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Guerre en Ukraine : Les Russes torturent « par plaisir sadique », raconte Vladyslav, prisonnier pendant 679 jours

Imposant, sûr de lui, la tête haute et bien droite. Seuls les yeux de Vladyslav Zadorin trahissent son histoire. A 26 ans, ce soldat ukrainien a échappé à la mort de bien des manières. Capturé par les Russes le 24 février 2022, au premier jour de la guerre, sur l’île des Serpents, il n’est libéré que le 3 janvier 2024, passant 679 jours aux mains de ses ennemis. « Une heure, un jour, une semaine ou un mois ne suffiraient pas à raconter toutes les atrocités que nous avons pu vivre en prison. » Pour 20 Minutes, Vladyslav en raconte une partie.

Loin de s’imaginer le pire, il s’engage, comme son père et son frère avant, dans l’armée en 2019, trois ans avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il intègre la 35e brigade de la Marine au service de la défense aérienne et le 3 janvier 2022, il est envoyé sur cette fameuse île en mer Noire prise par les Russes. C’est là que sa vie bascule.

Avec lui, 70 autres militaires ainsi que deux civiles sont aux prises avec les troupes de Moscou et faits prisonniers. De Sebastopol à Koursk, l’ancien étudiant en Pologne a connu sept prisons différentes et autant de tortures. « C’était plus simple pour eux de nous faire bouger pour semer ceux qui nous cherchaient et effacer nos traces. C’était plus facile pour masquer les vrais chiffres des prisonniers de guerre et d’éviter de montrer ce qu’ils nous faisaient », commente le vétéran, venu ce lundi à Toulouse témoigner.

« Nous avons fini par manger des vers de terre, du papier toilette »

De sa voix douce mais pleine d’aplomb, Vladyslav ne veut pas se taire et encore moins cacher ce que les Russes ne veulent absolument pas montrer. « C’était l’enfer sur terre. La torture, la famine et de la cruauté. Mon corps était couvert de bleus. Mes blessures changeaient constamment de couleur : vert, bleu, rouge, violet. Mais le plus dur, c’était la famine », rapporte l’ancien soldat serrant dans ses mains sa bouteille de soda. « Ils nous donnaient quelques morceaux de pain mais c’était mélangé avec du sable et du bois. Nous avons fini par manger des vers de terre, des escargots, du papier toilette, du savon. »

Derrière la famine, le supplice du jeune Ukrainien ne s’arrête pas là. « J’ai eu beaucoup de lésions cérébrales tellement j’ai été battu avec des bouteilles en verre sur la tête qui ont provoqué des traumatismes crâniens. Nous étions privés d’eau, également, et nous en buvions de très mauvaise qualité ce qui a entraîné des calculs au niveau des vésicules biliaires et j’ai dû être opéré à ma libération. J’avais également trois vertèbres entièrement détruites par les coups de marteau. J’ai failli perdre des orteils qui ont pourri car on m’a donné des chaussures taille 41 alors que je fais du 45 », énumère Vladyslav…

L’hymne russe utilisé comme arme psychologique

Malheureusement pour le prisonnier de guerre, « ce n’était pas que des tortures physiques » mais également psychologiques et morales. « Le plus difficile, c’était l’inconnu : est-ce que je vais survivre ? Est-ce que je vais revoir ma famille et mes amis ? », se remémore-t-il. Pour ce dernier, il est important de rétablir la vérité. « La Russie continue à mentir en disant que nous sommes enfermés dans conditions humaines alors que c’est totalement faux. Je fais encore des crises d’angoisse et de panique dès que j’entends le bruit d’un transformateur ou de l’électricité car les Russes utilisent beaucoup de tortures par le choc électrique. Le plus cruel, c’est que ces tortures n’étaient pas là pour en tirer une quelconque information mais par plaisir sadique. »

S’il est aujourd’hui libre, il en paie encore quotidiennement les conséquences et la Russie n’est jamais très loin. « C’était très difficile aussi de supporter d’être baigné dans une ambiance où il n’y avait que la propagande russe qui régnait. D’entendre que l’Ukraine n’existait plus et qu’on allait se battre pour la Russie. On perdait l’espoir… Mais finalement, nous arrivions à avoir des nouvelles de la réalité du conflit avec l’arrivée de nouveaux prisonniers de guerre. » Et cette propagande s’imposait pour le pire. « Encore aujourd’hui, mes parents m’entendent chanter l’hymne russe parce qu’en tant que prisonniers, nous étions obligés de la chanter, parfois toute la journée. Il y a des jours où j’ai dû la chanter plus de 250 fois. Je suis persuadé de mieux connaître les paroles de l’hymne que certains Russes. »

« Mon deuxième anniversaire »

Libéré le 3 janvier 2024, lors d’un échange de 230 prisonniers, jour de son « deuxième anniversaire » comme il l’appelle, il ne pèse plus que 60 kg alors qu’il en pesait 120 à sa capture. Son premier réflexe d’homme libre : appeler sa famille et annoncer qu’il est enfin rentré. Il entame alors le long processus de guérison.

Mais un peu plus d’un an après sa libération, Vladyslav a encore besoin de temps pour se rétablir physiquement mais surtout psychologiquement. Il n’est aujourd’hui plus militaire mais continue de se battre pour l’Ukraine en parcourant l’Europe pour raconter l’horreur et rétablir la vérité face à la propagande russe qui ne cesse « de se diffuser comme une toile d’araignée ». A Toulouse, ce lundi, aux côtés de l’association Ukraine Libre, de l’ONG Communities Army of Ukraine et de la Ligue des droits de l’homme, le combat se poursuit. « Je veux attirer l’attention des Français et des Ukrainiens en France sur les crimes de guerre et tout ce que subit le peuple à cause de la Russie. »

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Et il continuera jusqu’à ce que le dernier prisonnier ukrainien soit libéré. « Ce n’est pas qu’une bataille armée entre l’Ukraine et la Russie mais de justice. Un grand pays ne peut pas juste envahir un plus petit, il y a la loi internationale qui doit protéger les plus faibles et chaque pays doit suivre ces lois. Je veux vivre dans un monde juste. »