Sahara, Algérie, polisario… ce qu’en pense Michael Rubin


Pensez-vous réellement que l’administration Trump pourrait s’engager dans cette voie ? La suppression de la Minurso vous paraît-elle réaliste sur le plan diplomatique et stratégique ?
Indirectement, oui. L’administration Trump est en train de réduire les dépenses superflues partout, et commence à s’interroger sur les sommes astronomiques versées aux Nations unies. Des responsables de l’ONU se sont même rendus à Washington pour défendre leurs budgets. Parmi les missions onusiennes, la Minurso est une cible facile : elle n’a pas atteint ses objectifs, et si son budget est réduit, l’armée marocaine est parfaitement capable de défendre ses frontières. Donc, si vous interrogez Trump sur le Sahara, il n’aura peut-être pas de réponse précise. Mais si vous lui parlez des milliards dépensés pour des missions inefficaces, son instinct vous répondra qu’il faut couper les fonds. L’ONU devrait donc chercher à démontrer sa rigueur budgétaire, ce qui est incompatible avec le maintien de la Minurso.
Certains estiment que, malgré ses limites, la Minurso joue au moins un rôle de stabilisation et de surveillance dans la région. Que répondez-vous à cela ?
Certains avancent cet argument, certes. Mais d’abord, rappelons que la mission première de la Minurso n’est pas d’assurer une surveillance, mais de résoudre le conflit par l’organisation d’un référendum. Ensuite, loin de stabiliser la situation, elle contribue à maintenir une instabilité chronique. Le Maroc pourrait parfaitement déployer son armée le long du mur de défense et surveiller les mouvements du polisario à l’aide de drones. Si le Maroc et l’Algérie le souhaitaient, ils pourraient également mettre en place un modèle alternatif, bien moins coûteux et bien plus efficace que celui des Nations unies : celui de la Force multinationale d’observation créée dans le Sinaï après l’accord de paix entre l’Égypte et Israël.
Vous soutenez depuis longtemps le plan d’autonomie proposé par le Maroc. Pourquoi le considérez-vous comme la meilleure solution ?
D’abord parce que le Maroc est un allié des États-Unis, et cela devrait compter. Washington doit soutenir Rabat dès que possible. Ensuite, S.M. le Roi Mohammed VI a constamment fait les bons choix. Au lieu d’adopter une approche répressive dans le Sahara, il y a massivement investi. Il a réintégré les Sahraouis revenus au pays et a mis en place une véritable dynamique de développement. En matière de gouvernance locale, l’autonomie est une évidence. Le Maroc doit cependant conserver la maîtrise des affaires de défense et de politique étrangère. Le polisario, lui, cherche à gagner du temps pour entretenir le conflit, ce qui laisse un vide dont peuvent profiter les groupes terroristes.
Pensez-vous qu’un second mandat de Donald Trump pourrait ramener ce plan au cœur des discussions internationales ?
Honnêtement, je ne vois pas ce qu’il reste à discuter. Pourquoi continuer à laisser l’Algérie et l’Afrique du Sud bloquer le processus pour des raisons purement cyniques ? Les États-Unis ont reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara dans le cadre des Accords d’Abraham. Trump ne ferait que respecter sa propre décision.
D’autres acteurs, notamment l’Algérie, ont rejeté le plan d’autonomie. Quelles autres solutions politiques réalistes peuvent être envisagées selon vous ?
L’Algérie ne cherche pas une solution. Elle tire profit du conflit. Il faut avoir le courage de dénoncer les acteurs de mauvaise foi. Au lieu de chercher une légitimité à une marionnette qu’elle a créée, l’Algérie ferait mieux de se concentrer sur la relance de son économie en déclin et sur la lutte contre la corruption endémique.
Vous accusez l’Algérie d’empêcher les réfugiés de quitter les camps de Tindouf et de bloquer toute avancée vers une résolution. Quels leviers concrets les États-Unis pourraient-ils utiliser pour faire pression ?
D’abord, je suis opposé à toute aide humanitaire supplémentaire. L’argent et les biens envoyés dans les camps profitent d’abord à l’armée algérienne, puis aux dirigeants du polisario, qui vivent dans l’opulence pendant que les réfugiés survivent avec les miettes. Si l’Algérie se soucie réellement des réfugiés, qu’elle finance directement les camps. Sinon, il est temps de les fermer et de permettre aux résidents de circuler librement, que ce soit en Algérie, en Mauritanie ou au Maroc. Du côté américain, les choses ont changé : Jim Inhofe est mort, et James Baker III ne joue plus aucun rôle. Les principaux soutiens de l’Algérie à Washington ont disparu. Il est temps d’imposer des sanctions ciblées aux responsables algériens à l’image de ce qui a été fait via le Magnitsky Act.
Depuis la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara, l’ouverture d’un consulat à Dakhla est toujours en attente. Comment expliquez-vous ce retard ? Pensez-vous qu’elle pourrait enfin se concrétiser sous le second mandat Trump ?
Les budgets sont serrés et l’administration américaine avance lentement. Il ne faut pas surinterpréter ce retard. La reconnaissance ne sera pas remise en question. Ce sujet devrait d’ailleurs être au centre des prochaines auditions du futur ambassadeur américain devant le Sénat.
Le sud du Maroc est aujourd’hui au cœur d’un projet géostratégique majeur visant à créer une zone de prospérité économique et de stabilité politique, en lien avec les pays du Sahel et l’Atlantique. Quelle est la perception américaine de cette initiative ?
Je vois cela comme un projet parallèle au corridor de Lobito reliant le Congo à l’Angola. Aux États-Unis, quelle que soit l’orientation politique, la montée en puissance de la Chine dans l’espace atlantique suscite de vives inquiétudes. Dans ce contexte, une zone de prospérité adossée au Sud marocain représente un axe clé. La progression de l’influence russe au Sahel renforce encore la centralité géopolitique du Maroc. C’est peut-être le moment pour le Royaume de jouer sa carte. Et son ambassade à Washington devrait se montrer plus proactive. La question que se posent les décideurs américains n’est pas «Faut-il s’allier au Maroc ?», mais plutôt «Combien de projets pouvons-nous lancer ensemble ?» La balle est dans le camp de Rabat.