Mondiaux de badminton : « L’Asie doit avoir peur de nous »… Le bad français peut-il devenir une référence ?

La France a beau être reconnue pour son hospitalité, il était hors de question de voir nos petits bleus laisser leur place aux visiteurs du jour pour se faire lourder dès le premier tour des Mondiaux de badminton, qui se disputent jusqu’à dimanche à Paris. Pour leur entrée en lice ce lundi, Alex Lanier (7e mondial) et Christo Popov (10e) n’ont pas tremblé et continueront leur parcours à l’Adidas Arena, en attendant les débuts de Toma Popov (15e) mardi.
Avec l’espoir fou de décrocher la première médaille mondiale de l’histoire du bad masculin français. Irréaliste ? Pas tant que ça. Dans les abysses du circuit mondial pendant de trop longues et nombreuses décennies, la France a réussi à enfin émerger ces derniers mois, jusqu’à venir chatouiller, avec des guilis gentils, les invincibles joueurs asiatiques qui ont une raquette de badminton greffée à leur bras à la naissance.
Alex Lanier est ainsi devenu l’été dernier au Japon le premier Français vainqueur d’un Super 750 (l’équivalent d’un Masters 1000 en tennis), pendant que les frères Popov arrivent à intervalles plus ou moins réguliers à battre les meilleurs joueurs du monde. Autre chance de médaille à Paris, la paire de double mixte Thom Gicquel et Delphine Delrue, souvent inconstante, a remporté l’Open d’Indonésie (comme Grand Chelem du côté de la balle jaune) début juin. Historique.
« On est devenus assez bons pour qu’ils aient peur »
Suffisant pour faire claquer les genoux chinois, indonésiens et thaïlandais ? « Je ne pense pas, répond Alex Lanier. Ils nous ont vus progresser, ils savaient qu’on avait un bon potentiel, je pense qu’ils ont toujours été plus ou moins alertes et plus ou moins sur leur garde. A ce niveau-là, ils ne sont jamais trop à se dire “OK, lui, il est un peu plus fort parce qu’il est français.” » A tort, à en croire, Jeppe Ludvigsen, entraîneur danois des doubles français :
« « Je ne pense pas que l’Asie ait peur de nous, mais nous avons la chance d’être devenus assez bons pour qu’ils doivent avoir peur de nous. Quand on s’améliorera en simples et doubles dames, assez en tout cas pour battre des pays asiatiques, là ils devraient avoir encore plus peur de la France. » »
Si elle grignote petit à petit l’énorme retard qu’elle avait sur tous ces pays, qui envoient la grande majorité des participants à ces Mondiaux, la France a en revanche fait un gros rapproché sur le Danemark, la nation européenne n°1, qui abrite le double champion olympique Viktor Axelsen. Preuve de ce changement d’ère, lors des derniers championnats d’Europe, disputés… au Danemark, les Bleus ont fini avec huit médailles, dont deux titres. Mieux que leur hôte.
L’Europe avant le monde
« On est passé de la 20e à la 2e nation européenne, et on espère bien passer devant le Danemark, indique le Directeur technique national Cyrille Gombrowicz. Certes, le niveau européen est une étape, en quelque sorte, mais le challenge est d’atteindre le niveau mondial. On n’est pas encore au niveau de la Chine ou de la Corée, mais c’est notre objectif. Par contre, on est vraiment cités en exemple en matière de développement. »
Depuis quelques années, le travail mis en place par la Fédération française de badminton a porté ses fruits : meilleure structuration, meilleure détection des jeunes talents, meilleur encadrement (notamment à l’Insep). Et le pompon sur la Garonne : une augmentation nette du nombre de licenciés, notamment avec l’effet JO, qui a fait grimper les fous du volant de 15 % (241.000 au total). Suffisant pour devenir un pays qui compte dans le badminton mondial.
« Dans tous les tournois internationaux auxquels je me rends, tout le monde reconnaît l’énorme croissance du bad français, indique Kestutis Navickas, l’entraîneur lituanien d’Alex Lanier. C’est très prometteur. Il y a de plus en plus de joueurs, la popularité du sport grandit, et il y a des stars, ce qui aide la plus jeune génération à se développer et à avoir des modèles. La prochaine étape serait de créer davantage de joueurs de ce niveau. Ce n’est que le début. »
Objectif médaille à Los Angeles
Le début, car la belle génération actuelle s’habitue, peu à peu, à batailler régulièrement avec les meilleurs. Ce qui demande, une constance, une exigence, une mentalité différente. « Les joueurs français sont forts physiquement, mais nous devons aussi devenir plus forts mentalement, reprend le technicien. Il faut beaucoup de temps pour construire cette mentalité, pour comprendre que tu peux évoluer avec les meilleurs du monde, pour te prouver à toi-même que tu peux les battre encore et encore. »
Le temps, la France en a. Avec la jeunesse d’Alex Lanier (20 ans), Christo Popov (23 ans), Toma Popov (26 ans), Delphine Delrue et Thom Giquel (26 ans), le bad tricolore a encore quelques années pour grandir, avec comme objectif de ramener la première médaille olympique de son histoire lors des Jeux de Los Angeles en 2028.
« Bien sûr, si on peut déjà décrocher une médaille à Paris, ce serait vraiment extraordinaire pour booster en plus la rentrée, assure Cyrille Gombrowicz. Mais le challenge c’est d’atteindre le niveau mondial et donc de faire comme les paralympiques, d’aller chercher une médaille olympique chez les valides à Los Angeles. » On verra si l’accueil américain est à la hauteur de celui proposé par les Français.

