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Japon : La secte Moon menacée de dissolution

L’Eglise de l’Unification, dans le collimateur depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe en 2022, est visée par une procédure de dissolution au Japon qui pourrait marquer le début de la fin pour ce groupe religieux, aussi surnommé secte Moon. Une décision de justice pourrait priver l’Eglise de l’Unification de sa reconnaissance légale dès ce mois-ci, selon les médias nippons.

Fondée en 1954 en Corée du Sud par Sun Myung Moon, l’Eglise s’est fortement développée dans les années 1970 et 1980, y compris au Japon, et est accusée d’imposer des objectifs de dons à ses adeptes. Au fil des décennies, ce sont plusieurs centaines de millions d’euros qui pourraient avoir été donnés par les membres japonais, selon certaines estimations. En octobre 2023, le gouvernement japonais a saisi la justice pour obtenir sa « dissolution », une mesure visant à révoquer son statut d’organisation religieuse. Une saisine intervenue à l’issue d’une enquête gouvernementale après l’assassinat de Shinzo Abe en juillet 2022.

Des liens entre le parti conservateur et la secte

L’homme inculpé pour le meurtre de l’ex-Premier ministre, Tetsuya Yamagami, actuellement en détention provisoire et qui pourrait être condamné à la peine de mort si reconnu coupable, en voulait à cette Eglise, à laquelle sa mère aurait donné environ 100 millions de yens (près d’1 million d’euros à l’époque). Avant cela, il aurait tenté de se suicider, tandis que son frère s’est donné la mort. Son oncle a raconté avoir reçu des appels à l’aide de Yamagami lorsque sa mère laissait ses enfants seuls et sans nourriture pour aller à l’église.

Les enquêtes menées après le meurtre de Shinzo Abe ont révélé l’existence de liens parfois étroits entre l’Eglise et des parlementaires conservateurs du parti au pouvoir, ce qui a notamment conduit à la démission de quatre ministres. Si l’ex-Premier ministre n’était pas membre de l’Eglise de l’Unification, il avait participé en 2021 via un message vidéo à un colloque organisé par un groupe affilié, comme d’autres personnalités politiques dont le président américain Donald Trump.

Perte d’influence

Pour sa part, l’Eglise, qui se fait désormais appeler la « Fédération des familles pour la paix mondiale et l’unification », a nié tout acte répréhensible et s’est engagée à empêcher les dons « excessifs » de ses membres. Si sa dissolution est prononcée par le tribunal de Tokyo dans les prochains jours, le groupe religieux perdra ses exemptions fiscales mais cela ne l’empêchera pas de poursuivre ses activités, selon l’avocat Katsuomi Abe.

Sa réputation va néanmoins « décliner et le nombre d’adeptes devrait diminuer », espère-t-il. « Aucune autre organisation n’a causé de tels dégâts » à la société japonaise, ajoute cet avocat, qui représente d’anciens adeptes de l’Église cherchant à être indemnisés après des dons importants. Depuis 2023, près de 200 personnes ont demandé une compensation pour un total d’environ 35 millions d’euros.

En France, la secte est aussi connue pour avoir entretenu des liens étroits avec le Front national de Jean-Marie Le Pen dans les années 1980. En 1985, un certain Pierre Ceyrac, membre de la secte, rencontre le leader d’extrême droite. Il devient député en 1986 et un proche collaborateur de Jean-Marie Le Pen. En échange de cette ouverture sur la scène française, la secte finance le parti, à hauteur d’environ 20 à 30 millions de francs, soir entre 3,5 et 4,5 millions d’euros.