Pourquoi on ne peut pas renvoyer dans son pays l’ambassadeur des Etats-Unis

Dans une lettre adressée à Emmanuel Macron, l’ambassadeur des Etats-Unis en France, Charles Kushner accuse le président français de ne pas faire grand-chose pour lutter contre l’antisémitisme. Une sortie qui n’a pas plu, mais alors pas du tout, au chef de l’Etat, lequel a convoqué l’intéressé pour lui taper sur les doigts. Une convocation chez le principal et un mot dans le carnet. C’est tout. Parce que, même s’il pouvait être renvoyé, Charles Kushner à un presque « beau-papa » très influent qui le met à l’abri de sanctions plus sévères.
Les relations diplomatiques entre les Etats sont encadrées, depuis 1961, par la convention de Vienne, du moins pour ceux qui ont signé le texte. L’idée étant qu’accorder certains privilèges et une large immunité aux diplomates favoriserait « l’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentant des Etats », avance ladite convention dans son préambule.
Un ambassadeur « persona non grata » ?
Ainsi, par exemple, un diplomate américain en poste en France « jouit de l’immunité de la juridiction pénale » française. « Il ne peut être soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention », comme le précise l’article 29 de la convention. Et l’immunité reste applicable même si le diplomate est pris en défaut de son obligation de « respecter les lois et règlements » de l’Etat où il est en poste souligne l’article 41.
Pour autant, un diplomate qui fait des bêtises peut quand même être « puni ». Dans le cas de Charles Kushner, accusé de « s’immiscer dans les affaires intérieures » de l’Etat, ce qui lui est interdit par l’article 41 de la convention de Vienne, Emmanuel Macron est en droit de le déclarer « persona non grata » en France. Une démarche qui se fait d’Etat à Etat et qui ne nécessite aucune justification. Il ne sera pas expulsé de France, mais les Etats-Unis seraient dans l’obligation de le rappeler ou de mettre fin à ses fonctions.
« Ce n’est pas envisageable »
« A ce stade, ce n’est pas envisageable », affirme Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales. « Qu’un ambassadeur des Etats-Unis soit déclaré persona non grata en France n’est jamais arrivé, et c’est d’ailleurs inimaginable aujourd’hui », ajoute-t-il. Parce que, si la chose est possible techniquement, elle est plus compliquée à envisager diplomatiquement. « Cela équivaudrait à une rupture avec Trump et il serait très compliqué pour la France de renouer des liens avec lui après ça », explique l’expert.
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Parce que, clairement, il ne s’agit pas d’une sortie personnelle de l’ambassadeur des Etats-Unis en France mais de « diplomatie de la mauvaise foi de la part de Washington », estime Bertrand Badie. En effet, selon lui, la lettre de Charles Kushner a été dictée par Washington « et un peu aussi par Israël ». Et, en somme, déclarer le diplomate persona non grata reviendrait à déclarer Donald Trump persona non grata. Et ça, c’est quelque chose que la France n’est pas prête à faire. « Alors on passe par l’étape de la convocation de l’ambassadeur. La seconde étape serait de rappeler l’ambassadeur de France aux Etats-Unis », avance l’expert. Deux façons de taper du poing sur la table tout en évitant la rupture.

