Intelligence artificielle et soins Infirmiers : obstacles, perceptions et perspectives

Une étude publiée le 21 janvier 2025 dans «The Journal of Radiology Nursing», revue américaine spécialisée en soins infirmiers en radiologie, explore les obstacles à l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans la pratique infirmière.
Son auteur, le Dr Mohamed Benfatah, spécialiste en éducation par simulation, s’appuie sur une enquête menée auprès de 78 infirmiers de l’hôpital Hassan II de Settat, dont 65,4% de femmes. Les participants, âgés de 25 à 34 ans et titulaires d’un diplôme en soins infirmiers, présentent une expérience professionnelle variant entre moins d’un an et plus de 20 ans, avec 48,7% d’entre eux ayant entre 6 et 10 ans d’expérience.
Les obstacles technologiques et organisationnels
L’étude révèle que 43,6% des participants ne sont pas familiers avec l’IA en santé et que 64,1% des infirmiers se sentent mal à l’aise avec les technologies numériques. Par ailleurs, 72,8% des répondants estiment que l’infrastructure de l’hôpital ne soutient pas adéquatement l’intégration de l’IA. «Ces résultats mettent en lumière des barrières technologiques qui demeurent un frein majeur au déploiement de l’IA dans le secteur de la santé», souligne le Dr Benfatah dans une déclaration à «Le Matin». Ce dernier va plus loin en pointant des obstacles organisationnels encore plus préoccupants : 59% des infirmiers jugent que la direction hospitalière n’est pas favorable à l’adoption de l’IA et seulement 18% ont reçu une formation formelle sur ce sujet. Selon lui, il est urgent de repenser les systèmes de formation en intégrant l’IA dans les parcours éducatifs des professionnels de santé. «L’intégration de l’intelligence artificielle dans les systèmes de santé représentera une avancée majeure pour l’amélioration des soins aux patients, la prise de décision clinique et l’optimisation de l’efficacité opérationnelle. Il est donc impératif d’investir dans des infrastructures adaptées, de développer des interfaces simples et de sensibiliser aux enjeux éthiques et sécuritaires liés à son utilisation», affirme-t-il.
L’étude révèle également que 74,4% des participants s’inquiètent de la confidentialité des données des patients, et seulement 26,9% se disent confiants dans l’utilisation de l’IA pour la prise de décisions critiques. Ces préoccupations soulignent l’importance d’une approche réfléchie et éthique dans l’adoption de l’IA.
Un manque de collaboration interdisciplinaire
Un autre point essentiel abordé dans l’étude concerne la communication entre infirmiers et autres professionnels de santé. 45% des répondants estiment que celle-ci est insuffisante, tandis que 53,8% jugent la collaboration interdisciplinaire «neutre» ou «peu efficace». Pour le Dr Benfatah, ces lacunes doivent être prises très au sérieux pour assurer une intégration réussie de l’IA dans les soins infirmiers. «Les infirmiers jouent un rôle central dans l’adoption de l’IA. Leur perception et leur préparation sont donc cruciales pour une intégration réussie», rappelle-t-il.
L’expert recommande de favoriser une approche participative où les infirmiers peuvent exprimer leurs besoins, tout en organisant des réunions de travail pour optimiser l’utilisation de l’IA au sein des équipes. Il préconise également d’impliquer activement les décideurs hospitaliers afin de soutenir cette transition. Fort de ses échanges avec les participants à l’enquête et de son expérience à l’étranger, le Dr Benfatah insiste sur le fait que l’intégration de l’IA doit être progressive, adaptée aux besoins des infirmiers et aux contextes cliniques spécifiques. Selon lui, l’IA doit avant tout être un outil de soutien à la prise de décision des infirmiers, sans chercher à les remplacer. «Une collaboration étroite entre hôpitaux, universités et organismes de réglementation sera indispensable pour garantir une adoption éthique et légale de l’IA», conclut-il.