Une victoire au Tour de l’avenir suffirait-elle à classer Paul Seixas dans la case mutant en devenir ?

Rarement le Tour de l’Avenir aura aussi bien porté son nom, surtout pour Paul Seixas. Avant de se mesurer un jour à l’Everest du cyclisme, Tadej Pogacar, le jeune Français devra battre un autre Slovène : Jakob Omrzel. Vainqueur du « baby Giro » au mois de juin, celui-ci fera office de principale menace avec le Belge Jarno Widar, dont les débuts professionnels se passent un peu moins bien que prévu. Pour Seixas, tout baigne. Son mois de juin remarquable l’a vu arracher un top 10 sur un Critérium du Dauphiné particulièrement relevé et une troisième place prometteuse aux championnats de France du contre-la-montre.
Confirmer sur le Tour de l’Avenir, du 23 au 29 août, lui permettrait de franchir un dernier palier avant le saut définitif dans le grand bain, autant qu’il encouragerait le public français à voir en lui le nouveau Hinault. Le cœur a ses raisons que le palmarès de la course ignore : en y regardant de plus près, le Tour de l’Avenir ne permet hélas pas d’y lire avec clarté. Ses lauréats deviennent quasi systématiquement des très bons coureurs du peloton professionnel, mais rarement des vainqueurs de grands tours, encore moins du Tour de France.
Lauréats du Tour de l’Avenir depuis 2010
Les tops : Nairo Quintana (1 Giro, 1 Vuelta), Egan Bernal (1 Tour de France, 1 Tour d’Italie), Tadej Pogacar (4 Tours de France, 1 Giro).
Les flops : Esteban Chaves, Warren Barguil, David Gaudu, Marc Soler, Tobias Foss (son titre mondial sur CLM est un des plus grands mystères de la science), Miguel Angel Lopez (dopage), etc.
En suspens : Isaac Del Toro (crack qui rejoindra la première catégorie à condition de brancher son cerveau), Cian Uijtdebroeks, Joseph Blackmore.
Maxi flop : Ruben Fernandez Andujar (qui êtes-vous monsieur ?)
La fin de la croissance est déterminante
Plusieurs raisons à cette inconnue du passage à l’âge adulte. La première est purement biologique selon Steve Chainel, consultant pour Eurosport. « Lorsqu’on gagne le Tour de l’avenir on est peut-être en fin de croissance, on est tout menu, on a 19 ans, on n’a même pas de barbe, et puis à 21 ou 22 ans les hormones font le reste. On va prendre un peu de masse musculaire, on va devenir un peu plus robuste, et cette robustesse va te permettre d’être un excellent grimpeur, mais aussi un excellent puncheur. Mais peut-être que ce punch va te faire perdre de ta qualité première qui est de rouler vite en contre-la-montre. David Gaudu a développé du punch mais il a des grosses défaillances sur contre-la-montre, et il ne gagnera peut-être certainement jamais un grand tour. »
L’autre aspect est évidemment psychologique, surtout pour un coureur issu du pays du Tour de France, où le moindre espoir est sommé de mettre fin à la disette tricolore sur la plus belle des courses à étapes. Paul Seixas est le prochain sur la liste, et tant pis si des mutants se dressent sur sa route.
Son équipe, Decathlon-AG2R, a pris le parti de nourrir ces attentes, en évoquant un projet de victoire sur la Grande Boucle d’ici 2028-2030, mais sans le jeter dans la mare aux crocodiles non plus. Le fait d’ajouter le Dauphiné a son programme sans s’enflammer en l’inscrivant au Tour quelques semaines plus tard s’inscrit dans ce numéro d’équilibriste décrit par le directeur de la stratégie sportive de l’équipe française, Sébastien Joly, chez nos confrères de RMC Sport. « On fait tout pour arriver à trouver la bonne vitesse. Ni trop l’exposer, ni trop le surprotéger. On est attentif à sa progression, on s’adapte et c’est ce qu’on a fait jusqu’à présent avec son programme de course. »
Sur le Tour de l’Avenir, Paul Seixas va goûter à la pancarte de favori
La prochaine étape consiste donc à redescendre une dernière fois chez les jeunes sur le Tour de l’Avenir. « C’est une très bonne chose qu’il le fasse, estime Chainel. Gagner le Tour de l’avenir, c’est prendre un grade sur l’épaulette comme un militaire. Ça aurait été une vraie connerie de ne pas aller sur cette course, d’autant plus que c’est avec l’équipe de France. Il y aura besoin à un moment donné d’avoir le maillot France dans une dimension autre que celle d’une équipe de marque. »
Besoin, aussi, de disputer une grande course à étapes sur le territoire français avec la pancarte de favori, avec le niveau d’adversité et de pression que cela implique.
« « C’est un premier mini-tour que doit régler Paul Seixas avec des adversaires qui vont tout faire pour le battre lui, et ça, c’est quand même top, abonde Steve Chainel. Au fond, le classement final n’a pas une si grande importance parce qu’il y a tellement de choses qui peuvent arriver dans une course de vélo. Là où ça va être intéressant, c’est de voir si un jour il n’est pas bien, comment il le passe, si un jour il est victime d’une chute ou d’un problème mécanique, comment il réagit, et puis derrière, les jambes feront la différence. » »
Difficile de choisir un scénario préférentiel. Tout autre résultat qu’une victoire pour Paul Seixas serait difficilement entendable pour le grand public qui l’a vu éclore en début d’été. Mais la victoire le plongera dans des comparaisons certainement précoces avec Tadej Pogacar. « Pour comparer, il nous faudrait les donner de Pogacar. Mais Tadej, on avait déjà bien compris à l’époque qu’il n’était pas développé physiquement comme il l’est développé physiquement aujourd’hui. Il avait une marge de progression qui était très importante, et c’est finalement cette marge de progression là qui compte. » Plus que sur le Tour de l’Avenir, c’est sur sa première course de trois semaines que l’on pourra le jauger plus précisément. Et tout indique qu’il s’agira du Tour de France 2026.

