France

Rentrée scolaire : « De plus en plus de parents envisagent une école alternative »… L’essor des pédagogies hors contrat

Montessori, Freinet, Steiner, « écoles démocratiques »… Elles fleurissent partout en France et séduisent de plus en plus de parents inquiets par les imperfections du système scolaire classique. Mais derrière l’image d’épanouissement et de pédagogies innovantes, ces écoles, souvent privées et hors contrat, posent la question de leur coût, de leur efficacité… et de leurs limites.

« De plus en plus de parents envisagent une école alternative », constate le pédopsychiatre Stéphane Clerget. Pour lui, ce choix naît moins d’une adhésion aux méthodes Montessori ou Freinet que d’une méfiance vis-à-vis de l’école traditionnelle. Classes surchargées, pression scolaire, souvenirs douloureux ou inquiétude sur la baisse du niveau alimentent ce rejet. « Ce sont souvent des parents qui ne recherchent pas le meilleur niveau académique, mais priorisent le bien-être de leur enfant », ajoute le médecin.

Des parents en quête d’autre chose

Ces structures séduisent aussi les familles dont les enfants sont hypersensibles, précoces ou porteurs de troubles autistiques. « Ils y sont plus écoutés, plus protégés », observe le spécialiste. Et les parents trouvent une place plus active : plus de lien, plus d’informations que dans le public.

Montessori valorise l’autonomie, avec du matériel concret et un rythme individualisé. Freinet s’appuie sur des projets collectifs, des journaux scolaires, une vie démocratique en classe. Steiner privilégie activités manuelles et artistiques, mais reste controversée pour ses fondements spirituels. Enfin, l’« école en forêt », popularisée après le Covid, mise sur l’enseignement en extérieur.

« Remettre les enfants au cœur »

Toutes partagent une philosophie : respecter le rythme de l’enfant, privilégier coopération et créativité plutôt que compétition. Mais elles fonctionnent sur de petits effectifs, parfois 10 à 15 enfants pour deux éducateurs, ce qui rend l’expérience coûteuse et difficile à généraliser.

À Lyon, l’« École des savoirs partagés » vient d’ouvrir. « Notre axe, c’est l’épanouissement et l’émancipation des enfants », explique Robin Purgus, membre de l’équipe pédagogique. Inspirée de Freinet et de pédagogies critiques, l’école propose plans de travail hebdomadaires, entraide entre élèves, projets collectifs l’après-midi. « L’idée est de remettre les enfants au cœur de leurs apprentissages, de les responsabiliser dans un cadre collectif », ajoute-t-il.

L’école se veut inclusive, avec des frais de scolarité « évolutifs » allant de 1.500 à 8.500 euros par an selon les revenus. « On vise une certaine mixité sociale », promet l’équipe.

Un choix qui reste élitiste

Car le frein majeur reste bien le coût. « Montessori à Paris, c’est 8.000 euros par an », rappelle Stéphane Clerget. La majorité de ces écoles sont privées hors contrat, sans financement public. Et leur cadre peut paraître flou : pas de programme strict, peu d’évaluations, enseignants pas toujours formés, il suffit d’un bac pour ouvrir une école.

Fleur, maman d’une enfant TSA, a choisi une école alternative après un passage douloureux dans le public : « Elle pleurait, vomissait le matin avant d’aller à l’école. Dans l’alternatif, elle a retrouvé le sourire. » Mais aujourd’hui, elle nuance. « Ce n’est pas un modèle parfait. C’est cher, il y a parfois des adultes qui ne sont pas exemplaires, et ça ne remplace pas certaines ressources d’un collège classique. »

Les écoles alternatives ont le mérite de proposer des idées neuves et inspirent même l’Éducation nationale. « L’école publique s’est nourrie de Freinet, aujourd’hui elle s’inspire de Montessori », rappelle Stéphane Clerget. Mais leur multiplication attire aussi des acteurs guidés par un intérêt financier, notamment pour les enfants « dys » ou précoces.

« Un enfant équilibré supporte bien l’éducation classique », souligne le pédopsychiatre. Pour les autres, ces écoles peuvent être une bouée. Mais elles restent réservées à des familles capables de payer, avec peu de mixité sociale. Un modèle porteur d’espoir… et de business.