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Guerre en Ukraine : Moscou, Budapest, Genève ou une surprise… Quelle ville pour un sommet entre Poutine et Zelensky ?

C’est le dernier rebondissement des discussions autour de la guerre en Ukraine. Donald Trump a annoncé une possible entrevue entre les dirigeants ennemis Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine dans le cadre d’une réunion bilatérale. Du jamais vu depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022.

Contre toute attente, les deux dirigeants ne se sont pas opposés à une telle rencontre. Mais le choix de la ville où organiser un tel sommet est plus que délicat et pourrait encore servir d’excuse pour ne pas y participer. Surtout du côté du Kremlin.

Moscou, « un suicide »

C’est sans doute pour cela que Vladimir Poutine aurait proposé la ville de Moscou pour sa rencontre avec son homologue ukrainien. Une idée « Inacceptable, du suicide et un geste de mépris total », rejette Louis Duclos, analyste géopolitique. Selon lui, les autorités russes pourraient être capables de l’enfermer voire de l’empoisonner. Il n’y a qu’à voir comment finissent les opposants au régime poutinien, à l’image d’Alexeï Navalny.

L’option a d’ailleurs été balayée par Volodymyr Zelensky d’un simple « non », alors qu’il était présent à la Maison Blanche. « Un sommet de cette nature à Moscou serait une humiliation », abonde Bertrand Badie, professeur émérite des universités à Sciences Po Paris et spécialiste des relations internationales.

Vladimir Poutine le sait bien, c’est peut-être même une tactique pour « provoquer un refus chez Volodymyr Zelensky et ainsi jouer de ce rejet pour faire porter la responsabilité au président ukrainien, c’est très poutinien », analyse Bertrand Badie.

Budapest, chez un soutien de Poutine

Autre option avancée par le secrétaire au Trésor américain Scott Bessent : Budapest. Là encore, une ville où Volodymyr Zelensky ne serait pas à son avantage. Au pays de Viktor Orbán, soutien de Vladimir Poutine en Europe, le président ukrainien « ne partirait pas gagnant », souligne Louis Duclos. Ce serait même « une autre catastrophe », pour Bertrand Badie. Offrant « le beau rôle à celui qui a le comportement le plus transgressif de l’Europe », argumente le professeur émérite.

Cela pourrait par ailleurs réveiller de mauvais souvenirs. C’est dans la capitale hongroise qu’avait été signé le mémorandum par l’Ukraine à la chute de l’URSS. Traité qui l’engageait à remettre à la Russie les armes nucléaires soviétiques stockées sur son territoire, en échange du respect de ses frontières. Accord foulé aux pieds par Vladimir Poutine.

Genève, une neutralité pas si neutre

C’est Emmanuel Macron qui a proposé l’hypothèse de Genève, pour la traditionnelle neutralité de la Suisse dans les conflits mondiaux. Sauf que la Suisse est au cœur de l’Europe, au cœur de l’Occident, ce qui pourrait refroidir du côté russe. D’autant plus que le chef du Kremlin est visé par un mandat d’arrêt international qui devrait être appliqué par les autorités suisses s’il mettait un pied sur le territoire. Et ce, même si le gouvernement fédéral suisse a assuré pouvoir accorder « l’immunité à une personne qui est sous mandat d’arrêt international », si elle vient « pour une conférence de paix, pas pour des raisons privées ».

Ce « serait une offense faite à la Cour pénale internationale (CPI) que d’accueillir dans un haut lieu du multilatéralisme et du droit international un chef d’Etat sur lequel pèse un mandat d’arrêt ainsi qu’une transgression du droit international », prévient alors Bertrand Badie.

D’autant que même si la Suisse contournait les lois internationales, l’avion de Vladimir Poutine devrait survoler des pays membres de la CPI qui seraient, là aussi, tenus d’intercepter le vol et arrêter le président russe, au moins en théorie. « Le cadre légal n’est toutefois pas toujours respecté dans ce cas, s’il survolait Paris, par exemple, Vladimir Poutine ne serait pas interpellé car derrière, il y a une menace nucléaire instantanée », remarque Louis Duclos.

Le Vatican

En mai dernier, alors fraîchement élu, le pape Léon XIV avait proposé d’accueillir des négociations entre la Russie et l’Ukraine pour mettre fin à la guerre. Une hypothèse crédible car la cité du Vatican n’a pas ratifié le Statut de Rome, à l’origine de la création de la CPI. De plus « on n’imagine pas le pape passer les menottes à Vladimir Poutine », illustre Bertrand Badie selon qui la Cité-État serait finalement « un des choix les moins mauvais ».

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Istanbul, Riyad, Paris, Berlin, Washington, Helsinki… Nombreuses sont les villes à pouvoir postuler à cette place de choix sur la scène internationale. Accueillir ce sommet ne donnera toutefois pas nécessairement au pays hôte un rôle de médiateur dans la résolution du conflit. Et la difficulté de trouver un lieu « montre bien l’impasse dans laquelle est cette crise », fait remarquer Bertrand Badie.

Un sommet pour l’image

Finalement, ce sommet servirait plus à Donald Trump qu’aux belligérants engagés dans une guerre de plus de trois ans. « On est davantage dans la logique trumpienne, ce besoin de montrer des images pour valider l’idée que le président des Etats-Unis est faiseur de paix plutôt que dans la construction réelle d’un processus menant à la fin de la guerre », juge Bertrand Badie.

Aucun des deux dirigeants ne semble prêt à faire des concessions sur la question cruciale : celle des territoires ukrainiens occupés par la Russie. « On s’engage plus dans un sommet de représentation que de réelles négociations », tranche le professeur émérite.