M6 : « Avec les fake news qui pullulent, le métier de journaliste devient capital », souligne Xavier de Moulins

Le 30 août 2010, Xavier de Moulins présentait son premier « 19.45 » sur M6 en tant que titulaire. Ce lundi 25 août, le journaliste, qui a fêté son 54e anniversaire début juillet, entamera sa quinzième saison aux commandes du journal du soir de la sixième chaîne. Pour l’occasion, il accorde à 20 Minutes un entretien.
Une quinzième rentrée, c’est une rentrée comme une autre ?
C’est une rentrée comme une autre, mais il est vrai que quand j’y pense, je me dis « Ah ouais, quand même, quinze ans… ». Le temps de l’info fait perdre la notion du temps, tout passe en un claquement de doigts.
Quel est l’événement, le moment, qui vous a le plus marqué professionnellement depuis 2010 ?
Il y en a énormément mais, spontanément, je pense aux attentats du 13-Novembre, au Bataclan, à l’attentat contre Charlie Hebdo et à la marche qui a suivi.
C’est là que l’on prend conscience de l’importance du métier de journaliste ?
Il n’est pas nécessaire qu’un attentat se produise pour se rendre compte qu’il est important d’informer les gens. C’est surtout une question de responsabilité. Ce sont des moments solennels, qui sont plus durs à vivre car on ne sait jamais quand ça va s’arrêter.
Si vous aviez un souhait à formuler pour cette quinzième saison, quel serait-il ?
J’aimerais bien que la planète aille mieux, pour faire moins d’ouvertures thématiques disant combien le monde est en train de partir en toupie. Mais je sais que mon souhait est un vœu pieux et que tout cela va plutôt se multiplier. Cet été, l’Europe a subi les fortes chaleurs et on assiste à une croissance exponentielle des intempéries.
L’actualité, ces dernières années, est particulièrement anxiogène et peut inciter une partie du public à se détourner des journaux…
Un grand nombre de personnes préfère ne pas regarder les infos, se mettre la tête dans le sable. L’époque est difficile, cependant il faut aussi avoir un œil bienveillant, se connecter au monde, aux citoyens, montrer des gens qui se bougent pour les autres. Mais, le cerveau a tendance à retenir davantage le négatif. Et puis la technologie évolue, on assiste à la disparition de la vérité au profit de ce qui est appelé la « vérité alternative », on fait effectuer des tâches à des intelligences artificielles. Le journalisme, c’est l’inverse de cela.
Le « 19.45 » recourt cependant à certains aspects de l’évolution de la technologie…
Oui, on utilise le virtuel, par exemple, pour vous faire entrer dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche. C’est le côté positif de l’information qui s’adapte à la technologie pour capter l’attention des gens. On utilise différentes couches d’informations, qui apparaissent sur le plateau, sur l’écran derrière moi.
Le métier de journaliste est en perpétuelle évolution. Comment a évolué le « 19.45 » ?
Aujourd’hui, les gens n’attendent plus le journal télévisé pour être informés des faits marquants de la journée. Au « 19.45 », on approfondit les choses, on livre des clés de compréhension du monde, on donne de quoi permettre au public de se faire une opinion. Avec les fake news qui pullulent, notre métier devient capital.
La défiance des citoyens envers les médias est grandissante. Comment y remédier ?
Il faut être le plus scrupuleux possible, traquer la moindre erreur éventuelle. On nous pardonne de moins en moins. Quand le mal est fait, il est fait. Le travail fourni doit être de qualité. Le « 19.45 » se fait avec une super rédaction. On se connaît bien, on forme de jeunes éléments chaque année, ce qui apporte un bon équilibre. C’est une aventure humaine. Une rédaction, c’est un ensemble vivant.
Thierry Ardisson, auquel vous avez succédé à la présentation de « Paris Dernière » en 2006, est décédé cet été. Que garderez-vous de lui ?
J’ai travaillé quatre ans sur « Paris Dernière », c’est toute une époque. Thierry Ardisson, en télévision, mais aussi en tant que publicitaire, a été un créateur, d’une inventivité totale. J’ai eu la chance de travailler avec lui et avec Marc-Olivier Fogiel, à une période où, entre eux, ce n’était pas vraiment le grand amour. J’ai travaillé aussi à Béatrice Ardisson. Je pense beaucoup à elle et aussi à Audrey [Crespo-Mara], et à leurs enfants.
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Vous avez publié près d’une douzaine de romans. Le premier, Un coup à prendre, a paru en 2011, soit un an après votre première saison de titulaire à la présentation du « 19.45 ». Ces deux activités sont complémentaires pour vous ?
J’écris depuis mon plus jeune âge. Il est vrai que j’ai commencé à être publié à peu près au moment où j’ai commencé la présentation du « 19.45 ». Ça s’est fait comme ça. Comme je l’ai dit, le journalisme est un sport d’équipe. Au « 19.45 », je suis le locataire de mon poste, j’incarne le travail de la rédaction. L’écriture, c’est de l’individualité pure, même si j’échange avec des éditeurs. Mais c’est un autre mouvement, c’est le jour et la nuit, le fracas du monde d’un côté, et l’intimité de l’autre. C’est une sorte de double vie assumée. L’une nourrit l’autre.

