Le premier jugement aux peines alternatives au Maroc rendu par un tribunal à Agadir

Le tribunal de première instance d’Agadir a rendu, vendredi dernier, le tout premier jugement appliquant les peines alternatives, une décision qualifiée d’historique dans le parcours de la justice pénale au Maroc. L’affaire concernait un dossier correctionnel en flagrant délit lié à la participation au commerce illégal d’alcool. Le tribunal a condamné l’accusé à deux mois de prison ferme et à une amende de 500 dirhams, avec la possibilité de remplacer la peine d’emprisonnement par une contribution de 300 dirhams par jour, dans la limite de 18.000 dirhams. Bien qu’il s’agisse d’un jugement rendu en première instance, cette décision constitue la première application effective de la loi n°43.22 relative aux peines alternatives, entrée en vigueur le 22 août 2025, près d’un an après sa publication au Bulletin officiel.
Un guide pratique pour les magistrats
Dans le préambule présentant le guide, le président du Ministère public et procureur général du Roi près la Cour de cassation, Hicham Ballaoui, a précisé que ce document accompagnait la mise en application de la loi 43.22 et de son décret d’exécution, opérationnels depuis le 22 août 2025. Il a souligné que ce guide s’inscrivait dans la dynamique réformatrice de la justice pénale marocaine, en conformité avec les orientations exprimées par S.M. le Roi Mohammed VI dans Son discours du 20 août 2009 à l’occasion de la Fête de la Révolution du Roi et du Peuple.
Vers une nouvelle politique pénale
M. Ballaoui a rappelé que ce Discours Royal insistait sur la modernisation du système juridique, l’adoption d’une politique pénale adaptée aux évolutions sociales et l’introduction de mécanismes alternatifs en matière de justice criminelle tels que la médiation, la conciliation, l’arbitrage et les peines alternatives. Publié le 1er août 2025, ce document de 257 pages se veut un outil de référence pratique. Composé de quatre parties, il présente une définition détaillée des peines alternatives, leurs différentes catégories, ainsi que les infractions concernées ou exclues. Il propose également des orientations concrètes sur les modalités de proposition, de mise en œuvre et de suivi de ces peines.
Objectifs multiples : réinsertion et désengorgement
M. Ballaoui a affirmé, dans sa présentation, que les peines alternatives constituaient une innovation législative majeure, capable de renforcer les mécanismes de dissuasion et de réhabilitation au sein de la justice pénale nationale. Il a toutefois insisté sur le fait que la réussite de cette réforme exigeait l’adhésion totale et responsable des magistrats du Ministère public et de l’ensemble des acteurs concernés, afin d’atteindre les objectifs fixés et de répondre aux attentes exprimées par le Souverain en matière de modernisation et d’efficacité de la justice.
Des conditions précises pour leur adoption
L’examen du contenu du guide montre que ce document ne se limite pas à une explication théorique des peines alternatives : il inclut également des modèles d’application, des exemples pratiques et des comparaisons avec des expériences internationales, afin d’en faire un outil opérationnel entre les mains des magistrats. Le document établit par ailleurs une série de conditions préalables à toute décision de substitution d’une peine alternative à une peine privative de liberté. Selon ce guide, les juridictions doivent ainsi vérifier la personnalité du condamné, ses antécédents judiciaires, la gravité des faits reprochés et la nécessité de garantir les droits des victimes. Les peines alternatives ne doivent en aucun cas devenir un moyen d’échapper à la sanction.
Mise en œuvre et suivi strict
Lorsqu’un magistrat opte pour une peine alternative, le document décrit un processus clair en cinq étapes. Il s’agit d’abord de la proposition de la peine alternative par le parquet ou le tribunal. Le jugement doit ensuite préciser la nature, la durée et les conditions de la peine, avant que le dossier ne soit transmis au juge chargé de l’application des peines pour en contrôler la bonne exécution. Un suivi doit ensuite être assuré à travers des rapports réguliers rédigés par les autorités compétentes. Sur la base de ces rapports, la justice peut décider de réviser ou d’annuler la peine en cas de manquement du condamné à ses obligations. Le guide souligne en outre que le juge de l’application des peines est tenu de recevoir des rapports mensuels et dispose du pouvoir d’adapter la sanction, de la remplacer ou de revenir à l’emprisonnement en cas de violation des conditions fixées.
Une réforme à portée sociale et économique
En définitive, cette réforme vise bien plus que la désaturation des prisons : elle ambitionne de limiter la récidive, de favoriser la réinsertion des condamnés et de contribuer à la modernisation de la politique criminelle du pays. Elle représente un tournant dans la manière d’appréhender la sanction pénale, en conciliant protection de la société, droits des victimes et réhabilitation des individus.


