Sport

Mondiaux d’athlétisme : « On n’a pas la culture de la gagne »

Un an après les Jeux olympiques de Paris, où la France a obtenu sa seule médaille d’argent grâce à Cyréna Samba-Mayela, les membres de la FFA se préparent pour une nouvelle semaine de stress à Tokyo pour les Mondiaux qui commencent ce samedi. Depuis les premiers championnats du monde organisés en 1983, la France est seulement le 15e pays le plus médaillé.


On ne connaît pas la réputation des centres de manucure au Japon, mais espérons, pour les responsables de l’athlétisme français, que leurs ongles aient été bien renforcés. Un an après avoir rongé leurs cuticules jusqu’au coude lors des Jeux olympiques de Paris, où la seule médaille d’argent de Cyréna Samba-Mayela avait sauvé la discipline le dernier jour des compétitions, les membres de la FFA devraient vivre une nouvelle semaine stressante à Tokyo pour les Mondiaux, qui débutent ce samedi.

Les Bleus risquent de ne pas voir beaucoup de lumière dans la capitale japonaise. Entre les absences notables (Cyréna Samba-Mayela, Kevin Mayer, Alice Finot, Clément Ducos…), les athlètes en méforme (Gabriel Tual, Sasha Zoya, Louise Maraval…) et une jeune génération encore en quête d’expérience, les Français avancent prudemment, comme c’est souvent le cas lors des Mondiaux. Depuis le premier championnat du monde organisé en 1983, la France ne figure qu’au 15e rang des pays les plus médaillés.

Kpatcha et Habz pour la médaille ?

Lors des deux dernières éditions, les athlètes français sont revenus avec une seule médaille. Bien qu’il soit possible de réaliser un meilleur score cette année au Stade national de Tokyo, Ronald Pognon, champion du monde du 4×100 mètres à Helsinki en 2005, fait part de ses inquiétudes. « C’est un peu dur à voir, car c’est l’une des premières années où l’on voit l’équipe de France aussi fragilisée, on n’a pas d’énormes chances de médaille », déplore-t-il.

Pognon mise cependant sur Hilary Kpatcha en longueur et Azeddine Habz sur 1.500 mètres. Ce dernier, avec la sixième meilleure performance de tous les temps sur cette distance, le record de France et deux victoires en Diamond League (à Rome et à Paris), pourrait réaliser une performance marquante au Japon. Stéphane Caristan, ancien champion d’Europe du 110 m haies, tempère toutefois les attentes : « C’est une chance de médaille, mais aller la chercher, ça va être très très compliqué. Je pense que ça va être la course la plus disputée en demi-fond », souligne-t-il, mentionnant notamment la présence du Kényan Phanuel Kipkosgei Koech et du Norvégien Jakob Ingebrigtsen. D’autres athlètes comme Just Kwaou-Mathey, Anaïs Bourgoin, Marie-Julie Bonnin ou Melvin Raffin pourraient également créer la surprise, mais la France est loin de battre son record de médailles (8), établi à Paris et Helsinki en 2003 et 2005.

Souverains aux championnats d’Europe, absents aux Mondiaux

Les Bleus, qui avaient remporté 16 médailles lors des derniers championnats d’Europe à Rome, dont 4 titres, sembleraient loin du chemin parcouru. Stéphane Caristan explique : « Le niveau européen a régressé par rapport au reste du monde, ou plutôt le reste du monde a progressé énormément par rapport au niveau européen. Être champion d’Europe ou médaillé européen n’est plus suffisant pour être compétitif au niveau mondial dans certaines disciplines. »

Certains athlètes réussissent à briller lors de grands meetings sans parvenir à reproduire ces performances aux Mondiaux. « Pour moi, les one-shots ne sont pas représentatifs du vrai niveau », estime Caristan. « La charge d’entraînement des athlètes français n’est pas en rapport avec ce qu’il faut fournir lors d’un championnat où il y a plusieurs efforts à faire, pas dans un meeting où l’on est sur un one-shot. »

« En 2005 à Helsinki, j’arrivais avec la 5e performance mondiale et, à l’époque, j’ai tout donné en série, en quart et en demi-finale. J’étais déjà cramé. En France, nous avons un problème sur l’enchaînement des courses et la récupération, que ce soit physique ou mentale », rappelle Ronald Pognon.

« Un stress d’être confronté aux meilleurs mondiaux »

La gestion de l’événement entraîne aussi une pression mentale importante. Les sportifs doivent faire face à des situations stressantes, comme une compétition à haut niveau, où la présence des meilleurs athlètes du monde ajoute à la pression. En moyenne, Caristan estime que seuls 30 % des athlètes de l’équipe de France réussissent à reproduire le niveau de performance requis lors de ces grands championnats. « Aller chercher la médaille est donc compliqué. Il y a une culture de la gagne qu’on n’a pas », conclut-il.

Cette dynamique difficile peut se retrouver accentuée lorsque les premiers jours d’un grand championnat ne se passent pas bien. Les heures passent, le compteur de médailles reste bloqué à zéro et les athlètes sur le tartan ressentent une pression accrue. « Quand ça ne performe pas, il est difficile de se transcender par peur de mal faire », conclut Caristan.