Espace : De huit jours à presque dix mois, la folle épopée des astronautes coincés dans l’ISS

Cette fois, c’est la bonne. Après presque dix mois passés dans la Station spatiale internationale (ISS), le retour est proche pour les astronautes Butch Wilmore et Suni Williams : Crew-10, la mission qui vient relayer l’équipage Crew-9 avec qui les deux « naufragés de l’espace » rentreront sur Terre, doit décoller de Floride ce soir à 19h48 heure locale (00h48 jeudi heure française). Les deux vétérans, initialement partis pour huit jours à bord de l’ISS, devraient revenir sur Terre dimanche… si les problèmes les épargnent.
Retour sur ce feuilleton de presque un an, marqué par les reports et les imprévus successifs.
Retards au décollage
Tout commence en mai dernier, date initiale du lancement des deux astronautes vers l’ISS par une fusée Atlas V du groupe ULA. Ils avaient été choisis pour être les premiers astronautes à voler à bord de la capsule Starliner de Boeing et devaient permettre à l’entreprise de démontrer que son vaisseau est sûr. Concurrent de la capsule Dragon de SpaceX, le véhicule a été commandé par la Nasa il y a dix ans pour effectuer des missions régulières vers l’ISS afin de bénéficier d’une deuxième option d’acheminement vers le laboratoire spatial. Mais le Starliner a accumulé les problèmes et accusé plusieurs années de retard, avant d’enfin arriver à ce premier vol habité, initialement prévu le 6 mai.
La fusée n’a finalement décollé qu’un mois après, le 5 juin, après plusieurs reports successifs liés à plusieurs problèmes techniques, puis à une fuite d’hélium sur le Starliner. Trop contraignante à réparer – elle aurait nécessité le démontage du vaisseau –, cette fuite a été considérée comme gérable par la Nasa et Boeing, qui ont décidé de procéder au lancement malgré le problème.
L’espace, le début des (vrais) problèmes
Enfin partis pour l’ISS, les astronautes n’étaient pourtant pas au bout de leurs peines : en plein vol, deux nouvelles fuites d’hélium, en plus de celle déjà connue, ont été détectées en vol sur leur Starliner. Le lendemain, de nouveaux problèmes sur la capsule, cette fois sur le système de propulsion, ont retardé son amarrage à l’ISS.
Ces défaillances, loin d’être anodines, se sont ensuite révélées être le cœur du problème. Privilégiant la sécurité des astronautes, la Nasa a repoussé plusieurs fois leur retour sur Terre afin de mener des tests sur le vaisseau. « Nous ne comprenons pas assez bien [les soucis rencontrés] pour les réparer de façon permanente, donc le seul moyen de le faire est de prendre le temps » et « récolter davantage de données », avait indiqué fin juin Mark Nappi, un haut responsable chez Boeing.
SpaceX à la rescousse
Malgré la confiance de Butch Wilmore et Suni Williams dans leur vaisseau et sa capacité à les ramener sur Terre, la Nasa a indiqué début août commencer à envisager la possibilité de faire repartir le Starliner vide et de faire rentrer les deux astronautes avec SpaceX. Cette solution a été confirmée le 24 août par l’agence spatiale, qui a estimé, à travers Steve Stich, un de ses hauts responsables, qu’un retour avec ces dysfonctionnements « était simplement trop risqué pour l’équipage ».
Le Starliner est donc revenu sur Terre – avec succès – le 7 septembre, sans ses astronautes. Concernant ces derniers, la mission régulière Crew-9 est partie le 28 septembre pour six mois dans l’ISS en n’emportant que deux astronautes au lieu de quatre, laissant deux sièges vides pour Butch Wilmore et Suni Williams. Ceux-ci ont été programmés pour rentrer sur Terre à la fin de la mission de Crew-9, en février.
Du retard, encore du retard
L’infortune a continué quelques mois plus tard : le 18 décembre, la Nasa a annoncé que les deux vétérans de l’espace et leurs compagnons de capsule ne reviendront pas sur Terre avant « fin mars au plus tôt ». La cause de ce énième délai ? Le report du lancement de Crew-10, l’équipage qui doit remplacer Crew-9 dans l’ISS et leur permettre de rentrer, pour donner aux équipes de la Nasa et de SpaceX le temps de terminer le développement d’une nouvelle capsule Dragon.
Le 11 février, nouveau changement, positif cette fois : Butch Wilmore et Sunita Williams devraient rentrer un peu plus tôt que prévu (oui, vous avez bien lu). La Nasa et SpaceX ont finalement décidé d’« avancer les dates » et de faire voler Crew-10 sur « un [vaisseau spatial] Dragon ayant déjà volé » plutôt que d’attendre que la nouvelle capsule soit prête, permettant de programmer le lancement ce mercredi soir et de prévoir le retour des deux « naufragés » quelques jours plus tard, soit dimanche.
Donald Trump s’en mêle
L’épopée malchanceuse de Butch Wilmore et Suni Williams avait récemment pris une tournure politique, après qu’Elon Musk, patron de SpaceX et proche conseiller de Donald Trump, a affirmé mi-février sur Fox News, lors d’un entretien croisé avec le président américain, que les deux astronautes avaient été « laissés là-haut pour des raisons politiques ». L’entrepreneur a ensuite assuré sur X que SpaceX « aurait pu les ramener il y a plusieurs mois », ajoutant qu’il l’aurait « proposé directement à l’administration Biden » et aurait essuyé un refus.
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Ces propos ont été soutenus par Butch Wilmore lui-même, qui a déclaré le 4 mars qu’il croyait Elon Musk. Intervention politique ou non, les astronautes devraient être de retour sur Terre d’ici la fin de cette semaine après presque dix mois d’infortune… si le sort ne continue pas de s’acharner sur eux.