Plus beaux villages de France, Petites cités de caractère… Bienvenue dans la jungle des labels touristiques
De notre envoyé spécial dans la jungle (des labels),
Le général de Gaulle avait surnommé la France « le pays aux 300 fromages ». Il aurait aussi pu parler du pays aux milliers de labels tant notre cher pays raffole des logos et appellations en tous genres. Rien que pour le tourisme, on n’en dénombre pas loin d’une quarantaine. Certains très connus comme Petites cités de caractère, Les plus beaux villages de France, Station Verte ou Villes d’art et d’histoire. Et plein d’autres dont on n’a jamais entendu parler comme Destination innovante durable, Destination pour tous, Ville et village d’accueil des véhicules d’époque et même Toutourisme, qui permet de trouver des destinations adaptées aux chiens.

« C’est bien simple, on est sollicités de partout. Car tous ces labels, c’est aussi un business », souligne Michel Galvane, maire de Sainte-Suzanne-et-Chammes (Mayenne). L’élu s’y connaît bien en labels car sa petite bourgade de 1.200 habitants, située entre Laval et Le Mans, possède pas moins de six macarons touristiques, un record pour une cité longtemps surnommée « la belle endormie. » Mais pourquoi en cumuler autant avec le risque de générer de la confusion chez le visiteur ? « Tous ces labels que l’on a décrochés sont complémentaires avec pour chacun une démarche et un cahier des charges qui leur est propre », assure-t-il, réfutant le terme de « guerre » entre labels touristiques. « Si c’était la guerre, il faudrait choisir alors qu’on peut finalement les cumuler », poursuit Michel Galvane.
« Mettre en avant le patrimoine de notre beau pays »
Comme Sainte-Suzanne-et-Chammes, plusieurs communes (Fontevraud-l’Abbaye, Rochefort-en-Terre, Locronan…) possèdent cette double labellisation Plus beau village de France et Petite cité de caractère. Ce qui ne chagrine pas plus que ça les deux associations derrière ces labels. « On a en commun de mettre en avant le patrimoine de notre beau pays donc cela ne dérange pas que l’on partage certaines communes », assure Luc Gourin, secrétaire national des Petites cités de caractère et adjoint au maire de Baugé-en-Anjou (Maine-et-Loire).
Même son de cloche chez Alain Di Stefano, président du réseau des Plus beaux villages de France et maire délégué de Yèvre-le-Châtel (Loiret). « On porte tous les mêmes valeurs, c’est un cercle vertueux, un cercle de l’excellence », souligne l’élu, pas fâché non plus par le succès du « Village préféré des Français », animé chaque année par Stéphane Bern. « C’est vrai qu’on nous confond souvent, rigole le maire. Nous formons un beau tandem mais on ne parle pas du tout de la même chose. Dans l’émission, c’est très subjectif car c’est basé sur le vote du public. Alors que pour décrocher notre label, il y a toute une charte avec 32 critères à respecter. »
Des critères différents selon les labels
Pour rejoindre la famille des Plus beaux villages de France, une commune ne peut ainsi pas avoir plus de 2.000 habitants et avoir au moins deux monuments classés ou protégés. Pour le label Petite cité de caractère, qui souffle cette année ses cinquante bougies, les critères sont un peu différents. « Il s’agit de communes de moins de 6.000 habitants avec un patrimoine assez supérieur à ce qu’on pourrait attendre de communes de cette taille, souligne Luc Gourin. Ce sont aussi des anciens lieux de centralité et qui le sont toujours pour certaines. »
Au sein du réseau des Petites cités de caractère, on assure aussi que le développement touristique n’est pas « l’aspect prioritaire » même s’il en fait bien sûr partie. « On est plus focalisé sur la notion d’accueil que sur le volume contrairement à d’autres qui sont plus sur le côté carte postale », estime Luc Gourin, citant sans le nommer le label concurrent et néanmoins ami. « Bien sûr qu’être dans les Plus beaux villages de France, qui est d’ailleurs le label le plus connu par le public, attire du monde, atteste Alain Di Stefano. Mais pas non plus de surfréquentation touristique comme on peut l’entendre, hormis quelques sites comme Saint-Cirq-Lapopie, Rocamadour ou Sancerre, qui n’ont d’ailleurs pas besoin de ces labels pour attirer du monde. »
Sainte-Suzanne-et-Chammes vise les 500.000 visiteurs
Loin des circuits touristiques, la cité médiévale de Sainte-Suzanne-et-Chammes, perchée sur un piton rocheux de 70 mètres qui domine la vallée de l’Erve, peut témoigner de l’effet booster de ces labels. Avant d’en décrocher un, elle attirait en moyenne 15.000 visiteurs par an. Puis cela est passé à 90.000 visiteurs dans le tournant des années 1990 quand elle a été labellisée Petite cité de Caractère.
Depuis qu’elle a rejoint le cercle très fermé des Plus beaux villages de France, « le Graal » selon le maire, le troisième Village préféré des Français en 2013 voit désormais défiler 350.000 touristes dans ses ruelles. « Cela engendre des coûts mais cela nous a aussi permis de conserver des commerces, des restaurants, des services », assure Michel Galvane. Pas encore rassasié, l’édile estime même que sa commune peut atteindre « le plafond des 500.000 visiteurs. Mais on n’ira pas au-delà car sinon cela deviendra trop galère à gérer ».