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Pourquoi Taylor Swift et Travis Kelce incarnent le couple américain idéal ?

Un post qui a fait l’effet d’une bombe sur Instagram ! 14 millions de likes en une heure, 1 million de partages en six heures… Une annonce qui aurait même provoqué une baisse de productivité aux États-Unis ! La photo du champion de football américain Travis Kelce, un genou à terre devant la superstar de la pop, Taylor Swift rayonnante, dans un cadre idyllique est devenu presque instantanément mythique. Tout comme la légende qui l’accompagne, se jouant de leur statut iconique « Ta prof d’anglais et ton prof de gym se marient ! » Peu importe si le diamant au doigt de la chanteuse, signé Artifex Fine Jewelry, est estimé à 550.000 dollars !

« Le mythe est un système de communication, c’est un message », analysait Roland Barthes dans Mythologies. Même Donald Trump a félicité les futurs mariés, sans doute parce que Taylor Swift et Travis Kelce incarnent toute une série de mythes américains, sacrés, au pays de l’Oncle Sam.

Le mythe « les opposés s’attirent »

Si Taylor Swift se qualifie de « professeur d’anglais » dans leur post conjoint, c’est parce qu’elle est perçue comme une poétesse de la musique pop, une intellectuelle réputée pour ses textes inspirés d’Aristote et de ses expériences personnelles. Tout l’opposé de Travis Kelce, « le professeur de gym », un athlète jovial et « bro-ish », triple vainqueur du Super Bowl avec les Kansas City Chiefs. Taylor Swift a même écrit une chanson So High School sur son album The Tortured Poets Department (2024), qui célèbre leurs différences : « You know how to ball, I know Aristotle » (« Tu sais jouer au ballon, je connais Aristote »).

L’origine de ce mythe est souvent attribuée à une interprétation simplifiée du magnétisme : les pôles opposés d’un aimant s’attirent. Si les recherches en psychologie sociale tendent plutôt à démontrer que les personnes sont attirées par celles qui leur ressemblent, le mythe des « opposés s’attirent » est profondément ancré dans le cinéma, les séries et la littérature américaine. Pensez aux films comme Grease (Sandy et Danny) ou Pretty Woman (Vivian et Edward) par exemple.

L’idée que deux personnes de milieux, de personnalités ou de classes sociales totalement différentes peuvent tomber amoureuses symbolise l’idéal du Rêve américain. Il suggère que le destin n’est pas prédéterminé et valorise l’unicité de chaque individu. Le mythe des « opposés s’attirent » reflette le romantisme américain qui préfère les récits de dépassement de soi et de transformation, où l’amour n’est pas une simple compatibilité, mais une force capable de surmonter tous les obstacles.

Le mythe du « self-made-man » et du « power couple »

Taylor Swit et Travis Kelce représentent aussi l’idéal américain du succès mérité. Bien que les médias aient parfois présenté son enfance comme étant celle d’une « fille de la ferme », Taylor Swift a grandi dans une famille assez aisée. Ses parents ont travaillé dans la finance et la famille a eu les moyens s’installer dans une banlieue de Nashville, dans le Tennessee, afin de soutenir ses ambitions dans la musique country. Mais la chanteuse n’est ni une nepo baby comme Zoë Kravitz, ni une héritière comme Paris Hilton.

Elle a la réputation d’avoir fourni un travail acharné pour devenir la musicienne la plus riche du monde avec une fortune estimée à 1,6 milliard de dollars, selon Forbes. A la différence d’une Rihanna, qui s’enrichit surtout grâce à ses marques lifestyle, Taylor Swift est devenue milliardaire uniquement grâce aux revenus de ses tournées monumentales et à la valeur de son catalogue musical.

Travis Kelce, fils d’un représentant commercial dans l’industrie sidérurgique et d’une cadre bancaire, est l’un des meilleurs tight ends de l’histoire de la NFL (National Football League). En 2024, il était le 7e joueur le mieux payé de la NFL. En 2025, son salaire devrait dépasser les 100 millions de dollars. Ses contrats avec de grandes marques comme Nike, Bud Light, State Farm, Pfizer et d’autres lui rapportent environ 35 millions de dollars par an. Avec son frère Jason, il anime le podcast « New Heights », qui a signé un accord de 100 millions de dollars sur trois ans avec Amazon. Il a des entreprises et des investissements, y compris la co-création d’un restaurant de grillades.

Leurs réussites dans leur domaine respectif fait d’eux des ambassadeurs du mythe du self-made-man et de la self made woman. Leur union, qui réunit deux mondes influents, la musique et le sport a boosté les audiences de la NFL, faisant d’eux un « power couple » (« couple puissant ») à la manière de Beyoncé et Jay-Z.

Le mythe de la « fille mal aimée » qui flirte avec le capitaine de l’équipe de foot

Avant d’être une icône mondiale, Taylor Swift s’inscrit dans l’imaginaire collectif comme la « fille mal aimée », l’adolescente outsider moquée qui va gagner en popularité grâce à une transformation (comme devenir pom-pom girl ou en l’occurrence une icône de la pop). Adolescente, elle a confié avoir été ostracisée à l’école en Pennsylvanie, à cause de sa passion pour la country. Dans ses chansons comme You Belong With Me (2008), elle se dépeint en fille ordinaire rêvant du garçon populaire.

Travis Kelce correspond parfaitement à l’archétype du « capitaine de l’équipe de foot » du haut de ses 1,96 m et ses 113 kg. Sa personnalité extravertie et son rôle de leader sur le terrain renforcent ce stéréotype. Son geste initial – tenter de donner un bracelet d’amitié à Swift lors d’un concert de l’Eras Tour en 2023 – est digne d’une comédie romantique adolescente.

En portant des tenues aux couleurs de l’équipe de Travis Kelce dans les gradins des matchs, elle convoque l’image symbolique de la « fille mal-aimée » qui devient la reine des pom-pom girls en se mettant en couple avec le capitaine de l’équipe de foot. Un trope, fondateur dans la culture pop américaine. Pensez aux films comme Pretty in Pink, She’s All That ou Mean Girls ou aux séries comme Riverdale ou Friday Night Lights. Ce n’est pas un hasard, si Taylor Swift a choisi sa chanson High School – « le lycée » en anglais – pour accompagner la mise en scène de l’annonce de ses fiançailles.

L’histoire de Taylor Swift et Travis Kelce emprunte au mythe tout en le subvertissant. Elle n’est pas une outsider cherchant l’approbation mais une superstar mondiale. Il n’est pas un capitaine dominateur, mais il célèbre le succès phénoménal de sa partenaire : « She’s the biggest star in the world, I’m just happy to be along for the ride » (« Elle est la plus grande star au monde, je suis juste heureux d’être là pour l’accompagner. ») Le couple joue sur ces archétypes (la fille intello et le sportif populaire) tout en les modernisant avec humour et progressisme.

Le mythe du « conte de fées »

Leur romance a tous les ingrédients d’un conte de fées moderne qui mêle harmonieusement les valeurs traditionnelles et modernes. Les photos de l’annonce de leurs fiançailles sont dignes d’un happy end hollywoodien. Le jardin dans lequel le couple prend la pose est une sorte de jardin d’Eden romantique.

Sur la seconde photo, la chanteuse touche le visage de Travis Kelce avec sa main gauche (l’anneau doit être visible), il la tient par la taille. Le flou du fond isole le couple et dit « nous contre le reste du monde », renforçant le mythe couple uni face à la pression médiatique. La troisième image est un gros plan sur l’anneau, symbole de l’engagement, mais aussi une manière d’affirmer leur richesse et leur statut…

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L’ensemble du carrousel, de la demande à l’union, constitue un système sémiologique cohérent : un mélange de naturel (jardin) et d’artifice (décor floral élaboré), signifiant une romance authentique, mais mise en scène pour le public. Travis Kelce et Taylor Swift, et leurs 33 millions de likes, perpétuent ainsi le mythe de l’amour triomphant à la fin des contes de fées. Qui peut résister à ça, au pays de Disney ?