Maroc

Tafraout fait rayonner une ruralité vivante et résolument tournée vers l’avenir

. C’est une véritable source de motivation et d’inspiration. Ici, je vends des produits cosmétiques du terroir, mais ce que je reçois en retour va bien au-delà : je repars avec une énergie nouvelle», confie Aïcha, artisane venue de

, les yeux brillants, vêtue d’une élégante Addal blanche, tenue traditionnelle emblématique de sa région. Sa tente, soigneusement installée au cœur de la place centrale de Tafraout, se fond dans un espace d’exposition riche de plus de soixante stands, où se côtoient artisanat local, produits du terroir et savoir-faire ancestraux. Un véritable espace de transmission et de rencontre entre générations, traditions et innovations.

À travers les mots de Aïcha se dévoile une réalité partagée par nombre d’exposants et de visiteurs : un attachement profond au territoire, une fierté discrète mais puissante, et une ruralité vécue comme un moteur de vie et de création. C’est cet esprit que célèbre depuis 17 ans le Festival Tifawin, dont l’édition 2025 s’est tenue du 7 au 17 août sous le thème évocateur «Pour une ruralité animée». Organisé par l’Association Festival Tifawin, en collaboration avec les communes territoriales d’Ammelne et de Tafraout (province de Tiznit), l’événement a une fois de plus transcendé sa dimension festive pour devenir un véritable manifeste collectif : celui d’une ruralité forte, dynamique, résiliente et plus que jamais tournée vers l’avenir.

Une programmation plurielle à l’image d’un territoire riche

Au fil des dix jours du festival, la ville de Tafraout a vibré au rythme des troupes folkloriques, des concerts d’artistes amazighs émergents, des contes et des ateliers de transmission du savoir-faire local. À cela se sont ajoutés des forums, des débats citoyens et des activités culturelles originales. Cette édition n’a pas manqué de profondeur, notamment grâce à la tenue de la 10ᵉ Université rurale Mohammed Khair Eddine et du forum «Inmouda», centrés sur la migration comme phénomène façonnant les traditions rurales. Ces temps forts ont confirmé le rôle du festival comme espace de réflexion, d’échange et de production de sens, où s’élaborent des réponses aux mutations contemporaines du monde rural. Loin d’être un simple spectacle, cette programmation éclectique avait pour objectif de mettre en lumière le potentiel immense des régions rurales, et notamment celui du Souss, qui allie traditions séculaires et innovation sociale. En cela, le choix du mot «Tifawin», signifiant «lumières» en amazigh, prend tout son sens : il s’agissait bien ici d’éclairer les richesses d’un monde rural, souvent laissé dans l’ombre, mais qui sont au centre des dynamiques de demain.

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La ruralité, non pas un héritage figé mais un avenir à construire

Trop souvent perçue à travers un prisme réducteur – celui du retard, de l’isolement, voire de la pauvreté –, la ruralité trouve à Tafraout une tout autre signification. Ici, elle est source d’identité, levier de créativité et pilier de développement. Comme le souligne Lhoucin Alihsyni, président de l’association organisatrice du festival : «La ruralité est avant tout un état d’esprit qui nourrit la mémoire collective et inspire les nouvelles générations». Cette déclaration résonne dans tous les recoins du festival. Les ruelles de Tafraout se sont transformées en galeries d’art à ciel ouvert, les montagnes ont vibré au son des chants amazighs, et les senteurs de l’huile d’argan, du safran ou des amandes grillées ont enveloppé les passants dans une ambiance unique. Ainsi, le rural n’est plus perçu comme un ailleurs lointain, mais comme «un espace vivant, créatif, au cœur des préoccupations contemporaines», précise Lhoucin Alihsyni.

Il convient de préciser aussi que d’après les organisateurs, la 17e édition du festival a connu une légère baisse de fréquentation par rapport aux années précédentes. Selon M. Lhoucin Alihsyni, deux facteurs peuvent expliquer cette situation : une vague de chaleur exceptionnelle, conjuguée à un décalage du calendrier – le festival ayant été avancé à la première semaine d’août, période où beaucoup de familles n’avaient pas encore entamé leurs congés. Mais ces circonstances n’ont rien changé à l’énergie de l’événement. Bien au contraire. D’ailleurs, les organisateurs avaient anticipé cette légère baisse et avaient, en amont, décidé d’allonger la durée du festival à 10 jours (au lieu de 5 jours) – une décision saluée par les visiteurs comme par les exposants. «Ce choix stratégique a permis aux artisans et producteurs locaux de rentabiliser davantage leur participation, et de s’adapter au rythme variable des vacanciers», explique Chehmat Yassir, vice-président de l’association.

Une dynamique collective au service du développement local

L’un des éléments les plus marquants de cette édition reste l’engagement de toute une communauté. Autorités locales, société civile, commerçants, jeunes bénévoles… Tous ont uni leurs efforts pour faire du festival un succès. Cette mobilisation témoigne d’un attachement profond à la région, mais aussi d’une vision partagée de la ruralité comme levier de développement durable. «Ce festival, c’est bien plus que des spectacles. C’est un outil de promotion du tourisme, un levier de développement, mais aussi un espace d’expression pour notre jeunesse», affirme Chehmat qui occupe également le poste de président du Conseil provincial du développement touristique de Tiznit. Justement, la jeunesse locale joue un rôle central dans cette dynamique. Le Festival Tifawin est animé par une équipe de jeunes de la région, dynamiques et engagés, convaincus que leur héritage culturel peut devenir un moteur de transformation. Leur rôle dépasse largement celui d’organisateurs : ils sont les fers de lance d’une ruralité vivante, fière, ambitieuse et ouverte sur le monde.

Tafraout, patrimoine vivant et territoire de solutions

Le succès de ce festival ne tient pas seulement à sa programmation. Il repose aussi sur un lieu symbolique : Tafraout, nichée au cœur de l’Anti-Atlas, entre montagnes et villages perchés, représente un territoire où le patrimoine est encore vivant. Ses maisons en pisé, ses marchés colorés, sa nature préservée… tout y rappelle un Maroc profond. Mais au-delà du symbolique, le festival engendre des retombées concrètes. Selon une analyse universitaire, Tifawin contribue activement au développement local : amélioration des infrastructures (routes, hébergement), dynamisation de l’hôtellerie, création d’un marché dynamique pour les coopératives, notamment féminines, et impulsion donnée au commerce vivace autour des produits du terroir. Pour beaucoup d’artisans, la période du festival équivaut à un chiffre d’affaires annuel.

En définitive, cette 17ᵉ édition du Festival Tifawin a rempli sa mission et ouvert de nouvelles perspectives. Elle a rappelé que la ruralité n’était ni un frein ni un fardeau, mais bien une chance et une force d’avenir. Et dans un pays en pleine mutation, elle envoie un message clair : investir dans les régions, c’est investir dans la résilience, l’innovation et l’identité marocaine.