C’est quoi les posidonies, ces herbes indispensables qu’il ne faut surtout pas perturber en bateau ?

En ce printemps qui s’annonce et la reprise en mer Méditerranée des activités de plaisances, l’amende de 5.000 euros infligée dernièrement par la cour d’appel d’Aix-en-Provence à une jeune skippeuse professionnelle de 21 ans, rappelle que jeter l’ancre de son bateau sur un herbier de posidonie peut coûter cher.
Cher, mais surtout être très dommageable pour la planète. Les herbiers de posidonie sont en effet essentiels pour la biodiversité. Endémiques de la Méditerranée, ces plantes marines, à fleurs, aussi appelées herbiers sous-marins et décrites parfois comme les « forêts » de la Méditerranée, se trouvent principalement, en France, dans les eaux de la région PACA et en Corse.
Contrairement aux algues, ce sont de véritables plantes, avec des racines, des tiges et des feuilles, et se reproduisent. Les herbiers de posidonies peuvent couvrir des étendues impressionnantes de plusieurs centaines d’hectares et forment un réseau dense et très résistant. Ce sont des écosystèmes particulièrement riches en biodiversité, abritant une multitude d’espèces marines telles que des poissons, des mollusques, des crustacés, et même des espèces menacées comme la grande nacre ou la tortue marine.
« Les ancres de bateaux ont un impact immédiat »
Problème, « l’herbier de posidonie est très vulnérable car il a une croissance extrêmement lente, de quelques centimètres par an, explique Patrick Astruch, ingénieur de recherche appliquée en écologie marine. « La posidonie porte encore beaucoup de stigmates de pressions passées du XXe siècle, comme la dégradation de la qualité du milieu, l’aménagement du littoral avec la construction de ports, de terre-plein etc. Si tout cela est mieux réglementé et encadré depuis, elle subit surtout aujourd’hui une activité qui est en plein essor depuis les années 2000-2010, la navigation de plaisance et la grande plaisance en particulier », souligne l’ingénieur qui poursuit.
« C’est aujourd’hui une des principales menaces sur l’herbier de posidonie » notamment dans le Var, les Alpes-Maritimes, la Corse. « On est sur une zone où il y a une des plus grosses densités de yacht, de méga yachts au monde, et on a observé en quelques années dans certaines zones, comme dans le Golfe de Juan, une régression de dizaines voire des centaines d’hectares de posidonies, alerte l’ingénieur. L’abrasion mécanique des hélices et des ancres de bateaux a un impact immédiat, irréversible sur la posidonie à l’échelle d’une génération ».
Aujourd’hui en France, le Code de l’environnement interdit la destruction des herbiers de posidonies, considérés comme des milieux naturels protégés. Des programmes de sensibilisation ont également été lancés pour informer le public, notamment les plaisanciers, sur l’importance de ces plantes marines et sur les bons gestes à adopter pour préserver cet écosystème fragile.
Préservation de la biodiversité
Une protection de première importance car l’herbier de posidonie participe également à l’amélioration de la qualité de l’eau, détaille le Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS). Les herbiers agissent comme de véritables filtres naturels, capturant les particules en suspension, absorbant le dioxyde de carbone (CO2) et produisant de l’oxygène, ce qui permet ainsi de conserver un équilibre entre les gaz dissous dans l’eau et donc à préserver la santé de l’écosystème marin et pour la qualité des eaux littorales, souligne le GIS.
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Enfin, autre rôle fondamental des herbiers de posidonies, la protection des rivages contre l’érosion. Leurs racines, en s’enchevêtrant dans le sable et la roche, stabilisent les fonds marins et ralentissent le processus d’érosion des côtes. « Cela contribue à préserver les plages et les habitats naturels des zones littorales, qui sont souvent menacés par les tempêtes, les vagues, les courants. On trouve d’ailleurs naturellement beaucoup de feuilles de posidonie échouées sur les plages. Des plaisanciers considèrent cela comme un déchet alors que ça représente un outil de lutte contre l’érosion du littoral, regrette Patrick Astruch. Il y a aujourd’hui encore un problème d’acceptation, pourtant, ça correspond à une plage de Méditerranée, qui n’est pas une plage de sable blanc uniquement ».