Rennes : Le Jarl contre l’Union pirate… Que sait-on des violences commises en marge d’une free party ?
Chacun ses images, chacun son discours, chacun sa version. Depuis la nuit de samedi à dimanche et la tenue d’une teuf dans l’ancien cinéma Cinéville du Colombier, à Rennes, deux récits s’opposent. D’abord celui tenu par l’Union pirate, syndicat étudiant de gauche et proche de La France insoumise. De l’autre celui défendu par Le Jarl, célèbre influenceur proche de l’extrême droite qui supervise la sécurité du 1988 Live Club, une discothèque située sur la dalle du Colombier. A travers ces deux versions radicalement différentes, s’orchestre une véritable guerre des images, dont certaines « révèlent clairement des violences » selon la police. 20 Minutes fait le point.
Que s’est-il passé dans la nuit de samedi à dimanche ?
Les faits ont démarré vers 2 heures dimanche matin. Plusieurs dizaines de personnes ont forcé les portes de l’ancien Cinéville de la dalle du Colombier, à Rennes, pour y organiser une teuf « antifasciste ». Précisons que ce rassemblement se tenait en toute illégalité, dans un lieu fermé depuis sept ans et situé à proximité d’une boîte de nuit. Selon les versions, on estime qu’entre 200 et 400 personnes se trouvaient à l’intérieur des anciennes salles de projection où des enceintes avaient été installées. Une occupation particulièrement risquée dans un espace désaffecté depuis des années.

La police a bien été prévenue. Mais avant son arrivée, ce sont les agents de sécurité du 1988 Live Club qui ont quitté leur établissement, situé juste à côté, pour se rendre devant l’ancien cinéma. Avec sa caméra allumée, le Jarl filme les participants. « Il était avec sept ou huit armoires à glace. Ils avaient tous une gazeuse et ils ont bloqué les portes pour enfermer les gens à l’intérieur », assure Gautier Langlois, membre du syndicat Union pirate qui se trouvait à l’extérieur du bâtiment.
Joint par 20 Minutes, Le Jarl, le chef de la sécurité qui fait tant parler de lui, s’explique : « On n’a pas fermé les portes, ce sont les participants qui l’on fait. On est resté devant pour empêcher d’autres personnes de rentrer. Ce bâtiment est à l’abandon depuis 2019. C’est hyperdangereux. S’il y avait eu un départ de feu, ça aurait dramatique, d’autant qu’il y avait des gens alcoolisés sur le toit. »
Qu’a fait la police ?
Une quinzaine de policiers équipés de casques et de boucliers ont été déployés aux abords de l’ancien cinéma. Des effectifs « habituels » pour un samedi soir mais qui ne permettent pas d’assurer des missions de maintien de l’ordre. Dans la journée, la police avait déjà dû encadrer la manifestation pour les droits des femmes puis la rencontre entre le Stade Rennais et le PSG. D’après une porte-parole de la police, les agents ont essuyé des jets de projectiles et de bouteilles à leur arrivée sur les lieux. Une policière a été légèrement blessée. « Nous avons répliqué avec des gaz lacrymogènes tirés à l’extérieur du bâtiment ».
Le gaz se serait cependant répandu à l’intérieur de l’ancien cinéma, donnant lieu à des mouvements de panique. « On n’a jamais bloqué les gens à l’intérieur », assure la police. Une partie des participants est sortie par l’arrière du bâtiment, par un escalier qui mène directement sur l’entrée de la discothèque. « Les gens voulaient sortir, c’était la panique, il y a eu des malaises », assure le syndicat Union pirate, qui accuse le service d’ordre du 1988 Live Club d’avoir « ratonné » les participants sur la dalle du Colombier. Réponse du Jarl : « On essuyait des jets de bouteilles. On a fait ce qu’on a pu pour protéger nos clients. A ce moment-là, on avait 200 personnes dans la file d’attente et 1.000 personnes à l’intérieur. La police était restée devant le cinéma donc on voulait simplement les faire reculer. A chaque fois qu’on les repoussait, ils revenaient. »
Que montrent les images ?
« On a des vidéos accablantes », assure le syndicat Union pirate. Mais elles ne sont pas nombreuses. D’après des participants, les agents de sécurité de la discothèque ont pris le téléphone de plusieurs témoins « pour les casser » et ont menacé les personnes qui filmaient la scène. « Je ne veux pas qu’on filme nos clients », se défend Le Jarl. Dans une vidéo de neuf minutes diffusée sur ses réseaux, l’influent portier ne se prive pas, lui, d’afficher tous les participants, qu’ils qualifient « d’enfants » se targuant de « faire courir les petites filles ». Ce qu’on ne voit pas dans le montage du Jarl, ce sont les gaz lacrymogènes tirés à bout portant par des agents du 1988 sur deux jeunes femmes. Ou encore ce même gaz aspergé au visage d’un homme qui passait par là et n’avait visiblement rien demandé.
Le plus choquant reste sans doute le passage filmé par une cliente de l’établissement, où l’on voit un homme à terre avec deux agents de sécurité sur le dos. A plusieurs reprises, sa tête est frappée au sol par l’un des agents. « Oui, un de mes gars était très énervé parce qu’il avait reçu une bouteille dans le dos. On a fait ce qu’on a pu. On était six et je ne dis pas qu’on a tout bien fait. Mais on s’en sort avec aucun blessé », assure Le Jarl. L’Union pirate accuse les agents de sécurité d’avoir agi « en toute illégalité » et demande « la fermeture immédiate » de la boîte de nuit.
Quelles suites seront données à ces heurts ?
Aucune interpellation n’a eu lieu en marge de ces heurts. Plusieurs « procédures » ont été ouvertes par la police. Les enquêteurs veulent savoir qui est à l’origine de cette occupation illégale commise par effraction. Ils analysent également les agissements des différents protagonistes : ceux qui ont balancé des projectiles mais aussi les agents de sécurité du 1988. « Sur les images, on voit très clairement des scènes de violences commises sur certaines personnes », assure une porte-parole de la police rennaise. Pour l’heure, aucune plainte n’a été déposée. D’après nos informations, la discothèque fait déjà l’objet de plusieurs procédures. Elle est d’ailleurs en sursis depuis plusieurs années, le bâtiment qu’elle occupe semblant promis à une démolition dans le cadre de la requalification de la dalle du Colombier.