France

Affaire Bétharram : L’Eglise entre « aveuglement » et « omerta » concernant son manque de réaction sur les abus sexuels

De la « honte », de la « compassion », de la « souffrance »… La volonté que cela « ne puisse plus se reproduire ». L’évêque de Bayonne s’est livré ce jeudi à un exercice de repentir convaincu devant la presse, après les affaires Bétharram et plus récemment Saint-François-Xavier d’Ustaritz. Accompagné du père Laurent Bacho, responsable de la cellule d’écoute de la congrégation des pères de Bétharram, il a été beaucoup moins à l’aise lorsque la question de savoir qui était au courant a été abordée.

Mgr Aillet a ainsi évoqué « une loi d’omerta généralisée dans l’Église et la société » durant « des décennies », et maintenu avoir appris « par la presse » les accusations de violences commises à Lestelle-Bétharram et dans un autre collège privé de son diocèse, à Ustaritz.

« Soumis au Saint-Siège »

Le cas du père Henri Lamasse, 94 ans, placé en garde à vue mi-février dans le cadre de l’enquête judiciaire et remis en liberté sans être poursuivi en raison de la prescription des faits qui lui étaient reprochés, a en effet été soulevé. Il était mis en cause par un ancien élève aujourd’hui âgé de 78 ans, Jean-Marie Delbos, qui avait porté plainte une première fois en 2010. La procédure avait déjà été classée pour prescription.

Qu’est-ce qui a été mis en place à cette époque ? « Je n’ai pas juridiction sur les pères de Bétharram, puisqu’il s’agit d’une congrégation de droit pontifical, qui dépend directement de Rome » s’est défendu Marc Aillet, se retranchant presque derrière le pape lui-même. Il explique toutefois avoir « pris contact avec les autorités à Rome » lorsque l’affaire a éclaté, et a dit « qu’il fallait absolument faire une enquête canonique. » Enquête qui a conclu à la « prescription canonique » car à l’époque « c’était parole contre parole puisqu’il n’y avait à ce moment-là pas d’autre plainte déposée. »

Jean-Marie Delbos assure pourtant que d’autres enfants ont été victimes du père Lamasse. « C’était la décision de Rome, et nous sommes soumis au Saint-Siège » conclut l’évêque, qui ajoute que la récente garde à vue du père Henri Lamasse « n’a pas révélé d’autre plainte que celle de Jean Marie Delbos. » Des « mesures conservatoires » ont depuis été prises « pour empêcher tout ministère, tout contact avec des enfants au père Lamasse, qui ne peut plus dire la messe publiquement », a déclaré Mgr Marc Aillet au sujet du religieux mis en cause.

« Aveuglement de notre congrégation »

« Cette plainte contre le père Henri Lamasse, c’était au niveau de l’école apostolique, tout à fait distincte » se défend de son côté le père Laurent Bacho, noyant quelque peu l’auditoire dans sa volonté de s’exonérer, lui aussi, de toute responsabilité directe. S’il dénonce des faits « ignobles » commis à Bétharram, il concède qu’il y a eu « un aveuglement dans notre congrégation. » Aveuglement qui serait dû, selon lui, à « l’exhumation du corps » du père Carricart au début des années 2000, lorsqu’un doute sur l’identité du corps enterré avait été soulevé lors de l’enquête le concernant.

Ancien directeur de Bétharram mis en examen 1998 pour viol, le père Carricart s’était suicidé en 2000. « Nous avons été aveuglés par cette exhumation, nous le regrettons profondément. » Sur cette même affaire, l’évêque de Bayonne n’a, lui, rien à dire : « Personnellement je suis arrivé en 2008, je n’étais pas au courant de ça ».

Concernant l’affaire de Saint-François-Xavier d’Ustaritz, révélée il y a quelques semaines seulement par les témoignages d’anciennes victimes, et qui est à l’origine de la conférence de presse de Mgr Aillet organisée ce jeudi, ce dernier assure, sans surprise, n’avoir « eu connaissance que des cas sortis dans la presse » ces derniers jours.