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Peau irritée, rouge ou sensible, acné, eczéma… Quels gestes beauté pour choyer son microbiome cutané ?

Qu’il est loin le temps du gel antibactérien Biactol et de la lotion purifiante Eau précieuse, produits fétiches des ados boutonneux des années 1980 ! Depuis une dizaine d’années, les scientifiques zooment sur les habitants qui squattent la première ligne de défense de notre corps et le plus grand organe du système immunitaire humain, la peau. Un petit monde impliqué dans bon nombre de problèmes de peau. Les conseils de Marie Drago, docteure en pharmacie et fondatrice de Gallinée, marque pionnière sur le microbiome cutané, pour une peau en bonne santé.

Microbiote, microbiome et barrière cutanée, késako ?

« J’ai lancé Gallinée il y a dix ans. A l’époque, on était les premiers à parler de bactéries de façon un peu positive », lance-t-elle. Depuis le lancement de sa marque, « la science a beaucoup avancé. On comprend mieux le fonctionnement du microbiome cutané : quelles bactéries jouent quel rôle ? Comment peut-on moduler plus qu’éliminer les bactéries pour régler les problèmes de peau », explique-t-elle.

Quelle différence entre microbiote et microbiome ? « Le microbiote cutané, ce sont petites bactéries de la peau. Et le microbiome, ce sont ces bactéries plus leur environnement. Et ça, c’est super intéressant parce qu’on parle de choses, comme le PH par exemple, qui aident les bactéries à survivre », vulgarise l’experte.

Troisième notion à capter, la barrière cutanée : « On a tendance à penser que c’est une barrière physique, mais en fait, c’est un ensemble de trois fonctions permettant à la peau de se défendre. La fonction physique, c’est-à-dire les cellules et les couches de lipides, qui empêchent physiquement, que, lorsque vous prenez un bain par exemple, l’eau ne rentre pas dans la peau. La fonction chimique, c’est-à-dire l’acidité de la peau qui empêche certains trucs d’attaquer la peau. Et la fonction immunitaire, gérée par le microbiome, c’est-à-dire la défense de la peau contre les infections, contre les mauvaises bactéries », détaille la scientifique.

Pourquoi prendre soin de son microbiome cutané ?

« Le microbiome cutané est très important pour tout ce qui est protection contre les infections parce qu’une mauvaise bactérie va pouvoir prendre la place si les bonnes ne sont plus là. Il a aussi un gros rôle dans l’éducation du système immunitaire. Quand il n’est plus là, la peau réagit à tout, tout le temps. C’est pour cela qu’on est inflammés tout le temps », rappelle Marie Drago.

Peau « réactive », « hyperactive », « irritable », « intolérante », « irritée », « hypersensible » ou encore « ultrasensible »… Le mal de peau devient aussi fréquent que le mal de dos. « Aujourd’hui, 70 % des Françaises déclarent qu’elles ont la peau sensible, 40 %, le cuir chevelu sensible… C’est le fait du microbiome. Si on prend soin de son microbiome, on réduit la peau sensible et on évite les deux grosses infections cutanées que sont l’acné, provoquée par la bactérie de l’acné et l’eczéma, causé par le staphylocoque doré », résume l’experte.

Les bons gestes pour une peau en bonne santé

Comment chouchouter notre peau une fois que l’on sait tout cela ? « La beauté commence à l’intérieur », estime Marie Drago. La scientifique rappelle que « l’influence du microbiome intestinal sur la peau est prouvée ». Tout commence donc par une bonne hygiène de vie.

Concernant la routine beauté, prendre soin de son microbiome consiste « surtout à préserver ce qui est là », résume la chercheuse. Les lavages trop fréquents ou notre mode de vie trop stérile participent à sa destruction. « Il faut commencer par se laver de façon moins agressive. Les petites bactéries à la surface de notre peau aiment la température de 25°, donc il faut éviter de prendre des bains trop chauds. Il faut aussi éviter les PH trop agressifs », recommande l’experte.

La devise pour préserver son microbiome est less is more… « Le matin, pas la peine d’en faire des caisses, on se lave simplement le visage à l’eau. La nuit est le moment propice pour que le microbiote se régénère. Le soir, on se démaquille – je trouve que le double nettoyage n’est pas très utile – avec des produits à PH neutre », conseille la scientifique. (Mousse Nettoyante Visage, Gallinée, 11 euros) Et d’ajouter, « quand vous avez un problème de peau, que ce soit de la sensibilité ou de l’acné, la première chose à faire, c’est de réduire la routine et de passer au plus minimaliste possible. »

En cas de déséquilibre du microbiome cutané, « au lieu d’essayer de tuer les mauvaises bactéries, l’idée est de nourrir les bonnes », recommande Marie Drago. On va les nourrir avec des prébiotiques « un nutriment qui va nourrir sélectivement les bonnes bactéries déjà présentes » et des postbiotiques – des composants issus des organismes vivants (biotique) après leur vie (post) – « le produit de bonnes bactéries, un métabolite ».

« Le probiotique, selon sa définition stricte, est une bactérie vivante, la législation européenne ne les autorise pas dans les cosmétiques. C’est difficile à maîtriser, une bactérie vivante dans un produit. Dans un produit cosmétique, on peut mettre des probiotiques désactivés, des bactéries tuées par la chaleur, qui ne se reproduisent plus », souligne la fondatrice de Gallinée.

Des cosmétiques respectueux du microbiome

« Les prébiotiques ont longtemps été utilisés sans le savoir en cosmétique », rappelle l’experte. « Notre best-seller, une lotion vinaigre destinée aux peaux sensibles ou acnéiques, a été inspiré par ma grand-mère, qui nettoyait absolument tout avec ! Les vinaigres sont des acides gras à chaîne courte, soit des post-biotiques extrêmement puissants et anti-inflammatoires », s’amuse Marie Drago.

La pharmacienne utilise « beaucoup l’inuline » de chicorée comme prébiotique ou « l’acide lactique » en postbiotique, qui « aide à hydrater la peau et en plus, cela fait descendre le PH de la peau ». « Notre crème hydratante visage, bourrée de prébiotiques, a été testée même sur les peaux qui font de l’eczéma », se félicite la fondatrice de Gallinée. (Crème Visage Universelle, Gallinée, les 40 ml, 32 euros).

De plus en plus de marques de cosmétiques prônent le respect du microbiome cutané. Méfiez-vous des termes marketing comme « probiotiques » si aucune précision n’est donnée sur la nature des actifs (inactivés, prébiotiques ou postbiotiques…) contenus dans le produit. Parmi les pionniers sérieux, citons La Roche-Posay, qui a développé un baume pour le corps qui rééquilibre le microbiome et réduit la formation du biofilm des staphylocoques pour les personnes sujettes à l’eczéma (Lipikar Baume AP + M, La Roche-Posay, tube de 200 ml, 18,90 euros) ou encore Uriage, spécialisé dans les soins pour peaux sèches et atopiques, qui utilise des probiotiques et des actifs comme l’eau thermale pour soutenir la barrière cutanée. (Gel crème Cica Daily, 40 ml, 23,90 euros).

Les bactéries sont le futur de la cosmétique

« Dans le futur, tout soin de la peau sera un soin de la peau microbiome » , assure Marie Drago. Et de développer : « Les bactéries de la peau ont un effet SPF très léger, de 2,5. C’est peu, mais pas nul. En fait, vos bactéries vous protègent un tout petit peu des effets du soleil. A l’avenir, on pourra sans doute utiliser ce genre de bactéries pour créer de nouveaux types de protection solaire et aller au-delà des filtres chimiques ou minéraux pour inventer des filtres bactériens. » Pour l’experte, cela s’étendra à tous les domaines de la cosmétique : « les soins pour les cheveux, l’hygiène intime, les dentifrices, qui deviennent de plus en plus microbiome-friendly », énumère-t-elle. Ne serait-ce pas cela le début de la vraie beauté naturelle ?