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« La décoration intérieure de Donald Trump évoque Las Vegas »

La présidence américaine a annoncé en juillet la construction d’une future salle de bal à 200 millions de dollars dans l’aile Est de la Maison-Blanche, dont les travaux seront lancés en septembre. D’une taille de 8.300 mètres carrés, la pièce pourra accueillir jusqu’à 650 personnes assises et ressemblera à un édifice blanc flanqué de colonnes.


Du doré, du marbre et… encore du doré. Les photographies des différents lieux de résidence de Donald Trump donnent presque besoin de lunettes de soleil pour être appréciées. Que ce soit à Mar-a-Lago en Floride ou dans son penthouse au sommet de la Trump Tower à New York, le style décoratif est chargé. La Maison-Blanche n’échappe pas à cette esthétique : le Bureau ovale est désormais orné d’ornements dorés, d’angelots, de fausses moulures, et de nombreux portraits accrochés aux murs.

« Chaque président imprime sa marque dans le Bureau ovale et plus largement à la Maison-Blanche », rappelle Elisabeth Fauquert, maîtresse de conférences en histoire et culture des États-Unis à l’université Paris-Nanterre. Franklin D. Roosevelt avait installé une piscine, Richard Nixon une piste de bowling, et Barack Obama un buste de Martin Luther King dans son bureau. Ces adaptations ont toujours une fonction politique, participant à la mise en scène du pouvoir. Trump suit cette tradition : son décor devient un message politique. Mais que traduit cette ostentation ?

Déjà, le républicain affiche un (mauvais) goût cohérent, comme en témoignent la décoration intérieure de ses résidences et de ses hôtels. « Ça lui plaît d’être dans un environnement qui symbolise le pouvoir », souligne la chercheuse. Le milliardaire veut mettre en avant sa réussite économique, avec l’image d’un « self-made-man » qui a construit sa légende. « Il y a un côté Las Vegas, une projection un peu clichée de ce qu’est la richesse », ajoute Elisabeth Fauquert.

Cependant, derrière l’ostentatoire, se dessine l’image d’un pouvoir fort. Le journaliste britannique Peter York a théorisé le style décoratif « dictateur chic » dans un livre après avoir analysé les demeures d’hommes puissants au cours du siècle. Dans un article de Politico, il en rappelle les grands principes : voir grand, adopter un style ancien mais avec des objets modernes, s’inspirer des intérieurs français du XVIIIe siècle ou des hôtels de luxe, privilégier l’or, le verre et le marbre, inclure des tableaux de maîtres et des portraits, notamment de soi, ainsi que des ornements et des animaux héroïques.

Avec un piano décoré de moulures et des lustres impressionnants à Mar-a-Lago, des fausses coupes antiques sur la cheminée de la Maison-Blanche et des chandeliers et trônes dorés dignes de Napoléon III à New York, Donald Trump atteint le summum. « C’est une étiquette un peu simpliste, mais qui capte un message important », nuance Elisabeth Fauquert, qui préfère le concept d’« esthétique populiste performative », défendu par le politiste australien Benjamin Moffit. « C’est une grammaire visuelle qui s’oppose au bon sens et aux codes feutrés des élites, remplaçant ces éléments de réussite économique par des images simples et polarisantes », précise-t-elle.

Avec cette décoration excessive et kitsch, Trump véhicule donc une image d’« outsider anti-élites ». Cela fait écho à des références historiques, manifeste notamment par le portrait d’Andrew Jackson, président de 1829 à 1837, connu pour son soutien à l’esclavage et considéré comme le premier président populiste américain, accroché au mur du Bureau ovale.

« Il surinvestit les symboles et les met en scène : tout est fait pour le buzz, sans aucune limite », expose Elisabeth Fauquert. « Il a une relation irrévérencieuse avec l’histoire et la Maison-Blanche, adoptant un style « je fais ce que je veux chez moi » ». Cette excentricité va jusqu’à installer, dans le Bureau ovale, un bouton pour obtenir immédiatement du soda light.

La décoration tape-à-l’œil de Mar-a-Lago, qui est de plus en plus perçue comme une Maison-Blanche alternative, agit aussi comme un signal de rupture avec Washington et son architecture sobre et monumentale. « Il cultive la grammaire populiste, spécifiquement celle du sud conservateur », met en avant la spécialiste. Pour renforcer ce sentiment de Floride, la roseraie de la Maison-Blanche a été remplacée par une terrasse en dalles de marbre, ornée de mobilier de jardin jaune et blanc, semblable à celui de sa propriété.

Donald Trump ne semble pas vouloir s’arrêter là. En juillet, la présidence américaine a annoncé la construction d’une future salle de bal à 200 millions de dollars dans l’aile Est de la Maison-Blanche. Les travaux, financés par des fonds privés et par Trump lui-même, doivent débuter en septembre. Avec une superficie de 8 300 mètres carrés, cette pièce pourra accueillir jusqu’à 650 personnes assises et ressemblera à un édifice blanc flanqué de colonnes, selon les premiers plans.

« C’est une mise en scène centrale de l’exercice du pouvoir et aussi un moyen de créer une image d’une communauté fusionnelle autour d’un chef : Trump est un habitué des spectacles, des événements, des galas », souligne Elisabeth Fauquert, à l’instar des nombreux rassemblements organisés durant la campagne présidentielle. Une rencontre entre Vegas et Versailles.