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Gaza : Un membre du personnel de l’ONU tué et cinq autres blessés dans des frappes israèliennes

Deux jours après la reprise des bombardements israéliens à Gaza, au moins un membre du personnel de l’ONU a trouvé la mort et cinq autres ont été blessés, mercredi, dans des frappes contre des locaux onusiens à Deir al-Balah, une ville du centre de l’enclave palestinienne.

L’ONU s’efforce à l’heure actuelle de vérifier certains détails, en particulier concernant les circonstances dans lesquelles s’est produit l’incident.

Toutefois, lors d’une conférence de presse à Bruxelles, le Directeur du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), dont le personnel a été touché par les explosions, a confirmé que celles-ci étaient « sans lien » avec les activités onusiennes de retrait des munitions non explosées à Gaza.

« Outre le collègue qui a perdu la vie, cinq autres collègues ont perdu leurs yeux, leurs jambes et sont donc gravement blessés à la suite des attaques d’aujourd’hui », a déploré Jorge Moreira da Silva.

Selon la presse, l’armée israélienne, dont les frappes meurtrières ont repris dans la nuit de lundi à mardi, faisant des centaines de morts à Gaza, dont de nombreux enfants, a nié avoir attaqué les locaux onusiens.

« Ces locaux étaient bien connus des forces de défense israéliennes et leur “déconfliction” avait été confirmée », a souligné M. Moreira da Silva. « Tout le monde savait qui travaillait à l’intérieur des locaux : c’était.. c’est le personnel de l’ONU », a-t-il insisté.

Dans une déclaration publiée par son porte-parole, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est fait l’écho des propos du Directeur de l’UNOPS.

« L’emplacement de tous les locaux des Nations Unies est connu des parties au conflit », a-t-il affirmé.

M. Guterres, qui s’est dit profondément « attristé et choqué » par l’annonce des victimes parmi les membres du personnel de l’UNOPS, a précisé que l’incident avait eu lieu lors de « frappes » contre deux bâtiments utilisés par l’ONU.

Pas un accident
Le Directeur de l’UNOPS a également confirmé qu’il ne s’agissait pas d’un accident, mais bien d’un incident.

« Ce que nous savons, c’est qu’un engin explosif a été largué ou tiré sur l’infrastructure et a explosé à l’intérieur du bâtiment », a-t-il souligné, précisant qu’il était encore trop tôt pour dire s’il s’agissait d’armes parachutées, d’artillerie ou de tirs de roquettes.

M. Moreira da Silva a rappelé que les attaques contre des locaux humanitaires constituent une violation du droit international.

« Le personnel des Nations Unies et ses locaux doivent être protégés par toutes les parties. La population civile compte sur l’ONU pour une assistance vitale ; elle est essentielle en ces temps de tragédie et de dévastation totale », a-t-il insisté.

Plusieurs frappes antérieures
L’incident s’est produit mercredi vers 11 h 30, heure locale.

Selon M. Moreira da Silva, il a été précédé par d’autres frappes qui ont causé des dégâts au cours des deux derniers jours, ainsi que d’une frappe évitée de justesse, lundi.

Le bâtiment de l’UNOPS est situé dans une zone isolée à Deir al-Balah.

280 employés de l’ONU tués à Gaza depuis de 7 octobre 2023
Dans sa déclaration publiée mercredi, le Secrétaire général a condamné fermement toutes les attaques contre le personnel des Nations Unies.

Il a demandé l’ouverture d’une enquête approfondie et a souligné que les conflits devaient être menés de manière à garantir le respect et la protection des civils.

M. Guterres a par ailleurs présenté ses condoléances à la famille du membre du personnel tué dans cet incident, portant à au moins 280 le nombre d’employés de l’ONU ayant trouvé à Gaza depuis l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, qui a marqué le début de la guerre à Gaza.

Le Secrétaire général a souligné la nécessité du respect du cessez-le-feu pour mettre fin aux souffrances de la population palestinienne de Gaza, privée d’aide humanitaire depuis la décision d’Israël de bloquer son acheminement, le 2 mars dernier.

« L’aide humanitaire doit parvenir à toutes les personnes dans le besoin. Les otages doivent être libérés immédiatement et sans condition », a-t-il dit.

A l’horreur des bombes, s’ajoute l’asphyxie humanitaire

Au lendemain de la reprise des frappes israéliennes dans la bande Gaza, le chef de l’humanitaire de l’ONU juge « inadmissible » le siège humanitaire imposé par Israël à plus de deux millions de Palestiniens privés d’une aide essentielle à leur survie.

« Du jour au lendemain, nos pires craintes se sont concrétisées ». La phrase de Tom Fletcher claque comme une sentence sans appel dans l’enceinte feutrée du Conseil de sécurité de l’ONU, à New York, lors d’une réunion mardi matin sur la situation au Moyen-Orient.

Après 42 jours de cessez-le-feu, un espoir ténu planait pourtant à Gaza sur les dizaines de millions de tonnes de décombres provoqués par 15 mois de bombardements israéliens dans l’enclave. Les agents humanitaires avaient repris leur travail. Plus de 4.000 camions transportaient chaque semaine de l’aide à 2,1 millions de Gazaouis. L’ONU distribuait des tentes, de l’eau, de la nourriture, des vaccins.

Cette période d’accalmie est aujourd’hui officiellement révolue.

Gaza de nouveau sous les bombes

Dans la nuit de lundi à mardi, les frappes aériennes israéliennes ont repris sur l’ensemble du territoire. Le bilan exact des victimes reste flou, mais M. Fletcher, par visioconférence, évoque des rapports faisant état de centaines de morts.

Dans les rues de Gaza, selon la presse, les scènes sont familières : des familles fuyant sous les bombes, des corps ensevelis sous les gravats, des hôpitaux débordés, manquant de tout, jusqu’à l’oxygène pour les blessés.

Asphyxie humanitaire

Mais ce qui frappe le chef de l’humanitaire de l’ONU, au-delà du carnage causé par ces nouveaux bombardements, c’est l’asphyxie de la population de Gaza au cours des deux dernières semaines.

Depuis le 2 mars, en effet, Israël bloque l’entrée de toutes les fournitures humanitaires vitales dans l’enclave : médicaments, nourriture, carburant, gaz de cuisine. Les quelques convois humanitaires arrêtés au passage de Karem Shalom, dans le sud de Gaza, sont à l’abandon. « Les ressources essentielles à la survie sont désormais rationnées », résume M. Fletcher.

Les conséquences sont immédiates, à l’image de la flambée du prix des denrées dans la bande de Gaza. « Les légumes dans le nord de Gaza ont déjà triplé », précise le haut responsable. Six boulangeries du Programme alimentaire mondial (PAM) ont fermé leurs portes par manque de gaz de cuisine et de fournitures.

L’eau devient une denrée rare. « Israël a coupé l’alimentation électrique de l’usine de dessalement du sud de Gaza, limitant l’accès à l’eau potable pour 600.000 personnes », dénonce M. Fletcher. En raison des mauvaises conditions d’assainissement, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avertit également que les risques d’épidémies sont très élevés.

Guerre sourde en Cisjordanie

La tragédie ne s’arrête pas aux barbelés délimitant la bande de Gaza. En Cisjordanie occupée, où une guerre d’usure plus diffuse, mais néanmoins brutale est également à l’œuvre, M. Fletcher parle d’une « crise urgente qui requiert toute l’attention internationale nécessaire ».

Depuis janvier, rappelle-t-il, 95 Palestiniens de Cisjordanie ont été tués, dont 17 enfants, et 869 autres ont été blessés. L’armée israélienne a déployé des chars dans le nord du territoire pour la première fois depuis vingt ans.

M. Fletcher décrit un climat de harcèlement constant des Palestiniens, marqué par la multiplication des expulsions forcées et des démolitions d’infrastructures civiles. « Près de 40.000 Palestiniens ont été déplacés lors de ces opérations », précise-t-il.

Les colons israéliens, eux, semblent agir en toute impunité. Par centaines, ils attaquent des villages palestiniens, incendient des maisons et arrachent des oliveraies. Parallèlement, plus de 800 obstacles, dont plus de 20 nouveaux postes-frontières et points de contrôle, entravent la circulation des Palestiniens. Aller travailler, se rendre à l’hôpital, tout devient un parcours du combattant.

Trois mesures pour éviter le pire

Dans ce contexte, M. Fletcher appelle à lever immédiatement le blocus humanitaire. « Bloquer l’accès à la nourriture, à l’eau et aux médicaments est inadmissible », tranche-t-il.

Il demande également un retour au cessez-le-feu, seule issue possible selon lui pour alléger la souffrance des civils et libérer les otages israéliens retenus par le Hamas, à Gaza, depuis l’attaque sanglante du groupe contre Israël, le 7 octobre 2023, qui a marqué le début de la guerre.

Le chef de l’humanitaire appelle en outre la communauté internationale à financer davantage l’aide aux Palestiniens, qui s’amenuise dangereusement, alors que seuls 4 % des fonds nécessaires ont été réunis. « Nous n’en avons même pas assez pour terminer ce trimestre », prévient-il.

Devant les membres du Conseil, M. Fletcher a évoqué une image, tirée d’une de ses visites à Gaza. Celle d’une phrase griffonnée sur un tableau blanc dans un hôpital de l’enclave : « Celui qui restera jusqu’au bout racontera l’histoire. Nous avons fait ce que nous avons pu. Souvenez-vous de nous ».

Une question semblait suspendue dans la chambre silencieuse du Conseil : si rien ne change, qui restera-t-il pour raconter l’histoire ?

Source : ONU