Chaleur, sécheresse… Quels sont les indices qui montrent que votre jardin est (trop) fatigué ?

Feuilles jaunies voire complètement desséchées, chèvrefeuille qui tire la tête, pommes qui tombent déjà de l’arbre… Si vous avez un jardin (ou un balcon), vous avez peut-être observé ces signes depuis quelques semaines en raison de la sécheresse et des vagues de chaleur qui ont frappé la France, dont la dernière, du 8 au 18 août, est la plus longue pour un mois d’août depuis 2003. Quand est-ce que la situation devient critique ? Y a-t-il possibilité d’aider son jardin à s’adapter face au réchauffement climatique causé par les activités humaines et qui provoque des vagues de chaleur plus intenses et plus fréquentes ?
Avec des seuils de 40 °C souvent dépassés dans le Sud, « on peut avoir chez certaines espèces des brûlures sur les feuilles qui vont amener au dessèchement de ses tissus, explique Isabelle Chuine, écologue et spécialiste de l’impact du changement climatique sur la biodiversité. Les fortes chaleurs augmentent l’évaporation de l’eau du sol et la transpiration des plantes. La perte d’eau dans les tissus fait que les cellules ne sont plus turgescentes. »
La plante va d’abord s’affaisser, se flétrir, en raison de ce manque d’eau, puis se dessécher et passer d’une couleur verte à marron. Cela est visible dans les jardins, mais aussi dans les forêts, particulièrement dans le Sud-Ouest où les feuilles, en raison du stress hydrique, sont devenues jaunes, voire se dessèchent et tombent précocement.
La sécheresse de début août a, en outre, annulé « les bénéfices des quelques pluies qui s’étaient infiltrées en profondeur », note le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dans son bilan des nappes d’eau souterraines au 15 août. « La vidange des nappes phréatiques se poursuit », constate le BRGM, avec 40 % des points d’observation sous les normales mensuelles.
Un affaiblissement des plantes
Un état qui doit alerter pour Isabelle Chuine, qui a cofondé l’observatoire des saisons, un programme participatif surveillant la modification du cycle saisonnier. « Cela affaiblit beaucoup les plantes, souligne la directrice de recherche au CNRS, cela veut dire que la saison de croissance a été raccourcie. Les plantes n’ont pas acquis suffisamment de ressources. »
Avec la photosynthèse, détaille-t-elle, les plantes synthétisent des sucs qui sont ensuite métabolisés pour leur permettre de croître, mais aussi de créer des molécules de défense contre des pathogènes, des ravageurs, etc. Avec moins de réserves que d’habitude, « le moindre accident l’année suivante peut les tuer, car elles ne pourront plus résister ».
« Les fruits sont complètement bousculés »
Pour les arbres fruitiers, le jaunissement des feuilles fait bien sûr partie des signes de stress hydrique, auquel peut s’ajouter une chute prématurée des feuilles, des fruits ou des branches. « Les fruits sont complètement bousculés, souligne Eric Dumont, pépiniériste dans l’Aude et auteur de Les arbres fruitiers à l’épreuve du climat (à paraître le 8 septembre aux éditions de Terran). Ils n’atteignent pas, la plupart du temps, toutes leurs qualités organoleptiques, c’est-à-dire celles qui peuvent constituer un bon fruit au niveau gustatif. »
Le tronc de l’arbre peut aussi être touché par les brûlures. Dans le pire des cas, il peut être « complètement brûlé, finir par se nécroser, s’ouvrir et perdre en espérance de vie ». En prévention, Eric Dumont conseille de bien réfléchir à la provenance de l’arbre, sa qualité, la composition du sol.
Pailler, tailler pour soulager l’arbre
Et si les pommiers ou pruniers sont déjà plantés ? Tout n’est pas perdu : « Pour améliorer la qualité des arbres, il faut disposer d’un paillis d’environ 5 cm pour permettre aux pluies d’automne de pourvoir et de ne pas être tout de suite absorbées par la terre qui est en demande, explique-t-il. L’important, c’est aussi la taille, d’éviter des branches superflues pour soulager l’arbre. » Il déconseille l’arrosage pour les arbres fruitiers, car il aura tendance « à rendre les arbres un peu feignants », leur faisant développer un système racinaire en surface. Et l’été suivant, celui-ci se trouvera agressé par la chaleur du sol.
Avec l’automne et de nouvelles pluies, d’autres anomalies peuvent survenir comme une seconde floraison chez des plantes ou des fruitiers, voire des arbres qui refont des feuilles. « Mais ces feuilles ne vont pas avoir une durée de vie très longue, ce nouvel investissement aura très peu de retours », complète Isabelle Chuine.
Notre dossier sur le réchauffement climatique
Pour le verger, « il faut arrêter de croire comme avant que l’on peut planter n’importe quel arbre n’importe où, il faut apprendre à renoncer » si les conditions ne sont pas réunies, lance Eric Dumont, qui préconise aussi de choisir des variétés moins hâtives. « Pruniers et pommiers résistent bien, contrairement aux poiriers, très fragiles, et touchés par des maladies cryptogamiques, des champignons, des pucerons. » A l’avenir, pronostique-t-il, pêchers et abricotiers tireront leur épingle du jeu dans le nord de la France.

