Les scanners pourraient-ils causer des milliers de cancers annuels ? Prudence.
Une étude intitulée « Risques de cancer projetés à vie à partir des données actuelles de tomodensitométrie [NDLR : scanner] » a été publiée dans la revue médicale JAMA Internal Medicine le 14 avril 2023 par Rebecca Smith-Bindman. La conclusion de cette étude indique que « les 93 millions d’examens de tomodensitométrie réalisés chez 62 millions de patients en 2023 devraient entraîner environ 103.000 cancers futurs ».
Et si le fait de se soigner pouvait rendre malade ? Selon certains internautes, un nouveau rapport indique que passer un scanner pourrait être plus dangereux qu’on ne le croit, estimant que cet examen médical serait responsable de centaines de milliers de cas de cancer chaque année.
« Étude choquante évaluée par des pairs », est-il écrit sur les réseaux sociaux. Cette affirmation provient d’un article d’un blog d’actualité privé suisse, « Légitim.ch », qui a été largement diffusé. Pour accroître sa visibilité en France, un partage par Silvano Trotta, une personnalité connue dans le domaine du conspirationnisme, sur X a particulièrement contribué à sa diffusion.
Mais quelle est la source de cette étude ? Les scanners sont-ils réellement à l’origine de centaines de milliers de cancers chaque année ?
FAKE OFF
Le blog qui a relayé cette nouvelle fait partie d’un ensemble de sites indépendants ayant émergé en Suisse ces dernières années. Selon des médias locaux, certains de ces sites atteignent parfois une audience supérieure à celle des journaux professionnels, en raison de l’augmentation du recours aux réseaux sociaux pour s’informer. Toutefois, cette tendance ne s’avère pas toujours bénéfique.
Le rédacteur de « Legitim.ch » se décrit comme « libertaire » et publie des actualités « librement ». Un rapide tour d’horizon des articles de ce blog révèle différentes théories du complot, ainsi que des positions antivaccins, notamment le lien entre la vaccination et le cancer, qui a été maintes fois démenti. L’article portant sur les scanners et le cancer a été mis en ligne le 1er septembre dernier.
Dès la première phrase, l’affirmation perd de sa certitude : « Le recours massif au scanner aux États-Unis pourrait entraîner des dizaines de milliers de cas de cancer », laissant entendre qu’il ne s’agit que d’une hypothèse. S’ensuivent de nombreuses incohérences.
Une étude pour alerter sur la prescription des scanners aux États-Unis
L’étude en question, intitulée « Risques de cancer projetés à vie à partir des données actuelles de tomodensitométrie [NDLR : scanner] », a été publiée dans la revue médicale JAMA Internal Medicine, le 14 avril dernier, par Rebecca Smith-Bindman, entre autres.
« Cet article est publié dans une revue qui est plus que respectable », précise Iris Pauporté, directrice de la recherche, de l’innovation et de l’information scientifique à la Ligue contre le Cancer.
Elle ajoute : « Établir des données basées sur des estimations est courant en épidémiologie, mais il faut comprendre que ces données sont extrapolées. » L’étude conclut que « les 93 millions d’examens de tomodensitométrie réalisés chez 62 millions de patients en 2023 devraient provoquer environ 103 000 cancers futurs ».
Il est donc important de noter qu’il s’agit d’estimations, et qu’elles ont été réalisées « sur des personnes irradiées par Hiroshima, donc ils ont peut-être utilisé les cas les plus graves pour élaborer leur base de données ».
De plus, les patients concernés résident aux États-Unis. « On ne peut pas transposer ces données aux patients français. Il y a deux fois plus de prescriptions de scanner, et les doses administrées sont également supérieures », précise Iris Pauporté. Selon la spécialiste, cette étude pourrait en fait avoir pour but d’« attirer l’attention sur la prescription de scanners aux États-Unis ».
Le scanner vraiment nocif ?
Il est bien connu que le risque de cancer augmente chez une personne ayant reçu des doses excessives de rayons X tout au long de sa vie. C’est pourquoi les autorités sanitaires s’assurent de la dose totale d’irradiation reçue par un patient au cours de sa vie. Certaines personnes sont d’ailleurs orientées vers des échographies, qui utilisent des ultrasons, ou vers des IRM, qui fonctionnent avec des ondes magnétiques.
Il est également établi que les doses moyennes de rayons X administrées aux patients ont augmenté de 47 % en cinq ans, en partie à cause de l’utilisation croissante des scanners. Cependant, la dose moyenne reçue par un patient en France demeure bien inférieure à celle reçue par les patients américains, qui sont au centre de cette étude.
La Ligue contre le cancer recommande d’ailleurs : « Les radiographies et les scanners, c’est comme les antibiotiques, ce n’est pas automatique. » Autrement dit, ces examens ne doivent pas être prescrits sans raison. De plus, tous les examens n’exposent pas de la même manière : la radiographie d’un membre et le panoramique dentaire présentent les niveaux d’exposition les plus bas, tandis que les scanners thoraciques et abdominopelviens sont ceux qui exposent le plus, allant jusqu’à 100 fois plus.

