la presse, il n’y a jamais des attaques contre la société civile, les syndicats par exemple. Nous, nous sommes des démocrates, contrairement à d’autres qui procèdent d’un populisme qui cherche clairement à affaiblir les fondements de notre démocratie. »

> « Il y a une forme de hold-up démocratique contre les choix des Bruxelloises et des Bruxellois. Les Bruxelloises et les Bruxellois n’ont pas voté pour la N-VA. La N-VA s’est écrasée lors des dernières élections. Il n’y a pas de raison qu’on nous les impose. »

Pourtant, si Bruxelles est politiquement bloquée, c’est aussi à cause de l’alliance entre le MR, l’OpenVLD et la N-VA. Les libéraux estiment que les nationalistes doivent être au gouvernement.

« Pour des raisons qu’on ignore, l’Open-VLD, qui pèse moins de 2 %, cherche à imposer aux Bruxellois la N-VA, qui pèse 2 %. Donc, il y a une forme de hold-up démocratique contre les choix des Bruxelloises et des Bruxellois. Les Bruxelloises et les Bruxellois n’ont pas voté pour la N-VA. La N-VA s’est écrasée lors des dernières élections. Il n’y a pas de raison qu’on nous les impose », estime le président du PS bruxellois.

« Et quand on me dit qu’il faut tenir compte de la majorité flamande. Si demain le PS fait une coalition avec le PTB et Écolo, est-ce que ça veut dire que l’Open-VLD doit l’accepter ? Il n’y a aucun monde où ça existe cette chimère-là. C’est une imposture. Fondamentalement, nous n’allons pas nous laisser prendre au piège de cela et nous voulons respecter le choix démocratique des électeurs. »