France

En France, plus de 500 enfants de moins de 3 ans dorment dans la rue

C’est un constat qui désespère les associations : cette année encore, le nombre d’enfants qui dorment dans la rue a augmenté. Dans la nuit du 18 au 19 août, 2.159 enfants dont 503 de moins de 3 ans n’ont pu être hébergés en France par le 115, le numéro d’urgence qui vient en aide aux personnes sans abri, nous informe le baromètre Enfants à la rue 2025, réalisé par l’Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité (Fas).

Ces chiffres ont été obtenus après examen des près de 7.000 demandes non pourvues au 115, dont près des deux tiers étaient des personnes en famille. Ils révèlent une réalité cruelle : le nombre d’enfants de moins de 18 ans sans solution a augmenté de 6 % par rapport à 2024 et de 30 % depuis 2022. Le nombre d’enfants de moins de 3 ans qui n’ont pas pu obtenir de places d’hébergement d’urgence augmente encore plus vite, puisqu’ils sont 8 % de plus que l’an dernier et 37 % de plus qu’en 2022.

Evolution du nombre d'enfants de moins de 3 ans et de moins d'un an dont la demande au 115 est non pourvue (Demande Non Pourvue, ou DNP).
Evolution du nombre d’enfants de moins de 3 ans et de moins d’un an dont la demande au 115 est non pourvue (Demande Non Pourvue, ou DNP). - Baromètre Enfants à la rue 2025 / Unicef et Fédération des acteurs de la solidarité

Une situation sous-évaluée

Les régions les plus concernées sont l’Ile-de-France, l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Occitanie et les Hauts-de-France. Rien que dans le département de Paris, 552 personnes en famille n’ont pas trouvé de solution de logement via le 115 pour cette nuit du 18 au 19 août. Les deux départements qui sont ensuite les plus concernés sont la Seine-Saint-Denis (403 personnes en famille) et le Nord (328).

Un panorama d’autant plus inquiétant qu’il n’est pas exhaustif. De nombreuses personnes ne parviennent pas à joindre le 115. « Les mineurs non accompagnés sans abri et les familles vivant en squat ou en bidonville ne sont pas comptabilisés », précisent les associations. La situation dans les territoires d’Outre-Mer est par ailleurs largement sous-évaluée. D’après le rapport annuel 2025 de la Fondation pour le logement portant sur l’île de La Réunion, rien que sur ce territoire, plus de 1.000 enfants étaient sans solution de logement en 2024, dont plus d’un tiers étaient âgés de moins de 3 ans.

« Indignation »

Depuis des années, 20 Minutes s’est fait l’écho de ce triste tableau. En janvier 2023, nous vous révélions que l’Etat avait rejeté la requête d’une femme et de son bébé de trois mois seulement. Une situation qui s’est reproduite quelques mois plus tard pour un bébé de 11 jours seulement. Mi-août, près de 200 personnes, dont la moitié était des enfants selon l’association Utopia 56, ont été évacuées après avoir campé devant l’hôtel de Ville à Paris pour demander un hébergement d’urgence.

« Chaque année, nous constatons avec indignation qu’un nombre croissant d’enfants dorment dans la rue, exposés à des conditions de vie indignes et à des dangers quotidiens », s’inquiète Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France.

« Sous-budgétisation systématique »

Les causes de cette situation sont multiples, selon les associations. C’est d’abord, bien sûr, la saturation des dispositifs d’hébergement, même si des « efforts ont été consentis pour stabiliser le parc autour de 203.000 places », constatent-elles. Mais ce nombre reste, visiblement, « manifestement insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins et respecter les principes d’inconditionnalité et de continuité de l’accueil inscrits dans le Code de l’action sociale et des familles ». C’est ensuite une « sous-budgétisation systématique des crédits de l’hébergement en loi de finances initiale », disent l’Unicef et la Fas. Il manquait par exemple 250 millions d’euros pour maintenir le parc d’hébergement à hauteur de 203.000 places en 2025, selon ces organisations.

Mais la question du manque d’argent est un leurre, prévient Adeline Hazan : « Ce qui fait cruellement défaut aujourd’hui, ce ne sont ni les ressources, ni l’expertise mais bien une volonté politique ferme de mettre fin à l’inacceptable. » « Les pouvoirs publics doivent réagir », s’insurge Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation pour le logement et porte-parole du Collectif des associations pour le logement.

Le budget 2026, une échéance décisive

L’examen du budget 2026 est à l’aune de ces constats une échéance décisive. « Nous demandons au gouvernement et aux parlementaires de ne pas faire d’économie sur la dignité des enfants », exhortent les organisations, tout en rappelant à Emmanuel Macron son objectif de ne plus voir aucun enfant dormir dans la rue.

Pour cela, il faut augmenter le nombre de places d’hébergement, en inscrivant dans le projet de loi de finances pour 2026 la création de 10.000 places supplémentaires, préconisent les associations. Il faut aussi garantir le maintien de la capacité du parc d’hébergement actuel. Entre autres mesures, les organisations recommandent aussi la mise en place d’un observatoire national du sans-abrisme, sur le modèle de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE). Et d’associer les enfants aux travaux de ce nouvel organisme.