« Si on n’investit pas dans la sécurité intérieure, l’ensemble de la société paiera cher la facture »
La ministre de la Justice, Annelies Verlinden (CD & V), a entamé une série de visites des prisons du pays pour constater, de ses propres yeux, la situation dans les établissements pénitentiaires du pays. En compagnie de la ministre Vanessa Matz (Les Engagés), notamment en charge de la Fonction publique et de la Régie des Bâtiments, elles se sont rendues à la prison de Mons. Entretien croisé, exclusivement pour La Libre.
- Publié le 18-03-2025 à 06h53
- Mis à jour le 18-03-2025 à 06h54

La prison de Mons est considérée comme l’un des pires établissements pénitentiaires du pays. Je suppose que ce n’est pas un hasard si vous êtes ici aujourd’hui…
Annelies Verlinden (AV) : C’est vrai. Nous devons bien constater que la situation est abominable. Les conditions sont rudes, pour les détenus mais aussi pour les agents pénitentiaires. Quand on parle de surpopulation, il ne s’agit pas uniquement de personnes en cellule sur une surface limitée. C’est aussi le signal que tout le système judiciaire est en train d’exploser. Certes, la problématique n’est pas neuve. Cela fait au moins dix ans que ça dure, mais il faut réagir en apportant la réponse adéquate. À l’heure actuelle, nous avons des idées pour tenter de trouver un début de solution. C’est par exemple le cas avec le renvoi des détenus non belges et en séjour illégal sur notre territoire. Il faut aussi agir pour les personnes qui ont besoin de soins psychiatriques car les internés n’ont pas leur place en prison. Il faut absolument agir et nous en sommes conscients, d’autant que la Belgique a déjà été condamnée plusieurs fois pour la situation dans les prisons. Il faut travailler, ensemble, avec les collègues de l’Asile et de la Migration et ceux des Affaires Étrangères. Je travaille également avec la ministre Vanessa Matz concernant les bâtiments. La prison de Mons est sur la liste du nouveau Masterplan dans l’objectif d’être remplacée. C’est une question d’humanité, mais aussi une question de sécurité car si nous n’accompagnons pas les détenus, les risques de récidive seront encore plus élevés.
guillement « À la prison de Mons, il faut le dire : il y a eu une absence de décision concernant la construction d’un nouvel établissement. Maintenant, nous sommes dans une phase plus décisive. Le projet de nouvel établissement sera présenté dans un Master plan. Un terrain a été trouvé et il semble convenir. Mais une fois que le projet sera validé, il faudra six ans avant d’accueillir le premier détenu. »
Créer des nouvelles prisons, tel est votre objectif. Pourtant, on a vu que la création de Haren n’a pas résolu le problème…
Vanessa Matz (VM) : L’idée, ici, est de construire quelque chose de neuf pour remplacer l’actuelle prison de Mons. Nous ne sommes pas en train de faire de la capacité complémentaire, nous voulons essayer de régler une situation problématique avec cette prison aux conditions de détention et de travail désastreuses. À la prison de Mons, il faut le dire : il y a eu une absence de décision pour la construction d’un nouvel établissement. Maintenant, nous sommes dans une phase plus décisive. Le projet de nouvel établissement sera présenté dans un Master plan. Un terrain a été trouvé et il semble convenir. Mais une fois que le projet sera validé, il faudra six ans avant d’accueillir le premier détenu. En attendant, la Régie va tenter de colmater les brèches. Dans l’ensemble des prisons du pays, il y a une cinquantaine de cellules désaffectées. Nous travaillons en collaboration avec la Justice pour répondre aux besoins, mais c’est évident : il faudra des moyens complémentaires. Parallèlement à cela, construire une nouvelle prison ne servira à rien si on ne travaille pas sur la question de la réinsertion en parallèle. Il faut travailler sur plusieurs axes, comme vient de le dire Annelies Verlinden. Moi j’interviens en tant que ministre en charge de la Régie des Bâtiments et de la Fonction publique. Tous les acteurs concernés doivent travailler ensemble.


guillement « Ce que la justice doit faire, c’est lutter contre l’impunité. On ne peut pas accepter que des personnes soient condamnées mais que leurs peines ne soient pas exécutées. Dans ce cas, il ne faut pas demander aux policiers et au monde judiciaire de s’investir si, en bout de course, les personnes condamnées échappent à leur peine. »
Vu l’urgence, ne faut-il pas arrêter la détention pour les petites peines et penser davantage aux alternatives comme le préconise le nouveau Code Pénal qui entre d’ailleurs bientôt en vigueur ?
AV : Ce que la justice doit faire, c’est lutter contre l’impunité. On ne peut pas accepter que des personnes soient condamnées mais que leurs peines ne soient pas exécutées. Il ne faut pas demander aux policiers et au monde judiciaire de s’investir si, en bout de course, les personnes condamnées échappent à leur peine. Quand je suis arrivée, j’ai découvert qu’il y avait des personnes condamnées mais qui ne sont pas envoyées en prison, faute de place. Peut-être qu’il faudra penser autrement la question des courtes peines, pour qu’elles soient exécutées autrement. Ce qui est certain, c’est qu’il faut investir dans la sécurité intérieure.
Avez-vous les moyens de vos ambitions ?
VM : On sait que la volonté du gouvernement, c’est d’investir dans la sécurité. Actuellement, plus d’un milliard d’euros sur la législature seront dédiés à la justice et à la police. C’est quand même appréciable quand on sait que certains secteurs devront faire des efforts budgétaires. Mais si aujourd’hui on me demande de dédier des moyens supplémentaires pour les prisons, ça ne sera pas possible. Parce que la Régie a un tiers de ses moyens financiers en moins, soit une réduction de 250 millions d’euros. Nous sommes actuellement en plein exercice budgétaire. Annelies Verlinden et moi-même nous nous battrons. Parce qu’il s’agit d’une nécessité.
AV : Si on n’investit pas dans la sécurité intérieure, l’ensemble de la société paiera cher la facture.