France

Rentrée scolaire : « C’est épuisant de devoir toujours se battre »… La galère des parents d’enfants handicapés

Il fera sa rentrée ce lundi en CP en sachant déjà lire malgré un début de scolarité pour le mois chaotique. Atteint de spectres du trouble autistique, Lucas, 6 ans, n’a jamais eu plus que quelques heures d’école par semaine depuis son entrée en petite section alors que ses camarades de classe y passent vingt-quatre heures. Un cas loin d’être isolé selon l’Unapei qui alerte comme à chaque rentrée sur la situation de milliers d’enfants porteurs de handicap qui se retrouvent sans solution scolaire adaptée.

Selon une enquête menée par le réseau auprès de 38 associations membres sur un panel de plus de 3.600 enfants, 13 % d’entre eux n’ont aucune heure de scolarisation par semaine, 38 % entre zéro et six heures, 30 % entre six et douze heures et seulement 19 % plus de douze heures. « Des promesses, il y en a. Des chiffres positifs aussi avec 519.000 enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire à la rentrée 2024, souligne son président Luc Gateau. Mais derrière, combien n’ont que des « bouts » de scolarisation ? Combien sont en errance ou sans solution du tout ? »

« J’ai dû arrêter de travailler »

Florine peut en témoigner. Selon la maman de Lucas, l’année de son petit garçon en petite section s’était « globalement bien passée. » Après notification de la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH), il avait été suivi à l’école par une accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH) tous les matins et une journée complète par semaine. Mais la situation s’est rapidement dégradée durant l’année scolaire 2023-2024. D’abord sur le plan de la santé avec une maladie rénale qui a entraîné une hospitalisation de l’enfant et un lourd traitement médicamenteux qui n’a rien arrangé à « son comportement déjà explosif. »

A l’école, plusieurs AESH pas formées à l’autisme ou perdant pied se sont également succédé, chamboulant complètement Lucas. A la dernière rentrée, nouveau coup de massue quand l’équipe de suivi de la scolarisation annonce à Florine que son fils va être déscolarisé en raison de son comportement. « J’ai dû arrêter de travailler car j’ai aussi un autre enfant de 3 ans et demi qui est en situation de handicap et dans l’attente d’une place en institut médico-éducatif », témoigne cette maman courage installée dans l’Orne.

Le parcours du combattant pour scolariser son enfant

Grâce au soutien de professionnels et au recours à une structure privée pour son apprentissage, Lucas retrouvera les bancs de l’école en cette rentrée avec une AESH individuelle et formée à l’autisme mais seulement deux heures par semaine. « L’objectif va d’abord être sa resociabilisation pour qu’il réapprenne à vivre les autres », indique Florine, « pleine d’espoir » mais aussi consciente que « l’école ordinaire ne convient pas » à son enfant. « Il se retrouve par défaut à l’école car il ne coche aucune case pour intégrer un dispositif ou une structure spécialisée », déplore cette trentenaire.

Pour de nombreux parents, le principe de l’école inclusive relève en effet du slogan en raison de la pénurie d’AESH et réussir à faire scolariser son enfant s’apparente à un véritable parcours du combattant. « C’est déjà difficile d’avoir un enfant malade mais le plus épuisant, c’est de devoir se battre pour quelque chose qui est un droit fondamental », soupire Samantha.

Des enfants privés de cantine par manque d’AESH

Alors que la rentrée se profile, cette jeune maman installée dans la région rennaise ne sait toujours pas quel accompagnement sera proposé à son fils Léon, 4 ans, atteint du syndrome de Nascimento, une maladie génétique rare. L’an dernier, après un gros forcing de ses parents et un courrier de mise en demeure adressé aux services de l’Éducation nationale, le petit garçon avait été scolarisé le matin jusqu’en décembre et toute la journée par la suite. Mais pas sur le temps de midi, aucune AESH, profession désormais rémunérée par l’État et non plus par les mairies lors de la pause méridienne, n’étant prévue pour l’assister à la cantine.

« On a trouvé une solution pour qu’il mange à la crèche mais c’est important pour nous qu’il aille à la cantine afin qu’il progresse au contact des autres », indique Samantha, fatiguée de devoir « toujours relancer » les services de l’Éducation nationale pour faire respecter les droits de son enfant. « On verra ce qui va se passer lundi mais il y a fort à parier que rien ne soit prévu sur le temps du midi », déplore-t-elle.

« Il faut faire preuve de résilience »

Même angoisse chez Camille, mère de famille originaire de Brive-la-Gaillarde. A la dernière rentrée, il était convenu que son fils Samuel, âgé de 4 ans et demi et atteint du même symptôme que Lucas, aille à l’école uniquement le matin au premier trimestre avant d’augmenter progressivement la durée au cours de l’année scolaire. Mais fin 2024, la demande est finalement refusée. « On nous a répondu que ce n’était pas possible car l’AESH de notre fils est seulement à 50 %, fulmine la maman. Dans sa notification, la MDPH atteste pourtant qu’il peut bénéficier d’une AESH à temps complet donc à quoi sert leur avis s’il n’est pas écouté. »

Battante, Camille n’a rien lâché et à force « de harceler les gens », elle a finalement réussi à augmenter le temps de scolarité de son fils. « Je n’en suis pas très fière car j’ai peut-être pris une AESH à un autre enfant mais il n’y a que comme ça qu’on arrive à avoir quelque chose, c’est malheureux », indique cette infirmière. Comme Lucas, son fils est cependant toujours privé de cantine. « On emploie à nos frais une aide à domicile qui s’occupe de Samuel le midi et le ramène ensuite à l’école », souligne la maman, toujours « sans nouvelle » du dispositif prévu pour son fils à la rentrée. « Il faut faire preuve de résilience quand on est parent d’un enfant en situation de handicap », concède Florine, espérant de tout cœur que le retour en classe de son fils sera « la lumière au bout du tunnel. »