Belgique

Ursula von der Leyen « est toute seule » face aux tensions politiques.

Ursula von der Leyen a pris la parole au Parlement européen, à Strasbourg, ce mercredi 10 septembre. Dans son discours, elle a énoncé plus d’une vingtaine d’initiatives que sa Commission présentera dans les mois à venir dans divers domaines.


Ursula von der Leyen a pris la parole au Parlement européen à Strasbourg, ce mercredi 10 septembre. Ce discours visait à compenser les déceptions survenues pendant l’été : l’UE a montré une certaine faiblesse dans les négociations commerciales avec les États-Unis, elle a été ignorée lors du sommet en Alaska sur la guerre en Ukraine, et elle se trouve profondément divisée sur le conflit à Gaza.

Après plus d’une heure d’intervention face aux députés européens, le bilan est mitigé.

### Un début de discours à la tonalité grave

« L’Europe se bat », a déclaré d’emblée la dirigeante allemande devant les élus européens. Dans un monde où de nombreuses puissances se montrent « ambiguës », voire « ouvertement hostiles » à l’égard de l’Europe, un monde « où règnent les ambitions et les guerres impérialistes », « l’Europe doit prendre son indépendance ». Comme lors des dernières crises, notamment celle de la pandémie de Covid-19, les Européens doivent rester unis.

« La tonalité d’entrée est grave », pointe Eric Maurice, analyste au European Policy Center (EPC). Il ajoute : « Elle a rapidement rappelé que l’Europe doit se battre pour ses valeurs, pour sa sécurité, que c’est un moment crucial. Évidemment, elle a beaucoup parlé de la guerre en Ukraine, de ses conséquences tant humaines que sur la sécurité du territoire européen. Elle a également évoqué plus généralement les perturbations de l’ordre mondial qui placent l’Union européenne dans une position difficile, tant sur le plan de la sécurité qu’en matière d’économie, de commerce et de relations diplomatiques. »

### Face à von der Leyen, des Européens divisés

Cependant, l’unité que souhaite Ursula von der Leyen n’est pas acquise. « L’Europe aura-t-elle le courage de se battre ? Où allons-nous simplement nous battre entre nous ? Nous laisserons-nous paralyser par nos divisions ? C’est à cette question que chacun d’entre nous doit répondre », a-t-elle demandé, s’adressant simultanément aux eurodéputés, à ses commissaires et aux États membres.

« Elle voit bien que les forces politiques européennes sont de plus en plus divisées », confirme Eric Maurice. « D’ailleurs, après son discours, lors d’un débat, les chefs des groupes du centre droit et des sociaux-démocrates se sont affrontés de manière assez virulente. Elle se trouve dans un environnement interne à l’Union européenne où il n’y a pas de visibilité politique, pas d’accord clair sur les grands enjeux, à part sur l’Ukraine. Et encore. »

En tant que présidente de la Commission, souligne le spécialiste, « elle n’a qu’une prise assez faible sur les dynamiques politiques. Elle tente, dans son discours, d’exprimer un leadership, de donner une impulsion, mais elle n’a pas les cartes en main pour diriger et influencer directement ces dynamiques politiques. »

### Absence d’un cap politique clair

Ces divisions européennes compliquent la tâche de la présidente de la Commission. Si le début de son discours a été puissant, la suite, consacrée aux priorités politiques, a été jugée « assez classique, assez plate » par Eric Maurice. « Il y avait un manque de vision, un manque de cohérence. Ursula von der Leyen a cité toute une série de mesures, mais ne les a pas reliées dans une sorte de récit ou de stratégie claire. »

Dans son discours, Ursula von der Leyen a énoncé plus d’une vingtaine d’initiatives que sa Commission présentera dans les mois à venir sur des sujets variés tels que la compétitivité, la défense, le social, la qualité de vie, la démocratie et les valeurs. « Ursula von der Leyen devait donner des gages aux différentes composantes du Parlement européen, notamment la majorité pro-européenne », composée des démocrates-chrétiens, des sociaux-démocrates et des centristes et libéraux de Renew.

Eric Maurice souligne l’importance de l’accent social dans la déclaration de la présidente de la Commission. « Elle a voulu adresser un message aux sociaux-démocrates, aux écologistes et une partie des centristes, notamment sur la question du logement. Elle a aussi fixé l’objectif d’éradiquer la pauvreté d’ici 2050, ce qui est assez irréaliste malheureusement. Mais on a perçu sa volonté de se positionner sur ce terrain social. Cela dit, attendons de voir ce qui sera effectivement proposé. »

Concernant la démocratie, l’analyste de l’EPC évoque l’annonce d’un plan de soutien à la presse indépendante. « Là aussi, attendons de voir ce qui sera fait. »

### Les dossiers épineux des prochains mois

C’est dans ce contexte de divisions et d’incertitude que devra évoluer Ursula von der Leyen dans les mois à venir. Elle devra éviter plusieurs écueils, à commencer par le dossier du Proche-Orient.

Dans son discours, elle a notamment proposé de sanctionner deux ministres israéliens extrémistes et des colons juifs violents, ainsi que de suspendre le volet commercial de l’accord de partenariat entre l’UE et Israël. Cependant, Eric Maurice juge qu’elle a maintenu une position prudente. « En proposant des sanctions contre des ministres israéliens, elle s’implique davantage dans le débat qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent. Mais elle a décrit ce qui se passe à Gaza de manière très indirecte ; à aucun moment elle n’a dit ‘Israël fait ceci, Israël fait cela’. Elle ne désigne pas le responsable de la situation. »

D’une certaine manière, ces sanctions proposées « ne l’engagent pas trop parce que ce sera aux États membres de décider. Elle sait très bien que les États membres sont divisés et que les chances que ses propositions se réalisent sont faibles. Quelle sera sa prochaine action ou proposition sur le sujet ? Ce sera également à voir. »

### Conclusion

Dans un avenir proche, l’Union européenne devra également donner suite à la déclaration commune avec les États-Unis sur les droits de douane. « Ce n’est pas un accord proprement dit, mais il faudra mettre en œuvre ce qui est stipulé dans ce texte, tout en tenant compte du contexte venant de Washington. Donald Trump demande davantage de concessions européennes sur la réglementation des plateformes numériques. De l’autre côté, le Parlement européen et certains États membres ne sont pas d’accord avec les engagements qu’elle a pris en matière commerciale. »

Le soutien à l’Ukraine et la défense européenne constituent d’autres défis qui se dresseront sur le chemin d’Ursula von der Leyen, qui sort affaiblie de la période estivale.

« Elle est fragilisée », confirme Eric Maurice, « car elle est toute seule au milieu des tensions politiques. Elle attire beaucoup d’attention et finalement, cela lui vaut de nombreuses critiques sur tout ce qui ne fonctionne pas au sein de l’Union européenne. Elle communique énormément sur ses actions et, d’une certaine manière, elle fait beaucoup de promesses qu’elle n’est pas en mesure de tenir puisqu’elle n’est que présidente de la Commission européenne. »

Au-delà des mots, Ursula von der Leyen devra démontrer son efficacité par ses actions.