OL – OM : « C’est quand même perturbant »… Le « théorème » des Olympiques a-t-il déjà été aussi véridique ?

Et si le poncif de « la glorieuse incertitude du sport » avait trouvé son maître ? Pour expliquer leur inattendue place de leader de Ligue 1 après deux journées, de nombreux supporteurs de l’OL n’ont qu’une expression à la bouche : « le théorème des Olympiques a encore frappé ». Car avant l’Olympico de ce dimanche (20h45), au contraire de Lyonnais ayant survécu in extremis à la cata devant la DNCG (même si ça vient de leur coûter le départ de leur buteur Georges Mikautadze), l’OM reste marqué par un sacré couac à Rennes et par l’ahurissante affaire Rabiot-Rowe. Mais qu’est-ce donc que ce « théorème » des Olympiques exactement ?
« Il ne peut pas y avoir les deux Olympiques heureux, résume le supporteur marseillais Lino Treize, bien connu sur Twitter/X (près de 63.000 abonnés) et adepte de la formule. J’en parle surtout quand l’OM n’est pas bien, en mode second degré, comme pour dédramatiser. » Clairement « bon enfant » en comparaison avec les habituelles amabilités que se lancent les fans des deux camps rivaux, ce désormais running gag atteint son pic de popularité en ce début de saison.
Plus de kif commun sur la durée depuis dix ans
Dans les faits, depuis une saison 2014-2015 de kif partagé (un 11 quasi 100 % issu de la « formidable académie », avec le tandem Lacazette-Fekir au top d’un côté, et une orgie offensive avec 2 buts inscrits par match sous Marcelo Bielsa de l’autre), il est bel et bien rarissime de voir les supporteurs de l’OL et de l’OM comblés en même temps, et sur la durée. Parmi les récentes séquences les plus symboliques de sorts opposés et de destins liés, on pense avant tout à trois saisons.
- 2017-2018 : Le 18 mars 2018, un OM (3e) en pleine confiance a l’occasion au Vélodrome de larguer à huit points l’OL (4e), fessé en Ligue Europa trois jours plus tôt par le CSKA Moscou (2-3). Mais contre toute attente, Lyon l’emporte (2-3) dans un final épique. Avant d’arracher sa qualification en C1 contre Nice (3-2). Etrillé la même semaine en finale de la Ligue Europa… au Parc OL par l’Atlético de Madrid (0-3), l’OM de Rudi Garcia perd tout.
- 2022-2023 : Alors responsable du recrutement de l’OL, Bruno Cheyrou trolle le 1er juillet 2022 l’OM, qui vient de perdre son entraîneur Jorge Sampaoli. Le karma frappe son « c’est pas anodin », et malgré les retours au club d’Alexandre Lacazette et de Corentin Tolisso, Lyon passe à côté de sa saison, relégué à 11 points d’un OM (3e) séduisant avec Igor Tudor.
- 2023-2024 : Encore lanterne rouge après 15 journées de championnat, l’OL fonce vers la Ligue 2, avec 13 points de retard sur l’OM (6e), dont les supporteurs chambrent allégrement leurs rivaux. Mais cinq mois plus tard, Marseille passe à côté d’une qualification européenne au contraire de Lyonnais ayant vécu une deuxième partie de saison inoubliable avec Pierre Sage.
La Une inspirante de « L’Equipe » dès 2011
Une question se pose : qui est le doux génie ayant lancé ce concept du « théorème » des Olympiques ? Des internautes ressortent ces dernières semaines une Une « inspirante » de L’Equipe remontant à septembre 2011. Avec d’un côté un « Plein sOLeil » et de l’autre un « Plein sOMmeil » bien sentis. Pour autant, l’expression n’a pas fusé derrière, si bien que la première apparition du fameux « théorème » sur Twitter/X date du 7 novembre 2018.
On a retrouvé le twittos en question, Clément, supporteur lyonnais de 25 ans. Celui-ci l’assure modestement : « Je ne sais pas comment ce tweet remonte ainsi car je n’ai clairement pas inventé le « théorème » des Olympiques ». A l’époque, le contexte est celui-ci : l’OL de Bruno Genesio mène 2-0 en Ligue des champions contre Hoffenheim, avant de se retrouver à 11 contre 10… et de trouver le moyen de concéder le nul dans le temps additionnel (2-2). Clément imagine alors l’OM réussir à faire pire le lendemain en Ligue Europa contre la Lazio Rome.
« Je sais que ça n’est pas l’idée première du « théorème » mais j’ai l’impression qu’en cas de contre-performance de l’OL ou de l’OM, le rival se débrouille souvent pour faire pire dans la foulée, précise Clément. C’est quand même perturbant comme il semble y avoir une corrélation entre nos matchs. » Et oui, le « théorème » des Olympiques aurait donc plusieurs interprétations, pour notre plus grande fascination.
« Il ne peut pas y avoir de saison linéaire à Marseille »
Sept ans plus tard, Clément se délecte en tout cas de la tournure que celui-ci prend : « A la base, j’étais très sceptique vu notre cure d’austérité sur ce mercato. Et puis en repensant à la défaite à 11 contre 10 de l’OM la veille à Rennes, je me suis dit que c’était finalement tout à fait logique qu’on gagne à Lens (0-1). C’est avant tout une blague qui s’est ancrée dans la culture web ». On soupçonne d’ailleurs les fans de l’OL et de l’OM de ne pas vraiment croire en ce fameux « théorème ».
« C’est trop paranormal pour que j’y croie vraiment. Par contre, je crois en la négativité autour de l’OM. Il n’existe pas d’autre club en France qui peut autant se mettre le feu que nous, comme on l’a encore vu avec l’épisode Rabiot-Rowe. C’est notre destin : il ne peut pas y avoir de saison linéaire à Marseille. On passe super vite du très haut au très bas et c’est devenu un peu la même chose à Lyon. Ce « théorème » fonctionne donc par périodes parce que les deux clubs sont instables. »
Mais qui dit « théorème » dit besoin de l’éclairage d’un « matheux » sur toute cette histoire. Dans notre quête, on a trouvé notre homme idoine : Rachid Ghazi, président et joueur amateur en Départementale 5 à 45 ans au Haut Football Club de Chambéry (Savoie), tout en étant enseignant en mathématiques et physique-chimie au lycée Monge de Chambéry. Avec en bonus « l’OM comme club de cœur », le jackpot messieurs-dames.
« Aucun intellectuel derrière cette théorie à la con »
S’il sourit d’abord à notre accroche sur le fameux « théorème » des Olympiques, ce footballeur ayant au mieux évolué en Honneur Régional embraye : « OK c’est un buzz marrant mais je vais vous casser cette notion de théorème en deux-trois mouvements. Des théorèmes, ce sont ceux de Thalès et de Pythagore, des vérités absolues. Là, l’expression n’est pas appropriée : aucun intellectuel n’est derrière cette théorie à la con qui n’a jamais été prouvée ».
Si Rachid Ghazi devient piquant sur la sémantique de ce délire made in Twitter, c’est surtout parce qu’il travaille lui-même sur « un théorème de géométrie analytique dans l’espace ». « Je suis sur ces recherches depuis 25 ans, et si ça se trouve, je n’aurai pas assez de mon vivant pour les conclure et les faire valider par des mathématiciens en Inde, aux Etats-Unis et en France, afin qu’on m’attribue un théorème. Donc voir le mot « théorème » entre l’OL et l’OM, ça peut être perçu comme offensant par ceux qui effectuent de longues recherches. »
Notre dossier sur la Ligue 1
Pour autant, même notre mathématicien, qui enseigne aussi les théorèmes de Cauchy et de D’Alembert à ses élèves de Terminale, se surprend à lier les dynamiques inversées des deux clubs rivaux. « Ça m’arrive d’y penser, par exemple quand je vois les débuts de saison inattendus de Marseille et de Lyon. Et plus encore vu comme on a pris l’habitude de relancer notre bête noire lorsqu’elle est dos au mur. » Reste un point commun d’une implacable vérité : ni l’OL ni l’OM n’ont remporté le moindre titre depuis treize ans. Une disette olympique.

