Etats-Unis : L’Agence américaine de l’environnement veut supprimer son bureau de recherche, une décision qui inquiète
L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) prévoit de supprimer son Bureau de recherche et développement, un service chargé d’étudier l’impact des polluants sur la santé et les écosystèmes. Ce projet, révélé par le New York Times, s’accompagnerait du licenciement de 50 à 75 % des scientifiques qui y travaillent, soit plus de 1.000 chercheurs, chimistes et biologistes.
Le plan, qui a été présenté vendredi à la Maison-Blanche par des responsables de l’EPA, s’inscrit dans une stratégie plus large de réduction du rôle de l’agence. Fin février, l’administration Trump avait déjà annoncé son intention de réduire son budget de deux tiers, menaçant ainsi ses capacités de régulation des émissions polluantes et de contrôle de la qualité de l’eau et de l’air.
Un démantèlement jugé illégal par certains élus
L’ORD joue un rôle fondamental dans l’élaboration des normes environnementales aux États-Unis, en fournissant notamment les bases scientifiques qui permettent d’encadrer les émissions des industries et des véhicules. Son démantèlement suscite une vive opposition, notamment chez les élus démocrates et les défenseurs de l’environnement.
Zoe Lofgren, élue démocrate à la Chambre des représentants, affirme que cette suppression « viole la loi », car l’ORD a été créé par une décision du Congrès. « Si l’administration Trump souhaite supprimer ce bureau, elle doit obtenir l’accord du Congrès. Or, elle tente de le faire de manière unilatérale », a-t-elle dénoncé. L’élue accuse également Donald Trump et ses alliés de vouloir « tuer pour de bon » l’influence de la recherche scientifique au sein de l’agence environnementale. « Ils veulent éliminer son indépendance scientifique, ce qui compromettra toute réglementation future. »
« Une attaque contre la science »
Les scientifiques et experts dénoncent une attaque frontale contre la rigueur scientifique au sein du gouvernement. « Il serait extrêmement difficile d’appliquer des normes de protection sanitaire sans l’ORD, et c’est exactement ce que cette administration vise », a déclaré Chitra Kumar, responsable de l’association de scientifiques UCS.
Ce bureau joue un rôle clé dans l’évaluation des risques liés aux « polluants éternels » (PFAS) présents dans l’eau potable, aux particules fines dans l’air ou encore aux effets du fracking sur l’environnement. Sa disparition rendrait ces recherches plus vulnérables aux pressions des industries polluantes, selon les experts. « C’est une attaque contre la science », résume Jennifer Orme-Zavaleta, ancienne responsable de la recherche à l’EPA sous la première administration Trump. « Sans ce bureau, la science sera remplacée par la politique et les intérêts économiques ».

Une tendance déjà amorcée pendant le premier mandat de Trump
Ce n’est pas la première fois que Donald Trump cherche à affaiblir l’EPA. Lors de son premier mandat, il avait considérablement réduit son budget, annulé des normes écologiques mises en place sous Barack Obama et placé à sa tête des responsables issus des industries qu’elle devait réguler. À l’époque, l’ORD avait déjà été visé, mais avait pu être préservé.
Cette fois-ci, l’objectif semble être une suppression définitive, ce qui marquerait un tournant majeur dans la politique environnementale américaine. Lee Zeldin, actuel directeur de l’EPA nommé par Trump, a déclaré vouloir « aligner l’agence sur les priorités de l’administration », laissant entendre que la science indépendante ne serait plus la base des décisions réglementaires.
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Des répercussions bien au-delà des États-Unis
Si cette réforme est menée à son terme, ses effets pourraient dépasser les frontières américaines. En affaiblissant les normes environnementales aux États-Unis, elle pourrait inciter d’autres pays à assouplir leurs propres régulations sous la pression des multinationales.
Pour Chris Frey, qui dirigeait l’ORD sous l’administration Biden, la suppression de ce bureau créerait « un vide scientifique » qui laisserait le champ libre aux industries. « C’est extrêmement pratique pour certains groupes d’intérêts d’empêcher l’EPA d’examiner en profondeur les dangers des produits chimiques ou des émissions polluantes », conclut-il. « Tout le monde, y compris les enfants et petits-enfants du président Trump et de son gouvernement, ressentirait les conséquences de cette décision, sans parler des populations les plus sujettes à la pollution », en majorité issues de minorités ethniques et à bas revenu, s’est alarmée Chitra Kumar.