Protection de l’enfance : Rémunération, accompagnement, comment recruter de nouvelles familles d’accueil ?
«Quand je l’ai accueillie, c’était un bébé de 5 mois et demi. Aujourd’hui, elle a 12 ans et quand elle parle de mes enfants, elle dit que ce sont ses frères. Elle est là tout le temps, elle fait partie de la famille ». Anne-Françoise Lévêque fait partie des 800 assistants familiaux que compte le département d’Ille-et-Vilaine. Installée dans la région de Saint-Malo, cette maman de deux enfants, aujourd’hui grands adolescents, a fait le choix de devenir assistante familiale il y a quinze ans. A cette période, le département breton n’était pas dans un besoin impérieux et faisait même partie des territoires les mieux dotés en familles d’accueil. Mais le contexte a changé.
Les familles qui se portaient volontaires pour accueillir des enfants placés sont moins nombreuses, alors que les besoins de placements ont pourtant explosé. Face à la saturation des foyers d’accueil et à la très grande tension qui règne dans la protection de l’enfance, le département d’Ille-et-Vilaine a décidé de lancer un large appel à candidatures pour promouvoir ce métier qui ne ressemble à aucun autre. Et vous, seriez-vous prêt à accueillir un ou plusieurs enfants dans votre quotidien ?
« On implique toute la famille »
Anne-Françoise est une femme passionnée par son travail. Depuis une quinzaine d’années, elle accueille à son domicile des enfants que la justice a ordonné de placer. Un métier peu ordinaire, parfois mal considéré, qui est pourtant essentiel, pour ne pas dire vital, dans certaines situations de véritable danger. « C’est un métier méconnu, qui n’est pas toujours simple, il faut le dire. On implique toute la famille. Les jeunes qu’on accueille, on doit les accompagner comme nos propres enfants. Mais il faut aussi composer avec leur passé, avec leur histoire. Ce métier, il faut le faire avec le cœur ».

Pour exercer cette mission, Anne-Françoise a été formée et elle est rémunérée. Chaque mois le département lui verse un salaire d’environ 2.700 euros bruts pour les deux enfants qu’elle accueille. Une rémunération à laquelle il faut ajouter les frais comme la nourriture, les besoins ponctuels, des gardes de week-end et même une petite enveloppe pour un cadeau d’anniversaire. « Cette rémunération, elle est essentielle. Le métier d’assistant familial est un métier exigeant car c’est du sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre », rappelle Anne-Françoise Courteille, vice-présidente du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine.
« On a besoin d’elles »
Si sa collectivité vient de lancer une telle campagne de recrutement, c’est parce qu’elle constate un creux dans les vocations. Le métier d’assistant familial fait moins recette alors que les besoins augmentent, sous l’effet de procédures de placement toujours plus nombreuses. « Ça reste extrêmement fragile. C’est pour cela que l’on doit accueillir de nouvelles familles. On a besoin d’elles. La réalité, c’est qu’il y a encore des enfants qui meurent ou qui sont terriblement abîmés dans leur sphère familiale », poursuit l’élue.

L’an dernier, ses services avaient été particulièrement affectés par un baromètre établi par le Syndicat de la magistrature, qui classait l’Ille-et-Vilaine comme le département français le plus touché par des placements non exécutés. « Les chiffres étaient en partie erronés mais qu’importe. On a beaucoup travaillé pour enrayer cette spirale », assure Anne-Françoise Courteille, consciente que l’épidémie de Covid-19 a dégradé bon nombre de situations familiales.
Alerté depuis des années par la baisse du nombre de familles volontaires, le département a donc fini par mettre au point une campagne à dimension positive qui met l’enfant au centre des préoccupations. « Enfin », peut-on entendre dans les rangs des professionnels de la protection de l’enfance. Car avec une moyenne d’âge de 53 ans, le métier souffre d’une vraie difficulté de renouvellement. Et d’un vrai déséquilibre : moins de 10 % des assistants familiaux sont des hommes.