Maroc

La spiritualité a encore toute sa place dans le monde moderne (Kaïsse Ben Yahia)

À l’heure des mutations technologiques accélérées et des changements effrénés que vit l’humanité, la spiritualité semble parfois reléguée au second plan. Pourtant, la quête de sens demeure un besoin fondamental, qui traverse les époques et les civilisations. En ce mois sacré du Ramadan, période propice à la prière et au recueillement, mais aussi à l’introspection et à la réflexion, Kaïsse Ben Yahia nous livre son regard sur la place de la spiritualité dans un monde en mutation constante.

Un parcours entre science et humanisme

«Je suis chargé de mission au Cabinet Royal, mais je préfère aujourd’hui être perçu en tant qu’humaniste», annonce d’emblée l’Invité de Rachid Hallaouy. Ingénieur en chimie nucléaire de formation, il avoue pourtant avoir été attiré par la recherche du sens dans l’univers. Cette quête l’a mené bien au-delà de la science, vers la poésie et la spiritualité, un attrait qu’il attribue à son père, lui-même grand poète et journaliste. «La poésie et l’art ont toujours fait partie de mon quotidien».

La spiritualité face aux crises du monde moderne

Le monde traverse une succession de crises, qu’elles soient géopolitiques, économiques ou technologiques. Pourtant, le chemin de la spiritualité n’a pas disparu. «Ce qui change, c’est notre capacité à y accéder. Aujourd’hui, l’omniprésence des technologies et des réseaux sociaux nous plonge dans une logique d’immédiateté qui empêche le recul nécessaire à la spiritualité, explique M. Ben Yahia. Selon lui, trouver la spiritualité n’est pas plus difficile qu’autrefois, mais plus complexe. «Avant, les sociétés étaient plus structurées autour de repères collectifs solides. Aujourd’hui, l’individualisme prend le dessus. Pourtant, si l’on recrée un cadre favorable, la spiritualité se révèle d’elle-même.»

Entre raison et intuition : quel chemin vers la spiritualité ?

La spiritualité repose sur un subtil équilibre entre rationalité et intuition. «Il faut être les deux», affirme Kaïsse Ben Yahia. «La spiritualité a besoin de la rigueur rationnelle mais aussi de l’intuition. Spinoza disait que l’étape la plus élevée de l’existence est celle de l’adoration et de l’amour de Dieu dans la nature infinie. La spiritualité repose donc sur une démarche à la fois introspective et rationnelle.»

Technologie et spiritualité : une cohabitation difficile ?

Si la technologie offre des possibilités infinies, elle ne peut remplacer le besoin de transcendance. «Elle favorise l’efficacité et l’individualisme, mais elle nous éloigne de la collectivité et donc de la spiritualité. Il faut veiller à ne pas être conditionné par un modèle purement technologique et économique», prévient-il en rappelant dans ce contexte que la spiritualité doit s’adapter sans se diluer.

«Nos spiritualités en partage : entre éthique et esthétique», thème du 3e Festival international «L'Âme des Cultures»

Les valeurs marocaines face aux mutations du monde

Le Maroc, riche de douze siècles d’histoire, peut-il résister à la vague d’individualisme qui submerge le monde ? «Oui, car nous avons des valeurs solides», répond Kaïsse Ben Yahia. «La Marche Verte et la mobilisation nationale en sont des exemples. Plus récemment, la gestion du séisme d’Al Haouz ou encore l’entraide observée pendant la Coupe du monde ont illustré cette force collective. Ces valeurs sont notre boussole et notre atout face aux mutations du monde», a-t-il mis en avant.

Cependant, certaines réalités, comme l’inflation et la spéculation sur les prix, semblent parfois contredire cet esprit de solidarité. «Il y a des actes isolés, mais les valeurs de solidarité restent prédominantes. Par exemple, la distribution de paniers alimentaires pendant le Ramadan, sous l’impulsion de Sa Majesté, est une illustration de cette générosité nationale. L’essentiel est de se référer aux actions structurantes et durables plutôt qu’aux faits ponctuels», relève M. Ben Yahia.

Transmettre les valeurs et préserver la spiritualité

Face aux transformations profondes du monde, comment préserver les valeurs marocaines ? «En les vivant et en les transmettant à la nouvelle génération», insiste M. Ben Yahia. «Le Maroc a su garder son identité et sa spiritualité tout en s’adaptant aux évolutions mondiales. En cultivant notre solidarité, notre histoire et notre spiritualité, nous pouvons rester ancrés dans nos valeurs tout en affrontant les défis du futur», conclut-il.