Belgique

« Mark Fortier : L’extrême droite gagne souvent avec d’autres forces »

Dans un contexte électoral chargé en France et aux États-Unis au printemps 2024, Mark Fortier explore les signes d’un glissement vers l’autoritarisme au sein des démocraties libérales. Son analyse s’interroge sur le rôle des élites intellectuelles et sur l’impact d’un vocabulaire dilué qui contribue à banaliser l’extrême droite, tout en mettant en lumière l’importance de la solidarité et du dialogue pour contrer cette tendance.


**Un mouvement politique vers l’autoritarisme**

L’écriture du livre de Mark Fortier débute au moment où les élections législatives en France se mettent en route au printemps 2024. Parallèlement, les élections présidentielles américaines commencent, avec déjà un pressentiment lié à une possible réélection de Donald Trump. Fortier partage son impression que l’Histoire politique prend un tournant rapide, amplifié par une certaine apathie au sein de la population, particulièrement en Amérique du Nord.

« C’est ainsi que la démocratie glisse vers l’autoritarisme », analyse-t-il.

**Le rôle des élites intellectuelles**

Fortier pointe du doigt les « petites lâchetés » des partisans du pouvoir, souvent complices du conformisme. Les intellectuels, bénéficiant d’une situation sociale confortable, peuvent choisir de se taire, estimant que rester en retrait afin de voir passer la tempête est moins risqué. Cette attitude constitue, selon lui, une large part de la responsabilité actuelle de l’établissement du Parti démocrate américain, qui attend patiemment l’autodestruction des républicains.

« On peut légitimement s’interroger sur la possibilité que les démocraties libérales occidentales soient devenues, sans s’en rendre compte, des démocraties dépourvues de véritables démocrates. »

Pour Fortier, préserver un enracinement social et des espaces de participation civique est essentiel pour la démocratie. Sans cela, elle risque de n’être qu’une façade, se fondant uniquement sur des rituels électoraux. Ce décor met le lit à la montée de l’extrême droite, d’où l’affirmation de Fortier que « l’extrême droite ne parvient que rarement à s’imposer par elle-même ».

**Une question de vocabulaire**

Mark Fortier s’aperçoit que le langage entourant les partis d’extrême droite s’adoucit avec le temps, entraînant un appauvrissement des mots. Il évoque le journaliste David Pujadas, qui qualifie le Rassemblement National de « parti qualifié d’extrême droite ». Cette évolution sémantique tend à faire oublier que le RN demeure un parti fondamentalement autoritaire, malgré des changements d’apparence entre les pratiques de Jean-Marie et Marine Le Pen.

L’auteur s’inquiète d’une érosion massive du langage, considérant cela comme l’un des mécanismes cruciaux à la montée de l’extrême droite. Selon lui, la « technocratie libérale » – représentée par les firmes de marketing et par l’État dans ses démarches administratives – a largement contribué à cette déconstruction du langage. Face à ce « discours creux », les messages simples et directs de figures comme Trump ou Bolsonaro semblent plus authentiques, car non associés à l’élite libérale.

**Comment contrer l’extrême droite ?**

Mark Fortier propose que l’un des remèdes face au fascisme repose sur l’amitié, une forme de solidarité. L’extrême droite se définit souvent par l’hostilité envers un ennemi.

« Le fondement de la démocratie réside dans la solidarité et la capacité à exprimer des désaccords sans hostilité », défend-il. Une position qu’il juge légitime, même en cas de divergence d’opinions entre amis. Le dialogue et la reconnaissance de l’autre sont fondamentaux. « Si les liens sociaux s’effritent, si les espaces de solidarité sont absents, alors on risque de se retrouver dans un monde atomisé, propice à la peur et aux violences politiques. »