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« Toxic Town » : La véritable histoire derrière la bouleversante série Netflix

Une histoire bouleversante qui rappelle celle d’Erin Brockovich avec Julia Roberts. Toxic Town, disponible sur Netflix, retrace l’un des plus grands scandales environnementaux qu’ait connu le Royaume-Uni : l’affaire des déchets toxiques de Corby. Cette minisérie en 4 épisodes, écrite et créée par Jack Thorne, relate le combat d’une poignée de mères, dont les enfants sont nés avec des malformations congénitales causées par la gestion déplorable des déchets industriels d’une usine sidérurgique désaffectée.

Corby, bastion de la sidérurgie britannique

L’industrie sidérurgique s’est développée rapidement à Corby, ville située dans le Northamptonshire au centre de l’Angleterre dans les années 1930 avec la construction de l’aciérie Stewarts & Lloyds, nationalisée et intégrée au groupe British Steel en 1967.

Dans les années 1970, elle est l’une des plus grandes usines sidérurgiques d’Europe occidentale, la moitié de la ville de Corby y travaille. Au cours de son exploitation, une énorme quantité de déchets industriels, y compris des déchets toxiques, est déposée sur le site. L’aciérie ferme en 1981.

Une décontamination bâclée du site sidérurgique

Entre 1984 et 1999, le Corby Borough Council (conseil municipal de Corby) entreprend la démolition, l’excavation et le réaménagement du site industriel. De nombreux anciens ouvriers de l’aciérie, qui s’étaient retrouvés au chômage, travaillent sur ces sites abandonnés et pollués, sans aucune expertise en matière de déchets toxiques.

La décontamination se fait au mépris des règles de sécurité et des obligations sanitaires. Jusqu’à 200 camions ouverts transportent quotidiennement les déchets toxiques au travers les zones habitées jusqu’à une carrière, déversant des boues sur les routes et libérant d’énormes quantités de poussière dans l’air. La population locale est alors exposée à ces poussières chargées en métaux lourds sur une longue période.

Une lente prise de conscience

Toxic Town raconte l’affaire du point de vue de quatre mères, qui existent réellement : Susan McIntyre, incarnée par Jodie Whittaker (Doctor Who), Tracey Taylor jouée par Aimee Lou Wood (Sex Education) et Maggie Mahon, campée par Claudia Jessie (Bridgerton).

Elles ont toutes donné naissance à des bébés atteints de malformation congénitale dans les années 1990. Le fils de Maggie Mahon, dont le mari Derek (Joe Dempsie vu dans Skins et Game of Thrones) travaille sur le site à décontaminer, naît avec un pied bot. Shelby Ann, la fille de Tracey Taylor, décède quatre jours après sa naissance, son cœur ne comportait que deux chambres au lieu de quatre. Susan McIntyre est la maman d’un petit Connor, né avec la main atrophiée.

« Je croisais à l’hôpital beaucoup d’autres femmes qui attendaient un enfant, et certaines d’entre elles accouchaient de bébés avec des malformations au niveau des membres », se souvient la vraie Susan McIntyre sur le site Tudum by Netflix. « Quatre mois plus tard, j’accouchais d’un bébé qui souffrait exactement de la même chose. J’ai trouvé cela étrange », explique-t-elle.

L’appel de Graham Hind, journaliste au Sunday Times conforte les soupçons de Susan McIntyre. Son enquête coécrite avec Stephen Bevan rapporte qu’un des sites contient des niveaux d’arsenic, de zinc, de bore et de nickel dépassant de loin les normes autorisées, même après avoir été soi-disant nettoyé.

19 familles signent un recours collectif

Après la parution de l’article en 1999, Des Collins (Rory Kinnear, vu dans la saga « James Bond »), un avocat local, contacte ces mères de famille et leur propose de se constituer parties civiles. Dix-neuf familles finiront par signer le recours collectif.

Tracey Taylor ne sera finalement pas incluse. Différents experts médicaux estiment que les problèmes de santé de Shelby Ann sont trop différents de ceux des autres enfants et qu’il est difficile de lier l’origine de sa pathologie à celle des autres. « Je suis quand même allée au tribunal, j’ai donné mon témoignage, pour aider les autres enfants, même si je n’étais plus plaignante », souligne-t-elle à Netflix.

Une longue bataille judiciaire

Avec l’aide de l’avocat et de quelques lanceurs d’alerte (comme le personnage fictif de Ted Jenkins, interprété par Stephen McMillan), ces mères de famille vont mener l’enquête et découvrir la vérité : cette tragédie a été rendue possible par le conseil municipal de Corby, dirigée dans la série par le fictif Roy Thomas (Brendan Coyle), qui cherche désespérément à maintenir la compétitivité financière de la ville en négligeant les mesures de sécurité élémentaires.

Certains documents fournis par les lanceurs d’alerte seront capitaux. Dans la fiction, ils sont remis directement par l’ancien membre du conseil municipal Sam Hagen (Robert Carlyle, une des stars de Trainspotting et The Full Monty) à l’avocat. En réalité, la fuite n’a jamais été directement et officiellement liée à lui. La série lui rend un hommage posthume à la fin de l’ultime épisode.

En 2009, après dix ans de bataille juridique, la Haute Cour juge que le conseil municipal de Corby a fait preuve de négligence dans la gestion des déchets. Cette décision est historique dans la mesure où il s’agit de la première au monde à établir un lien entre les déchets toxiques atmosphériques et les malformations congénitales.

Les familles obtiennent en 2010 un règlement financier qui s’élève à 14,6 millions de livres sterling, conservé en fiducie jusqu’à la majorité des enfants. « L’argent ne nous intéressait pas. Tout ce que nous voulions savoir, c’était : “Pourquoi ? Pourquoi cela nous est-il arrivé ? Comment pouvons-nous empêcher que cela n’arrive à quelqu’un d’autre ?” », conclut Susan McIntyre.