Don du sang : « Une victoire historique »… Les homosexuels ne seront plus fichés

Il reconnaît fièrement avoir été « le premier homosexuel à donner son sang à Nice en 2022 » et continue de le faire régulièrement. « Je le fais deux fois par an et j’alterne parfois avec un don de plaquettes ou de plasma », indique Erwann Le Hô. Un acte citoyen dont ce quadragénaire a longtemps été privé en raison de son orientation sexuelle. Au début des années 2000, alors qu’il était étudiant à Rennes, le coordinateur du centre LGBTQIA + Côte d’Azur avait ainsi découvert effaré qu’il ne pouvait pas donner son sang car homosexuel.
« Le médecin m’avait répondu ça sèchement et m’avait dit que ça ne servait à rien de me rendre dans un autre centre de l’Établissement français du sang [EFS] car ils avaient désormais mon nom et que je ne pourrai plus donner ailleurs, témoigne-t-il. J’avais trouvé ça d’une violence hallucinante à l’époque et j’avais passé mon après-midi à pleurer. Je pense d’ailleurs que cela a été un élément qui m’a poussé à devenir militant. »
Une pétition fait plier l’EFS
Depuis 1983, le don du sang était en effet interdit aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) au motif des risques de transmission du sida. Cette interdiction avait finalement été assouplie en 2016 à condition que les donneurs soient abstinents pendant un an, un délai passé à quatre mois en 2019, avant que cette condition ne soit définitivement supprimée en 2022. Rien ne s’opposant plus au don, la mention HSH présente dans le dossier des donneurs aurait alors dû être supprimée mais cela n’a pas été le cas malgré une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme en 2022.
Le 15 juillet, à l’initiative de l’association TOUS.TES, une pétition en ligne a ainsi été lancée pour réclamer la fin du fichage des homosexuels par l’EFS et le retrait des données personnelles pour se conformer avec le règlement général de protection des données (RGPD). Avec aujourd’hui plus de 16.000 signataires, la pétition a finalement réussi à faire plier l’organisme public de santé qui s’est engagé à supprimer « d’ici mi ou fin septembre » le plus gros des données et le reste d’ici fin 2025. « Comme la levée de ce critère était récente, il n’y a pas eu de volonté de supprimer immédiatement toutes ces données au risque qu’elles demeurent un jour nécessaires », a indiqué Sara-Lou Gerber, directrice générale déléguée de l’EFS, à nos confrères de Libération.
« Certains n’allaient pas donner leur sang »
Président de TOUS.TES, Romain François salue « une victoire historique pour le droit à la vie privée et à la dignité de milliers d’hommes homosexuels et bisexuels », rappelant que « la discrimination qui a eu lien pendant trente-neuf ans a fragilisé la confiance des personnes LGBT+ envers les institutions médicales. » Porte-parole et présidente de SOS Homophobie, Julia Torlet se félicite aussi de « la fin d’une discrimination. » « A cause de ce fichage, certains homosexuels n’allaient pas donner leur sang par peur d’être stigmatisés ou de subir des remarques déplacées ou traumatisantes, souligne-t-elle. La suppression de ces données va donc permettre une meilleure participation de ces personnes à la contribution générale et on ne peut donc que s’en réjouir. »
Pensant qu’il n’était plus fiché depuis 2022, Erwann Le Hô se réjouit également de la décision de l’EFS. Car rappelle-t-il, « la question du fichage des homosexuels est encore très traumatique chez nous et évoque les heures les plus sombres. » Si elle est « historique », Romain François évoque pourtant « une victoire en demi-teinte », son association réclamant une communication officielle de l’EFS sur la suppression de ces données et « un audit sur son respect de la réglementation RGPD. »
Julia Torlet s’interroge aussi sur ce qu’il est advenu des données des femmes lesbiennes qui étaient fichées jusqu’en 2002 et sur le fait que les hommes transgenres le soient toujours. « Les avancées sont positives mais il reste encore ces deux points de vigilance », conclut la militante.

