Lewis Hamilton peut-il briser la malédiction de Ferrari avec les légendes de la F1 et redevenir champion du monde ?

On a beau être profondément attachés à la lutte contre le réchauffement climatique et à la sauvegarde des ours polaires, il faut parfois savoir ravaler ses principes quand l’occasion de vibrer se présente. Après tout, ce n’est pas comme si Trump avait été réélu président des Etats-Unis… Et ça tombe bien car l’occasion se présente ce week-end avec la reprise de la saison de Formule 1, lors du Grand Prix d’Australie, où le monde n’aura d’yeux que pour un homme : Lewis Hamilton.
Arrivée chez Ferrari en début d’année, pour ce qui est sans conteste le plus incroyable des transferts de l’histoire du sport, loin, loin, loin devant la signature de Mbappé au Real ou celle de Luka Doncic chez les Lakers, le Britannique attire toute la lumière sur lui. Et après onze années et sept titres de champion du monde chez Mercedes, sa maison, le voilà qui entame dans le bruit et la fureur le premier jour du reste de sa carrière.
L’écurie de tous les fantasmes et de toutes les folies, celle que tous les pilotes rêvent un jour d’intégrer, a donc une nouvelle fois mis le grappin sur une icône hors catégorie, dans l’objectif affiché de redevenir rapidement champion du monde. Mais l’argent ne fait pas forcément les victoires, demandez donc au PSG, lui qui n’a jamais semblé aussi proche de briller en Ligue des champions que depuis qu’il s’est délesté de ses trois comptes en banque sur pattes Messi, Neymar et Mbappé.
Pas besoin d’aller voir ailleurs, du reste, puisque Ferrari a elle aussi payé très cher pour comprendre la leçon. Aller chiper les meilleurs pilotes sacrés champions du monde chez la concurrence est même une spécialité maison chez Ferrari. Avec un résultat trop souvent loin des ambitions initiales. Que ce soit avec Alain Prost, Fernando Alonso ou Sebastian Vettel, la marque au cheval cabré n’a jamais réussi à transformer l’essai. Si les contextes et les époques étaient à chaque fois différents, cela en dit long sur la complexité de briller en rouge, même quand on est un immense champion.
« La patience est rare chez Ferrari »
Ancien directeur des écuries Renault F1 Team et McLaren, Eric Boullier explore avec nous les pistes de réflexion. « Il y a une telle pression à rouler chez Ferrari qu’il faut des pilotes qui ont la capacité d’accepter et de gérer ça. C’est aussi pour ça qu’elle va souvent chercher des pilotes qui ont déjà été champions du monde ailleurs. Mais ça ne suffit pas toujours, Ferrari l’a bien constaté par le passé. » A des degrés différents, aussi bien Prost que Alonso et Vettel, tous trois sont sortis de là lessivés, sans avoir réussi à satisfaire les attentes placées en eux par les fans et les médias italiens.
« Les tifosi, la presse italienne, l’exigence des dirigeants… Tout cela crée un climat où chaque erreur est scrutée, chaque décision est analysée, et la patience est rare, abonde Luca, qui tient le compte Scuderia Ferrari sur X. Prost en 1991 l’a vécu de plein fouet, tout comme Alonso et Vettel après lui. À l’inverse, des pilotes comme Schumacher, qui ont eu le temps de construire autour d’eux, ont mieux réussi. »
Mais la pression à elle seule ne peut pas expliquer cette succession d’échecs qui, mis bout à bout, dessine au fil des ans ce qu’il convient d’appeler une malédiction. « On n’est pas champion du monde de Formule 1 par chance. On l’est si on a la meilleure voiture, la meilleure équipe technique, la meilleure équipe de course, les meilleurs pilotes, la meilleure entente et le meilleur team boss, détaille Eric Boullier. Si vous n’avez pas ce cocktail au grand complet, c’est très compliqué. »
Une écurie pas toujours très stable
Il se trouve que toute Ferrari qu’elle est, l’écurie n’a jamais réussi à réunir tous ces ingrédients depuis le passage triomphal de « Schumi ». Elle s’est même carrément taillé une réputation de joyeux bordel à la sauce latine. Dans le documentaire de Canal+ consacré à Hamilton, Alain Prost évoque « des problèmes de management incommensurables et une politique incompréhensible et des changements au niveau de la direction, des décisions prises par on ne sait pas bien qui. Pour des gens comme moi qui ont connu des équipes structurées comme McLaren, c’était une grande surprise. »
« L’instabilité structurelle Ferrari a souvent été son propre ennemi, acquiesce Luca. Contrairement à Mercedes ou Red Bull qui ont su bâtir des projets sur la durée avec une gestion stable, Ferrari a connu des changements fréquents à la direction, que ce soit au niveau du management ou de l’ingénierie. Prost a vu l’équipe se désintégrer en 1991, Alonso a souffert des luttes internes et Vettel a dû composer avec une équipe qui n’a jamais su lui donner une voiture capable de battre Mercedes sur une saison complète. » Et on ne parle pas des erreurs stratégiques, devenues la (triste) marque de fabrique de l’écurie italienne, passée maîtresse dans l’art de se mettre des boulets aux pattes avant de sauter à pieds joints dans la mer Adriatique.
Avec Lewis, je positive !
Pourtant, à l’aube de cette nouvelle saison de F1, une question demeure : Du haut de son immense expérience et de son palmarès long comme la ligne droite du GP de Bakou, Lewis Hamilton peut-il briser la malédiction et offrir à Ferrari son premier titre de champion du monde depuis 2007 (Räikkönen) ? « Oui, sans hésiter ! », répond Eric Boullier, qui croit fort dans le trio magique composé par Charles Leclerc, Lewis Hamilton et Fred Vasseur, le directeur d’écurie arrivé chez Ferrari en 2023, « le seul capable de remettre Ferrari sur les bons rails pour remporter le championnat du monde ».
« Autant Charles que Lewis sont extrêmement liés à Fred, et Lewis peut amener à la fois de la sérénité, de l’expérience et le talent qu’il faut pour aller chercher des titres, poursuit-il. L’an passé ils se sont battus jusqu’à la dernière journée pour le titre de champion du monde constructeur, on sent qu’il y a des pas en avant qui ont été faits et je pense que l’arrivée de Lewis, combinée au talent de Fred et de Leclerc, ça peut faire très mal. »
« La situation est légèrement différente par rapport aux échecs passés, et il y a des raisons d’y croire, abonde Luca. Ferrari n’est plus en totale reconstruction. Cela dit, McLaren est encore le favori. Même si Ferrari fait un pas en avant, il faudra un léger affaiblissement de McLaren pour qu’Hamilton puisse viser le titre dès 2025. »
Venu chez Ferrari pour vivre un dernier challenge à sa hauteur, Lewis Hamilton a devant lui la plus belle page d’une histoire qui reste encore à écrire. Devenir champion du monde pour la huitième fois de sa carrière et battre le record du roi Schumacher, en Italie, sous les mêmes couleurs que le roi de Maranello, voilà un défi aussi sexy que le cliché devenu iconique du Britannique posant devant Maranello à côté de la mythique F40.